Le grand chagrin

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Et tout à coup, sur la Terre Lointaine d'une forêt enchantée, le vent cesse de souffler puisque les arbres ne dansent plus.

Au pied d'un jeune chêne, une enfant pleure. Haute comme trois pommes, ses sanglots déchirent l'air immobile. Son chagrin est tellement, tellement épais qu'il enveloppe l'arbre où elle s'est assise, des racines à la cime. Alors, désemparé, l'arbre ne bouge plus une feuille.
Près de lui, ses compagnons ligneux, surpris qu'il cesse de danser, s'arrêtent à leur tour ; cela semble la seule chose à faire.
Pourtant, ça n'arrive jamais qu'un arbre ne danse plus ; mais sur cette Terre Lointaine, il n'y a plus le moindre courant d'air.
Contraint à un effort trop difficile pour eux, les oiseaux se posent et piaillent leur indignation : « Le vent ! Le vent, s'il vous plaît ! »

Et rien ne bouge et pleure la petite fille en hoquets, comme des sauts dans le vide.

Quand on est un arbre et qu'on ne parle que le langage végétal, c'est touffu de se faire entendre des hommes !
« — Petite fille, petite fille ? » murmurent les racines.
Et toute la forêt répète en écho :
« Petite fille, petite fille... »

« — Qu'est-ce donc là que ce chagrin de fin du monde ? »
« Qu'est-ce donc que ce chagrin de fin du monde... »

Et vibrent les racines de la forêt enchantée…
Elles chatouillent les jambes nues de l'enfant assise ; c'est ainsi que les arbres écoutent les secrets.
Elle s'appelle Ninon des Brumes. Elle a perdu sa famille, le feu a brûlé sa maison… Il a emporté son père, il a emporté sa mère ; mais il n'a pas voulu d'elle.


Le feu est un dieu terrible, craint de toute la forêt. De peur, le chêne resserre son écorce :
« — Le feu et les hommes ! Les hommes sont les sujets du dieu brûlant ! C'est terrible que ta famille ait disparu… »
« C'est terrible, terrible... »
« — ...Mais peut-être est-ce une chance qu'il ne t'ait pas emmenée avec lui. Et puis, s'il ne les a pas mangés, tes parents, c'est qu'il les a conduits dans son enfer... »
« Ils sont en enfer, en enfer... »

D'une feuille à l'autre, puisque le mystère du chagrin est percé, les arbres reprennent leur danse et leurs rêves. Ils rendent ainsi le vent aux oiseaux et au ciel.
Le jeune chêne caresse sa protégée de ses feuilles :
« — Je sais qui peut te dire où est l’enfer du feu...
— C'est loin l'enfer ?
— Il y a un arbre dans cette forêt. Il est le père de nos pères, notre aïeul à tous. Il est si vieux que ses racines plongent jusqu'au centre de la terre. Il connaît tous les dieux et tous les dieux le connaissent.
— Comment va-t-on en enfer ?
— Il faut que tu demandes au vieil arbre...
— Où est le vieil arbre ? »

Ninon ne pleure plus : elle a l'espoir de sauver les siens.
« — Suis le vent, Ninon, vers son origine. C'est ce vieil arbre qui nous enseigne et nous dicte la danse de l'air. Le premier des courants d'une brise naît dans ses feuilles. L'aïeul est là, au bout du souffle. »

Ninon se lève et se presse.
Des tourbillons balayent ses cheveux et dégagent son visage, c'est par là qu'elle s'engage, dans le vent né de la danse des arbres.
Souffle le vent…
Souffle… Le vent…

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