Masquenrade

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Sur les ronds-points de ma commune ont fleuri quelques étrangetés. Exit les jolis plantes et les décorations arbustives, les sculptures de chevrettes sur deux pattes – vantant notre picodon du terroir – affublées de gilets jaunes aveuglants et celles de cyclistes farfelues… Des bannières, tendues entre deux piquets franchement plantés dans la terre sèche de ma douce région déclament : « masques perdus cherchent propriétaires ». En lettres capitales, piteusement dressées pour interpeller l’automobiliste qui, par mégarde volontaire, laisserait au gré du vent son chiffon bactérien déambuler à l’air libre. Devant les bannières, une corde à linge présentent les fameux abandonnés, empreints de liberté, voltigeant au gré du vent, pendus par les élastiques qui nous scient les oreilles. Guirlandes bleu et blanc, claquant ses fanions les uns contre les autres au son des véhicules, les petits, les gros, les deux roues, les plus ou moins pollueurs et les autres. Et moi.

Chaque jour un – ou des –, petit nouveau vient compléter la collection. Comme des oiseaux de non-tissé perchés sur des fils électriques. Ceux-là ne piaillent pas. Ou silencieusement. Parce qu’il me semble pourtant – peut-être que je deviens folle – que tous les soirs ils me parlent. Au début, ils chuchotaient, maintenant, je les entends crier. Curieuse, je les regarde se mouvoir et se multiplier, quitte à faire quelques tours dans ma petite cinq portes flambant neuve.

Je crois qu’ils copulent, sinon, comment expliquer de voir leurs rangs se grossir de jour en jour ?

Quand sur la route, je croise, dans le fossé, leurs congénères éparpillés, je ne peux m’empêcher de ressentir cette vague de tristesse. Les pauvres petits, crevés là sur le bas-côté, leur dépouille gisant à moitié raide. Et une pensée s’envole pour leurs propriétaires. Ô drame ! Les dépossédés doivent être affolés de les savoir loin de la maison, c’est sûr ! Heureusement, les oisillons à soufflets rétractiles ne sont pas tout seuls, et pour contribuer à tuer leur solitude crève-cœur, je balance le mien par la fenêtre…

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