On a marché

2 minutes de lecture

On a marché longtemps au revers des collines, on a aperçu, loin, là-bas, dans l’échancrure des arbres, les maisons des hommes, les villes où ils vivent à l’unisson, grappes compactes essaimées au hasard des rues. On a levé ses yeux au ciel, de longues zébrures le traversaient, les points brillants de coques d’acier les précédaient. On a entendu des chants d’oiseaux qui se perdaient au large de l’horizon. On a perçu le grondement d’un train glissant sur sa ligne d’acier. Sans doute, a-t-on été attentifs à des murmures de voix naissant à la confluence des rues, des terrasses de café s’y éployaient avec le rire sourd des hommes, celui plus mince, plus aigu des femmes. On a pensé à tous ces mouvements, ces éclats, ces couleurs qui se dissoudraient sous peu sous la poussée des premiers froids. On s’est levé de bonne heure. On voulait surprendre les dernières manifestations dont le paysage s’ornait afin de les archiver au plein de la mémoire. C’est si précieux le souvenir d’un bonheur éphémère. Cela tient si chaud lors des journées de pluie et de crachin, lors des équinoxes qui se déchaînent et obligent à se terrer.

   On est arrivé au bord d’une mare - simple souvenance de « La Mare au Diable », des belles descriptions lumineuses de Georges Sand ? -, on est arrivé au bord d’un monde dont on ne soupçonnait même pas l’existence. Ce pourrait être une manière de Paradis sur Terre, un refuge pour amoureux, l’abri d’adolescents voulant confier leur âge ambigu au secret des feuilles. Le temps est si clair, le ciel si bleu, couleur de dragée. Les ramures des grands arbres font leur feston sur le recueil du jour. Ils dessinent, sur la toile de fond du lointain, les premiers signes de la beauté. Tout, ici, vient à soi dans la pure évidence. Nul effort nécessaire pour embrasser ce qui comble le regard. C’est de simple avenance à ce qui veut bien se présenter dont il s’agit, le pur paraître des choses en son effusion toujours renouvelée. Cela surgit de la feuille, de l’écorce, cela monte des ossements blancs des racines, cela flotte en fin tapis de rhizomes, cela vous amarre aux plaines d’humus, cela vous dit le lieu de votre présence, le rare de l’heure, le pli du mystère de ceci même qui, jamais, ne se renouvellera. 

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire jean-paul vialard ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0