Seconde mission pour Eyaëlle

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Au petit matin, il s'éveilla dans les bras de sa compagne. Placée dans son dos, elle avait innocemment posé une main sur son cœur, l'autre sur sa gorge. Il sourit, puis bâilla, curieux de savoir pourquoi sa compagne le menaçait de mort. Qu'elle sorte les griffes, et elle lui tranchait la gorge.

- Existe-t-il une limite à ton goût pour le meurtre ? demanda-t-elle.

- Aucune, assura Nivom. À part toi et nos enfants. Pour n'importe qui d'autre, demande et cette personne mourra.

- Mais qu'est-ce qui me le prouve ? siffla Eyaëlle.

- Rien, convint Nivom. À part le fait que je ne mens pas. Toi et les enfants, tant que je vivrai, vous ne mourrez pas. Je saurai garantir votre sécurité à tous. Et ton bonheur, ma merveille... ronronna-t-il.

Sur ce, il embrassa la serre entourant sa gorge, se retourna et câlina sa Nér-hi, saisie par la gaieté son compagnon. Dans leur culture, porter la main à la gorge de quelqu'un sans son accord constituait un grave manque de respect. Et, au sein d'un couple, d'un abus de pouvoir doublé d'une absence de confiance. Et Nivom ronronnait. Cela la rendait songeuse. L'autre flaira son malaise, et resserra ses bras autour d'elle.

-Qu'est-ce qui t'inquiète, ma merveille ? s'enquit Nivom.

-Lâche-moi. Tout de suite.

Il obtempéra, et prit une pose aguicheuse. En vain. Il se demanda ce qui pouvait tant préoccuper Eyaëlle.

-Bien dormi ? demanda le dragonien.

Eyaëlle réfléchit.

-J'aurais une autre mission, pour toi.

-Déjà ? Mais je viens de rentrer ! Laisse-moi profiter des enfants ! Et puis, Svar veut que je lui apprenne à traquer des espions. Il pense renoncer à la place de Nér-hi, pour devenir éclaireur.

-Et tu comptes le soutenir dans cette démarche ? siffla sa compagne.

Les écailles de cette dernière se hérissèrent, tandis qu'elle crachait la suite.

-Seuls les meilleurs doivent surv...

-Tu connais mon point de vue sur le sujet, la coupa Nivom. Je préfère que la majorité de mes enfants survivent. Alors que celui-ci se désiste, je trouve ça bien. Un enfant que je pourrais voir grandir.

Eyaëlle répondit à sa supplique par un grondement lourd de menaces. Elle le foudroya du regard, jusqu'à ce qu'il fasse signe qu'il agirait selon sa volonté. Alors elle lui tendit un court message.

-Va là-bas, et tue ces trois conseillers.

Nivom lut. Il devrait se rendre dans un comté humain réputé pour son racisme, et surtout sa haine envers les siens. Il connaissait les trois conseillers de réputation, et sourit. Depuis le temps qu'il espérait se les faire, ceux-là. En se dépêchant, il pourrait arriver à l'heure à un rendez-vous mensuel avec des connaissances. Il enseignerait la traque à son fils ensuite. Et le temps de sa mission lui permettrait de trouver de nouveaux arguments, pour convaincre sa compagne de laisser leurs enfants choisir si oui ou non, ils voulaient participer aux duels fratricides visant à désigner le futur remplaçant de leur mère. Les Nér-hi se désignaient ainsi. En abattant leurs frères et sœurs lors de duels auxquels tout le clan assistait. Le vainqueur deviendrait, au moment de la mort du Nér-hi actuel, serviteur de l'esprit prié par le clan, représentant et meilleur combattant, et devrait de plus incarner les lois et traditions du clan. De lourdes responsabilités.

Le dragonien n'était que Der-hi. Il secondait sa compagne dans toutes ces tâches. Il embrassa Eyaëlle, sortit de la tente, partit prévenir ses enfants, mangea un solide petit-déjeuner puis s'envola en direction de sa nouvelle mission.

Arrivé en territoire ennemi, il reprit forme humaine. Les humains vivant à la frontière abattaient les dragons à vue. Nivom préférait ne pas courir le moindre risque. À l'aide d'illusions, il fit disparaître ses écailles, ses crocs, et brunit ses yeux jaunes. Ainsi déguisé, il vola un cheval au premier relais rencontré, et galopa à toute allure vers sa destination.

Une fois sur place, il mangea le cheval. Sa mission terminée, il pourrait se téléporter chez ses connaissances. Il assassina un aide-palefrenier, prit son apparence et infiltra le château de pierres où résidaient ses cibles. Il se heurta bien vite à un problème : les poignées de portes en plomb. Cette matière annulait la magie. Sauf dans un cas spécifique. Le dragonien s'assura que personne ne le regardait, puis que rien ne pourrait le surprendre en pleine incantation. Il figea alors ses illusions en s'exprimant dans le langage de la création. Ce secret qu'il ne devait révéler, ni même laisser supposer aux autres. Après quoi, plus aucune porte ne put l'arrêter.

Deux jours et une nuit plus tard, il avait localisé les chambres de ses cibles. Sans un bruit, il entra dans la première. Cela faisait deux heures que le premier à mourir dormait. Un poignard effilé à la main, Nivom fit pendre l'arme entre deux doigts, et la laissa négligemment tomber. L'autre, dormant sur le côté, sursauta quand la lame lui transperça la gorge.

Le dragonien, passionné par le spectacle de la mort, le fit rouler sur le dos en le bâillonnant d'une main. Et il observa sa victime se débattre, se vider de son sang, tenter de juguler le flux qui lui échappait.

Une fois sûr de bâillonner un cadavre, Nivom reprit son arme, et signa son forfait. Il connaissait à peu près l'alphabet et la langue humaine. Il se permit un petit extra, dénuda le corps et y grava : " V O T R A V N I R". Très content de lui, il se retourna et se dirigea vers la chambre de sa prochaine cible. Il ne fit qu'un pas, avant de bondir et de se bâillonner à son tour pour ne pas rugir de surprise.

Là, à son pied. Se trouvait une plante. Le lys rouge était revenu, et Nivom n'avait rien détecté de magique dans les environs. Le dragonien fit apparaître un petit globe de lumière vert d'eau, et détailla cette chose qui semblait suivre ses assassinats.

Un détail lui sauta aux yeux. La dernière fois, seuls les pétales étaient rouge sang. Ce coup-ci, le pistil aussi avait pris cette couleur. Nerveux, il arracha la plante et détruisit ses racines, avant de porter ce qu'il venait d'arracher à la première torche qu'il vit. Qu'est-ce qui pouvait bien faire pousser cette fleur, et pourquoi ? Le dragonien poursuivit sa besogne, se demandant à qui il pourrait poser ces questions sans passer pour un dégénéré.

Au second assassinat de la nuit, qui se déroula comme le premier, le lys surgit sur le mur, à hauteur des yeux du dragonien. L'apparition le crispa, et il écrasa le visage de l'agonisant. Le mugissement de ce dernier angoissa Nivom. Il se figea plusieurs minutes, aux aguets. Personne n'avait entendu, pour son plus grand soulagement. Et sa cible rendit l'âme durant ce laps de temps.

-Qui est là ? tenta Nivom dans un murmure.

Il se demandait s'il ne se faisait pas hanter par le messager. Parfois, les envoyés de l'esprit de la mort ne venaient pas chercher les âmes des défunts, et ces dernières hantaient leur meurtrier. Mais l'histoire de fantôme la plus récente datait de plusieurs millénaires. Nivom doutait qu'il s'agisse véritablement de ça. Ce qui ne l'empêchait pas de s'interroger. Et rien ni personne ne lui répondit. Il brûla encore le lys, puis grava de nouveau "V O T R A V N I R" sur sa victime.

Il se téléporta chez de vieilles connaissances, qui pouvaient répondre à ses questions.

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