Chapitre 12

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~ POINT DE VUE ALEX ~

Toutes nos questions restent sans réponses.

Après avoir passé les cinq premières minutes à fixer Laurent comme une bête de foire, nous avalons notre salive et reprenons notre respiration.

— Tout va bien ? nous demande Eva, en souriant.

— Parfaitement bien, lui répond John.

— Alors pourquoi vous faites des têtes pareilles ?

— C’est juste qu’on ne s’attendait pas à ce que ce soit lui, le renfort, lui répondis-je.

Eva regarde John. Elle est vraiment bizarre avec John depuis le début. Si j’étais lui, je me méfierais, c’est une cinglée. Une cinglée encore pire que mon père.

— Je croyais que tu aimais les surprises, joli cœur.

— Ça dépend de la surprise.

Je m’attarde un moment sur Laurent, puis sur mon père.

— Pourquoi il est là ?

Mon père me regarde une seconde puis se tourne vers John, comme si je n’étais pas là.

— Tu te rappelles ce que je t’ai raconté dans la voiture l’autre jour ?

— À quel sujet ?

— La chose que je voulais terminer.

— Et il est censé faire quoi ?

— Il va nous aider à trouver où le fils Bernard est planqué.

— Et tu vas lui dire quoi à Mark, quand il t’aura retrouvé ? Que tu es vraiment désolé, que tu joues un double-jeu ? questionne John en tournant sa tête vers Laurent.

— Et toi ? Est-ce qu’ils savent le jeu que tu joues ? demande Laurent en montrant mon père et Eva du doigt.

— Je ne vois pas de quoi tu parles.

Laurent tire une chaise, s’assoit et commence son explication. Ca sent pas trop bon pour nous là. Je sais qu’il sait. Si mon père comprend la supercherie, nous sommes tous les deux morts.

— Ça fait dix-sept ans que tu es avec elle, et tu ne lui as toujours pas révélé qui tu étais.

— Erreur. Elle est parfaitement au courant.

— Et elle t’a laissé en vie après une bombe pareille ?

— La preuve que l’amour est plus fort que le reste, lui répond John.

— L’amour ? Je ne savais pas que tu en étais tombé amoureux. Je pensais que tu voulais te venger pour ce qu’elle a fait à ton père, intervient mon père.

John semble se rendre compte de son erreur et tente de se rattraper.

— C’est ce qui était prévu au début puis le temps a passé et tu sais comment ça se passe ?

— Et elle ? Elle a les mêmes sentiments que toi ? lui demande Eva.

— Bien sûr que oui. Elle en est raide dingue, lance Laurent.

J’aime pas trop la tête que mon père a, il vient d’avoir une idée qui l’amuse. Le sourire qu’il vient de décrocher en dit long.

— Tu vas aller la voir et la faire parler.

— J’ai déjà essayé, mais elle ne sait rien, lui répond John, d’un ton catégorique.

— Tu n’as pas dû être assez persuasif.

— Attends, Mark n’est pas assez con pour donner une information comme ça à sa fille, sachant que je rode autour.

Je suis obligé de venir à son secours, il est trop dans l’embarras.

— De toute façon, il ne pourra pas mettre le nez dehors. Avis de recherche, contrôles, patrouilles …

— Vous vous êtes mis d’accord, tous les deux, c’est ça ?

— Non, c’est le protocole à suivre. Ça m’étonnerait que Mark ne l’ait pas déclenché et s’il se fait prendre, comment tu vas faire pour la suite ? Tu as dit que tu avais besoin de lui, lui répondis-je.

— Dans ce cas, c’est toi qui va t’y coller, lance Eva.

Il y a un moment de silence, qui est rompu par Laurent.

— Elle a raison, la petite brunette.

— Et en quoi ? lui demande mon père.

— La petite Bernard a ton fils dans la peau. Elle lui a donné sa confiance et elle lui confierait sa vie.

— Elle fait confiance à n’importe qui, et alors ?

Je sens que mon père n’est pas très réceptif. Il n’aime pas qu’on lui tienne tête et encore moins quand on lui dit ce qu’il a à faire.

— Elle noue des liens avec les bonnes personnes, je dirais. Puis aux dernières nouvelles, il n’y a rien contre ton fils, lui répond Laurent.

Je vois à la tête de mon père qu’il est septique à l’idée de m’envoyer dans l’arène, ce n’est absolument pas dans son plan. Depuis le début il m’écarte du terrain mis à part le braquage de la galerie d’art. Je n’ai pas encore compris pourquoi puisqu’il veut que je poursuive dans sa voie, il pense que je vais reprendre le flambeau. Mais les arguments de Laurent tiennent la route et même si ça ne lui plaît pas, il va devoir faire avec.

— Bon, d’accord. Alex, au boulot, et toi, tu restes à ma disposition.

— Tu as un plan, une stratégie ? questionnais-je.

— Tu as carte blanche.

Je me lève de ma chaise, pose ma main sur l’épaule de John pour le rassurer et pars. Je monte dans ma voiture et prends la route de l’hôpital. Je regarde dans le rétroviseur de la voiture, je ne vois pas de voiture qui soit susceptible de me suivre mais je vais appliquer ce que John m’a enseigné et je change de route plusieurs fois. Pendant le trajet, je cherche à mettre en place une stratégie, mais aucune de celles que j’ai en tête ne me parait convaincante. Elle va me griller en deux minutes … qu’est-ce que je raconte moi, en deux secondes elle va me griller oui. Autant prendre l’option la moins risquée.

Laurent a quand même visé juste, Nicole m’a donné sa confiance, sachant qui j’étais. Il va vouloir en tirer profit. Quel est son but ? Qu’est-ce qu’il a à gagner en s’associant à mon père ? Il nous manque des informations et pas des moindres. Est-ce qu’il sait au moins que mon père le laissera tomber à sa place s’il peut sauver ses fesses ?

Après avoir pris ma décision, je pénètre dans l’enceinte de l’hôpital. Ne sachant pas dans quelle chambre se trouve Nicole, je vais poser la question à la secrétaire qui se trouve à l’accueil et je finis par rejoindre sa chambre. Je ne suis pas très à l’aise.

Mais avant d’entrer, je croise un gars qui se tient devant la porte. J’aurai dû anticiper qu’elle serait sous surveillance policière. Erreur de débutant que je suis. Il a l’air bien baraqué le type.

— Je voudrais voir le Commandant Bernard.

— Vous êtes ? me demande le gars.

— L’Agent Cook. Je travaille avec le Commandant Bernard.

— Pièce d’identité, s’il vous plaît.

Je sors ma plaque de policier et la montre à ce type pour qu’il puisse vérifier mon identité. Une fois que cela est fait, il me demande de patienter une seconde. Il ouvre la porte et m’annonce.

— L’agent Cook voudrait vous voir. Je le laisse entrer ?

—… oui. Faites-le entrer.

Il s’écarte et me laisse passer puis ferme la porte.

Il y a un silence qui provoque un sentiment de gêne.

— Comment tu vas ? lui demandais-je.

— Très bien avant que tu n’entres dans cette chambre.

Oui je me doute bien mais crois-moi, ça ne me plaît pas plus qu’à toi.

— Voilà… euh, je suis venu te parler de l’affaire en cours.

Elle me montre la chaise sur laquelle je m’assois. Je ne sais pas si je suis mieux assis ou debout au final.

— Notre mission se passe plutôt bien pour le moment. John fait tout son possible pour que mon père lui fasse confiance. Quant à Eva, elle est sous le charme...

— De qui ?

— De John. Elle le regarde d’une certaine manière, elle lui donne des surnoms et tout ça, mais...

— Pardon ?

—… mais il n’y prête aucune attention.

— Heureusement pour lui, sinon ce n’est pas sa tête que je vais couper.

— Mais on a un gros problème, lui dis-je.

Autant mettre les pieds dans le plat. Au moins si je dois me faire tuer ça sera par Nicole.

— Lequel ?

— Une de mes sources m’a appelé hier et il m’a appris qu’il y avait une personne qui travaillait en sous-marin.

— Qui ?

Elle ne va pas me croire.

— Le commissaire lui-même. Nous l’avons vu comme je vous vois, dis-je.

— Peut-être qu’il s’est infiltré aussi.

Je vois qu’elle essaie de se rassurer mais elle ne pense pas ce qu’elle vient de dire.

— Je ne pense pas. Tu aurais vu son visage …

— Ca ne peut pas être ça, il a une carrière exemplaire. Il a travaillé avec mon père plusieurs années. Il ne peut pas avoir retourné sa veste comme ça.

— Pourquoi ne pourrait-il pas passer de l’autre côté de la barrière ? demandais-je.

— Je le connais depuis des années, il ne peut pas nous faire ça.

— Je sais qu’il sait qu’on est en infiltration avec John, je l’ai vu dans son regard. Ce n’est qu’une question de temps pour que mon père ne le découvre et t’imagine même pas ce qu’il nous fera.

— Oh que si je l’imagine. J’ai été sa victime moi aussi il y a dix-sept ans et je n’ai pas oublié.

— Non tu ne sais pas. À l’époque, tu étais un dommage collatéral. Aujourd’hui, s’il apprend qu’on essaie de le doubler … ce qu’il t’a fait c’est de la rigolade à côté de ce qui nous attend. J’ai vu toutes les horreurs qu’il a faites. Je sais mieux que personne ce dont il est capable.

Je vois son visage se contracter, elle n’a pas l’habitude que je lui tienne tête comme ça mais je n’ai pas le choix.

— Tu ne vas pas aimer ce que je vais te dire mais il me faut l’adresse où se trouve ton frère.

— Tu rigoles là ? Même si je la connaissais, je ne te la donnerais pas, dit-elle.

Je m’apprête à lui répondre quand je vois l’ombre d’Eva au loin. Je ferme les yeux et passe ma main dans mes cheveux, las.

— Qu’est-ce qu’il y a ? me demande Nicole.

— Eva … elle m’a suivi.

Nicole rigole.

— Tu t’attendais à quoi ? A ce que tout le monde te fasse confiance ? T’es dans la vie réelle là, pas dans tes jeux vidéo.

Je regarde Nicole dans le blanc des yeux. Il va falloir qu’elle joue le jeu sans m’en mettre une.

~ POINT DE VUE EVA ~

Même si son père lui fait une confiance aveugle, j’ai préféré le suivre. Sait-on jamais. J’ai bien senti que l’arrivée de ce type ne leur avait pas plu tant que ça. Faudrait pas qu’il nous le mette à l’envers.

A la voilà celle-là, c’est vrai qu’elle est jolie mais elle m’arrive pas à la cheville. Je ne vois pas ce qu’elle a de plus que moi.

Oh, à voir la tête qu’elle fait, elle n’a pas l’air ravie de voir Alex. Elle a l’air d’être tendue la p’tite. J’aimerais bien entendre ce qu’ils se disent mais si je m’approche trop près je vais me faire repérer et … oh finalement, je vais peut-être me laisser prendre et je demanderai à ce que ce soit ce mec-là qui me passe les menottes. Elle est très bien surveillée la p’tite. Un gars super sexy à son chevet, y’en a un qui va être content tiens.

Ah ça s’active à côté. Aussi dangereux que son père lorsqu’il s’énerve le petit Alex. J’aimerais bien qu’il m’attrape par le cou comme ça aussi, c’est très sexy.

Ca y est le voilà qu’il sort de la chambre avec un morceau de papier à la main pendant qu’elle se laisse glisser le long du mur.

Je lui laisse un peu d’avance et je sors de l’hôpital.

~ POINT DE VUE NICOLE ~

Je prends mon téléphone et appelle mon père.

— Oui, poussin. Qu’est-ce qu’il y a ?

— Il faut que tu viennes à l’hôpital.

— J’ai du boulot...

— Ça concerne l’enquête.

— J’arrive.

Je raccroche, pose le téléphone sur la table et me redresse sur le lit pendant qu’Éric entre.

— Pourquoi vous avez appelé votre père ?

— Il y a du nouveau dans l’enquête.

Pas la peine d’entrer dans les détails, il est au courant de tout.

Il s’assoit sur la chaise et attend que mon père arrive.

— Alors, qu’est-ce qu’il y a ? questionne mon père, en entrant dans la chambre.

— Ils vont passer à l’attaque.

— À l’attaque ?

— Oui, et comment se fait-il que ce soit Alex qui me dise que Laurent est une taupe ?

Mon père regarde Éric pendant un moment puis me répond.

— Le médecin m’a recommandé de ne rien te dire pour ne pas aggraver ton état.

— Je ne suis pas malade.

— Tu dois éviter tout stress...

— Parce que tu crois que je vais bien, en sachant que mon homme et mon élève sont en mission suicide ? Il ne se passe pas une seconde sans que je ne pense à eux.

— Tu peux comprendre que je ne veuille pas prendre le risque d’entrer en contact avec eux, non ?

— On n’a pas vraiment le temps pour une dispute de ce genre, intervint Éric.

— Chris a voulu que je lui donne l’adresse où tu as mis David, lui répondis-je.

— Il est hors de question que...

— J’ai donné une autre adresse à Alex. Tu sais une de celle dont vous vous serviez dans le temps.

— Et tu veux que j’organise une intervention ?

— Il faudrait leur laisser deux à trois jours. Ca nous laisserait du temps pour nous organiser et mettre tout en place, lui répondis-je.

Je regarde mon père.

— Je ne veux pas que tu t’investisses dans cette affaire. C’est clair ? me demande mon père, en agitant son index vers moi.

— Non.

— Nicole, je crois que tu ne comprends pas très bien la situation.

— Si, j’ai très bien compris.

— Alors pourquoi tu t’obstines ? Non, ne réponds pas à la question.

Il s’apprête à sortir, mais se retourne un instant.

— Et Nicole, c’est un ordre. Ne mets pas ton nez dans cette affaire.

Il se tourne vers la porte et sort. Il s’arrête un instant pour parler à Éric et lui donner les nouvelles directives. Quand il part, Éric se retourne puis me fait signe qu’il m’a à l’œil. Me voilà bien avancer tiens !!

Plusieurs minutes passent puis Pierre fait son entrée dans la chambre.

— Tu es prête ? me demande-t-il.

— Oui. C’est quand tu veux.

Faut que je pense à autre chose sinon je vais péter un câble.

— Avant qu’on y aille, il faut que je te parle d’une chose. Grâce à ton excellente performance à ta dernière compétition, tu as gagné ta place aux Championnats à Paris, tant en individuel qu’en équipe.

— À quand est fixée la date ?

— Courant avril. Je ne connais pas encore la date exacte, mais dès que j’ai la confirmation, je te tiens au courant.

— Qu’est-ce qu’on va faire aujourd’hui ?

— Tu vas travailler ta respiration.

— C’est-à-dire ?

— Tu vas faire de la marche.

— De la marche ?

— Tu vas aller en salle de rééducation et tu vas travailler avec les machines.

— OK. C’est toi le patron.

Je descends du lit et me mets en route vers la salle de rééducation. En arrivant là-bas, je me prépare à monter sur la machine, quand Pierre me demande encore quelques minutes de mon temps.

— J’ai eu une autre idée pour les prochaines compétitions.

— Laquelle ? lui demandais-je.

— Tu pourrais te présenter pour les katas.

— La bonne blague.

— Je suis très sérieux.

— Les katas, ce n’est pas du tout mon truc. Je préfère les combats et tu le sais.

— Tu es mon meilleur élément. Je serais idiot de ne pas en profiter.

Je ne sais pas quoi lui répondre, car je suis partagée entre un sentiment de joie extrême et un sentiment que je ne parviens pas à expliquer.

— Mais pour l’instant, tu vas travailler ta respiration. Tu en auras grandement besoin pour les katas.

— Tu me remercieras plus tard, allez, au boulot.

Je monte sur la machine et il me la programme.

— Tu fais ça pendant une quinzaine de minutes, puis on passera aux étirements pour gagner en souplesse.

Une fois la machine programmée, le travail commence. La vitesse est normale.

~ POINT DE VUE ALEX ~

Je suis retourné au Chemin des Mésanges après ma visite à l’hôpital. J’en reviens toujours pas qu’elle m’est suivi celle-là.

— Tu as fait vite, me dit mon père.

— Je n’ai fait que mon boulot.

— Un peu trop rapidement, si tu veux mon avis, lance Eva.

Tiens donc, elle est arrivée avant moi. Elle ne m’a pas suivi directement après mon départ, alors comment est-ce qu’elle a fait ?

— T’as trouvé ça rapide de là où tu étais ? Tu avais une bonne vision sur ce qui se passait pourtant.

Elle me lance un regard assassin et je souris. Elle m’a suivi de son propre chef et mon père n’est pas au courant.

— Même si elle me fait confiance les yeux fermés, tu crois sérieusement qu’elle m’aurait donné l’adresse de la planque de son frère comme ça ? Ça se voit que tu ne la connais pas. Après, si tu ne me crois pas capable d’effectuer mon boulot correctement, tu n’as qu’à vérifier cette adresse et tu verras par toi-même, me défendis-je.

Mon père me regarde avec une sorte de sentiment de fierté.

— Et toi, tu la laisses me parler comme ça ? demandais-je à mon père.

— Tu devrais montrer plus de respect quand tu t’adresses à ton père, me dit Eva, qui est encore en train de se goinfrer de gâteau.

— Et toi, tu devrais arrêter de te gaver de bouffe comme ça, lançais-je.

J’espère qu’elle va s’étouffer avec.

— Stop. Vous arrêtez ça tout de suite. Nous sommes une équipe... lance Laurent.

— Tu sais ce que veut dire le mot équipe, maintenant ? intervient John.

— C’est quoi l’adresse ? interroge Laurent, qui fait semblant de ne pas avoir entendu John.

— 2, rue des Iris, à Marseille.

— Alex, tu fais comme d’habitude et Eva, tu me vérifies cette information, dit mon père.

Je regarde John brièvement.

— Pourquoi tu veux vérifier l’information que je viens de te donner ? Tu ne me fais pas confiance ?

— Ce n’est pas une question de confiance, mon fils. Ce sont mes habitudes, c’est tout.

J’essaie de me calmer.

— Combien de temps ça va te prendre pour réunir les armes et tout le reste ?

— Deux à trois jours, comme d’habitude.

— Et moi, je fais quoi ? demande John.

— Je te garde au frais pour le jour J, lui réponds mon père, en souriant.

Je me lève et pars. John me suit quelques instants plus tard pendant qu’Eva sort son ordinateur.

— Tu n’as pas peur qu’ils te chopent avec ton adresse IP ? demande Laurent.

— Aucune chance.

Nous sommes revenus à notre quartier général. Nous nous asseyons sur le canapé afin de vraiment réaliser ce qui nous arrivait.

Comment avons-nous pu passer à côté de ça ?

— J’espère pour nous que Mark a mis au point quelque chose de solide, lance John.

— Comment tu sais que Mark est au courant ?

— Je connais cette adresse et je sais que personne n’y habite. Mais si elle te l’a donnée, c’est pour une raison.

— Elle a appelé son père pour qu’il puisse monter une stratégie, c’est vrai.

— Ça m’étonne de lui qu’il soit d’accord avec sa façon de faire.

— Je pense qu’il lui a conseillé de ne pas mettre son nez dans cette affaire.

— Elle ne l’écoutera jamais. Elle est têtue et bornée … Comment elle allait ?

— Ca avait l’air d’aller. Elle allait faire du sport il me semble.

— Pierre doit l’entraîner pour les compétitions. Elle se change les idées, c’est bien.

— Et pour nous, on fait quoi ? demandais-je.

— Tu ne changes rien à tes habitudes. Fais ta commande en essayant de gagner le plus de temps possible.

— Et toi ?

— Moi, il faut que j’aille parler à Mark. Il faut trouver une solution rapidement.

— Comment tu veux faire ? Ils doivent nous surveiller.

— T’inquiète pas pour ça. J’en fais mon affaire.

~ POINT DE VUE JOHN ~

Je prends le second téléphone, celui que j’ai acheté il y a quelques jours et compose le numéro de Mark.

— Oui, allô.

— C’est moi. Il faut qu’on se voit.

— Où et quand ?

— Boutique, dans une heure, lui répondis-je, avant de raccrocher.

Je pose le téléphone sur la table basse, me passe les deux mains sur le visage et me lève.

— Je te garde de l’eau chaude ? questionnais-je.

— Oui, merci. Je passerai après.

Je passe devant Alex et rejoins la salle de bain. J’en ressors une demi-heure plus tard, propre et changé.

— Tu peux y aller, si tu veux.

— Merci, me dit Alex.

— Je vais y aller. Si tu as le moindre problème, tu m’appelles.

Je prends ma veste et pars. Je ne suis pas très rassuré sur la suite des évènements pour nous. Je ne le sens pas mais alors pas du tout.

J’entre dans ma voiture, emprunte la route qui mène à la boutique de perruques. J’ai un petit peu d’avance et j’attends que Mark arrive. Je me suis garé devant la porte d’entrée de la boutique et je surveille les alentours. Quelques minutes passent puis Mark fait enfin son apparition. Ma portière côté passager s’ouvre et Mark s’y installe.

— Alors, quelles sont les nouvelles ? questionne Mark.

— Elles sont mauvaises. Nous avons appris qu’il y avait une taupe et que c’était Laurent. Il est parfaitement au courant de notre couverture. Il peut nous balancer à tout moment.

— Oui, on a appris ça. On a voulu vous mettre au courant, mais pas moyen de vous joindre. Où est-ce qu’il est en ce moment ?

— Chemin des Mésanges.

— Comment s’est passée l’entrevue ? me demande Mark.

— Ça aurait pu être pire. Je ne pense pas qu’on ira loin dans cette enquête. Il faut mettre en place une stratégie pour arrêter ça au plus vite.

— C’est ce qu’a suggéré Alex.

— Et vous êtes d’accord ?

— J’ai mis en place une équipe de surveillance à toutes les adresses que ta mère m’a refilées. J’ai encore une équipe qui pourrait faire l’affaire.

— Briefez-la un maximum et tenez-vous prêts. Alex doit commander un chargement d’armes et des gilets.

— Dans combien de temps ça arrivera ? questionne Mark.

— Deux ou trois jours maximum.

— Et toi ? Comment tu gères ça ?

— À mon grand étonnement, assez bien. Mais… je ne tiendrai pas longtemps.

— Je vais voir ce que je peux faire.

Mark ouvre la portière et sort pendant que je mets le moteur en marche.

Trois jours passent et beaucoup de choses se sont produites jusqu’à aujourd’hui.

Le jour J est arrivé, Chris nous attend avec Alex au QG pour les dernières mises au point. Alex est allé chercher sa commande d’armes et d’après son message, il est sur le chemin du retour. Eva et Laurent sont déjà au QG. Quant à moi, je me prépare mentalement. Durant tout le trajet qui me conduit au QG, je reste de marbre. Je suis très nerveux et je n’arrive pas vraiment à me calmer.

Avant d’ouvrir la porte d’entrée au Chemin des Mésanges, j’essaie de me détendre un maximum et souffle un bon coup puis pousse la porte. C’est aujourd’hui que tout doit se jouer.

À mon arrivée, je vois que Chris, Eva et Laurent sont déjà là et attendent que l’équipe soit au complet. Eva a vérifié l’adresse et a confirmé ce qu’Alex a avancé. Pendant l’heure qui suit, personne n’ouvre la bouche, à part Eva qui mange encore des gâteaux fourrés aux pépites de chocolat. Jusqu’à ce qu’Alex arrive aux QG avec sa malle remplie d’armes, elle a englouti deux boîtes entières de ces gâteaux.

— Nous t’attendions, lance Chris, lorsque son fils arrive.

— Désolé pour le retard. Il y avait des bouchons sur la route.

Il pose la malle sur la table et l’ouvre. Chris s’approche de la table et regarde.

— Il ne s’est pas foutu de toi.

— Je ne travaille pas avec n’importe qui, lui dit Alex, d’un ton ironique.

Il plonge son bras dans la malle, prend les armes une par une et les pose sur la table afin que tout le monde puisse les voir.

— Je vois ce que tu veux dire. Rien ne vaut un bon matériel, lance Eva.

— Et un bon fournisseur, lui dis-je.

— Maintenant que nous avons le matériel, j’aimerais qu’on revienne sur la stratégie. C’est ce soir que nous passerons à l’attaque.

— Tu as une heure à nous donner ? questionne Alex.

— À la tombée de la nuit. Chacun sait ce qu’il a à faire ? demande Chris.

— Je n’ai pas très bien compris mon rôle, alors je voulais savoir à quoi j’allais te servir, interviens-je.

— Étant donné tes antécédents, je préfère que ce soit toi qui me couvre.

— Laurent aussi est un excellent tireur, pourquoi moi ?

— Il est assigné à une autre tâche. Vous avez deux bonnes heures pour vous préparer. Heure de départ, vingt heures trente.

Je me lève de ma chaise et demande les clefs de la cave à Chris. Il me les donne après de longues minutes de négociation. Il attend que je lui tourne le dos pour faire un signe à Alex pour qu’il me surveille attentivement. Il a tellement confiance en Alex que lorsque le piège se refermera sur lui, il n'y verra que du feu. Enfin, j’espère. Alex me rejoint pendant que j’ouvre la porte.

— Qu’est-ce qu’il y a ? demandais-je.

— Il veut que je te surveille.

Je referme la porte, après qu’Alex soit entré.

— Qu’est-ce qu’il fait là, lui ? demande Marie, en voyant Alex.

Ah oui, j’ai oublié de mentionner que ma petite sœur ne mâche pas ses mots.

— Il est avec nous. Tu peux lui faire confiance.

— T’es sûr ?

— Marie...

— Ouais, bon, d’accord.

— Laurent est ici, lui dis-je.

— C’est bien, il va nous sortir de là.

— Pas vraiment, dit Alex.

— Comment ça ? Je ne comprends pas.

— Laurent est là, mais ce n’est pas pour les raisons que tu crois.

Je m’arrête un instant pour reprendre mon souffle.

— Alex, c’est à toi.

— À moi de quoi ? C’est ta sœur, c’est ton problème.

— Vous allez vous décider ou pas ? interroge Marie, qui s’impatiente.

— C’est Alex qui va terminer, lançais-je.

Je prends Alex par les épaules et le place entre moi et Marie.

— Euh voilà… Nous avons appris il y a quelques jours qu’il y avait une taupe au sein du commissariat et...

— Oh, ne me dis pas que c’est lui, coupe Marie.

— Maman a dit la même chose.

— Tu lui as dit ?

— Pas moi, c’est Mark. Quoi ?

— Rien.

— Alors pourquoi tu me regardes avec ces yeux-là ? m’inquiétais-je.

— Quels yeux ?

— Ceux que tu fais quand tu es en colère. Comme maintenant par exemple, lui répondis-je en montrant ses yeux avec mon index.

Étant donné qu’elle ne peut pas m'atteindre, elle s’attaque à Alex.

— Aïe. Pourquoi tu m’as frappé ? demande Alex.

— Tu es plus proche que lui.

Alex se tient le bras gauche avec sa main droite, il se retourne vers moi.

— Tu savais qu’elle allait me frapper, alors tu m’as mis entre vous deux pour que ce soit moi qui reçoive le coup. C’est ça ?

— Désolé, mais faut que je sois opérationnel pour tout à l’heure.

— Dites, ça fait longtemps que vous êtes mariés ? questionne Marie.

— Hein ? demande Alex.

— Vous vous disputez comme si vous aviez vingt ans de mariage derrière vous.

— On a pris une mauvaise habitude à force de travailler ensemble, lui dit Alex.

— Et comment va Mélissa ? questionnais-je, en changeant de sujet.

— Elle s’est remise de son arrivée ici, mais elle est fatiguée.

— Le problème, c’est qu’on ne peut pas faire venir un médecin ici. Il faut que tu t’en occupes, toi.

— Je ne suis pas médecin. Mon boulot c’est aide-soignante.

— Tu fais partie du corps médical, non ?

— Oui, mais...

— Tu dois avoir des notions médicales avancées à force de travailler au bloc, non ? Alors tu te débrouilles avec ça. Nous, pendant ce temps-là, on va essayer d’arranger la situation, dis-je.

Alex regarde sa montre. Vu sa tête ca doit être l'heure d’y aller.

— C’est l’heure. Nous devons y aller.

Je prends ma sœur dans mes bras.

— Peu importe ce que vous allez faire, faites attention à vous.

— Promis, juré. Si ça marche, vous serez bientôt dehors.

Je la serre contre moi une dernière fois puis nous remontons tous les deux les escaliers, après avoir fermé la porte de la cave à clef.

Je remets la clef à Chris pendant qu’il me donne mon équipement. Toutes les affaires, vêtements y compris, sont de couleur sombre.

Je prends mes affaires et vais me changer. Je reviens dans la pièce principale et enfile mon gilet.

Pendant ce temps-là, Eva prépare les cagoules et les masques à gaz dans un même sac.

Quand tout le monde est prêt à partir, nous montons dans la même voiture : la mienne et nous prenons la route pour aller au 2, rue des Iris. J’espère que Mark est prêt, qu'on puisse mettre fin à cette mission, que je puisse retourner auprès de ma femme.

~ POINT DE VUE MARK ~

J’ai placé une équipe autour de la maison. Je sais qu'ils ne vont pas tarder à arriver. Je donne les dernières directives par talkie-walkie, avant que Chris n'arrive avec les autres.

Toutes les équipes sont enfin prêtes. J’espère que ça va bien se passer, qu'on puisse enfin vivre normalement.

~ POINT DE VUE JOHN~

Nous arrivons enfin. Je regarde autour de moi discrètement mais je distingue personne. Personne de visible du moins mais je sais qu’ils sont là, attendant le bon moment pour agir.

— Je le veux vivant. Éliminez toutes formes de résistance, lance Chris.

Nous mettons notre masque à gaz et avançons dans la nuit sombre. Nous prenons chacun un côté de la maison et une fois que nous sommes en place, nous nous lançons à tour de rôle une grenade de gaz qui se vaporise une fois à l’intérieur.

Nous entrons tous et commençons à fouiller. Personne n’est à l’intérieur bien évidemment, à part les équipes d’intervention qui nous suivent de près. Je ne les vois pas mais j’arrive à les sentir. J’espère que Chris, lui, ne les sens pas sinon c'est la fin de nous tous.

Après avoir fait le tour de la maison, Chris se rend compte qu’il n’y a personne.

Je le suis toujours à la trace et me méfie d’un retournement de situation.

~ POINT DE VUE MARK~

L’équipe est divisée en deux et la première partie est montée au premier étage à la poursuite de Chris et de John. La seconde, elle, est restée au rez-de-chaussée pour tenter d’appréhender Eva et Laurent.

À la suite d’une petite erreur de la part d’un homme de la première équipe, des coups de feu retentissent. Face à cette attaque, Chris devient hystérique. Dans sa folie, il se fait toucher à l’épaule droite par un de mes gars mais cela ne l’empêche pas de répliquer de plus belle.

~ POINT DE VUE JOHN~

Chris me demande de trouver une solution pour les sortir de là et la seule idée que j'ai, c'est de sauter par la fenêtre du premier étage. Je passe le premier et Chris me suit. Il est encore bien agile pour un gars qui vient de se faire tirer dessus. Une fois en bas, nous nous relevons et courons jusqu’à la voiture, mais nous nous rendons compte que les pneus ont été crevés. Nous courons et nous nous cachons lorsque plusieurs hommes de l’équipe d’intervention passent devant nous. Nous sommes rejoints quelque temps plus tard par Eva qui est essoufflée.

— Où est Laurent ? Questionne Chris.

— Il s’est fait prendre. Je n’ai rien pu faire.

— Il faut trouver une voiture, dis-je.

Étant donné que nous sommes proches d’un stop, j’attends qu’une voiture s’arrête et demande à Eva de me donner un coup de main.

Cinq minutes plus tard, nous sommes tous les trois dans une voiture et repartons vers le QG.

— Comment se fait-il qu’ils étaient là ? Demande Chris, au hasard.

— Ils devaient être informés de notre venue, lui répondis-je.

— Quand on sera au QG, je parlerai avec Alex. Cet enfoiré me le paiera.

— Pourquoi ce serait lui ? Interrogeais-je, tentant de protéger Alex.

— C’est lui qui a fourni cette adresse.

— Il est trop attaché à ses valeurs pour te trahir comme ça.

— Si ce n’est pas lui, qui est-ce ?

— Eva aurait dû voir qu’il n’y avait personne dans cette maison, répondis-je à Chris.

Il faut a tout prix que je protège Alex, c'est lui qui risque le plus gros dans cette histoire.

— Il n’y avait rien de louche quand j’ai vérifié, se défend Eva.

— La preuve est là, répliquais-je.

— Stop. J’ai besoin de réfléchir et quand j’aurai trouvé le coupable, il ou elle le paiera, intervient Chris.

Le visage de Chris se reflète dans la vitre côté passager et j'avale ma salive d’une drôle de façon en le voyant.

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