Quel mauvais souvenir que le sport à l'école...

 Le vestiaire. Le pire. Cette vieille odeur de sueur dégueulasse, les détritus de celles passées avant toi, chewing-gum, papier de serviette, applicateurs de tampons aux traces de sang séchées. Et puis le regard des autres filles quand tu te changes.

 On te dit que le sport commence aux vestiaires, on te dit que le sport, c'est la solidarité. Je n'ai pas eu besoin de sport pour apprendre à partager mon goûter. Mais merci quand même.

 Le vestiaire. Ce lieu rare où le prof n'a pas le droit d'entrer s'il n'a pas une chatte entre les cuisses comme toi. Où tu gesticules comme un pantin pour changer de vêtements sans montrer tes seins et ton cul. Où les filles les plus pudiques sentent les regards posés sur elles, inspecteurs et juges. Il y en a toujours une ou deux pour y aller fort en railleries, moqueries, voire insultes. Il y aura toujours la petite grosse qui ira se changer dans un WC, ou qui attendra que toutes les autres soient sorties pour oser dévoiler son ventre gras et ses cuisses pleines de cellulite. Et qui, quand enfin elle sortira, sera de toute façon, soit reçue par une réprimande pour le retard, soit par des « bah alors grosse vache t'as eu du mal à enfiler ton short ? ». Si ce n'est les deux. Tiens c'est cadeau ! Pour elle, la moindre excuse pour faire sauter le sport sera accueillie comme l'Épiphanie.

 Quand enfin tu sortiras, on te fera bien comprendre que tes fringues Décathlon, c'est les seules merdes que tes parents ont pu t'acheter avec la foutue allocation de rentrée scolaire. D'il y a deux ans, parce que tu te traînes le même short qui, un temps, fut noir et le même débardeur qui a perdu en élasticité et qui baille dans tous les sens. Alors que les autres pétasses qui se foutent de ta gueule elles ont tanné tout l'été leurs géniteurs pour du Nike ou Adidas. Et sexy siouplait ! Parce qu'à treize ans t'es la seule gosse qui n'a pas compris que l'école c'est la jungle et que déjà, il faut que tu répondes à ce que la société exige de toi : femme, tu seras belle ! Alors t'essaies de cacher tes cuisses qui montrent un léger duvet là où les autres sont lisses comme un cul de nouveau-né. Il faudra que tu trouves des coéquipiers. Les Barbie seront d'office prisées, tu resteras l'une des dernières pouilleuses à être choisie ; sauf si ta copine a eu le grand honneur d'être désignée capitaine. Alors là, tu as une chance !

 Sur le terrain, tu ne comprends pas bien ce qui se déroule. Pour commencer, t'as pas compris les règles. Pourtant tu as écouté mais rien pigé. Que les grandes lignes, « tape la balle et empêche la de toucher le sol dans ton camp ». Mais la balle putain elle t'effraie. Ou est-ce le connard d'en face qui a visé ton front ?! « Pardon. J'ai pas fait exprès » - « Non c'est rien t'inquiète » ; alors que t'as envie de pleurer, de lui filer un coup de pied dans les couilles et de le frapper jusqu'à ce qu'il tourne de l'œil cet enfoiré ! Mais tu baisses la tête et prends ton mal en patience. Et ce prof qui ne voit rien ! Aveugle ou juste frileux de se mêler de quoi que ce soit. Enculé de prof à la con...

 Enfin la fin du cours. Pour les plus téméraires, la douche. Si tu t'y frottes, tu choisiras celle de l'angle, celle qui te protège au mieux de la vue des autres. Avec un coup d'œil à ton sac parce qu'elles sont bien capables de te chiper ta calculatrice ou de foutre tes fringues dans le lavabo ces connasses. Mais tout va bien, c'est bon, elles sont trop occupées à accaparer le miroir pour remettre une couche de plâtre orange à leur joli minois et une épaisseur de ce mascara « effet paquet » (sérieusement c'est un truc ça ?). Et tu les détesteras autant que tu les admireras...

 Tu sortiras du cours en pensant déjà à ta prochaine séance de torture.

Le prochain qui me dit que le sport c'est bon pour l'esprit et le moral, je lui fais bouffer mon stérilet.