Nocturne de sang (Michel Pelini)

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Résumé : Jessica Janin, pianiste virtuose, a vécu l'enfer lors de son enfance : pendant trois ans, elle fut la proie d'un pédophile-tueur particulièrement violent et vicieux, Léon Schwartz. Seule rescapée du pervers, c'est elle qui le précipita en prison. Mais le sadique, nullement repenti, a attiré l'œil des puissances infernales... On lui offre la possibilité de renaître en tant que vampire, lui donnant ainsi l'opportunité de se venger de son ancienne victime. Heureusement, la jeune femme trouvera deux alliés inattendus, aux capacités pour le moins spéciales...

Michel Pelini est un auteur wattpadien que je suis (c'est lui qui a remporté les wattys 2019 dans la catégorie Science-Fiction avec Serena), publié au printemps dernier par la toute jeune maison d'édition Crin de Chimère. C'est donc en toute confiance que j'ai acheté son livre, d'autant plus que je suis fan de la littérature vampirique pré-Twilight, et que son bouquin affichait clairement l'ambition de se démarquer de la bit-litt "romantique". Chez lui, le vampire est un prédateur malsain, qui ne se lave ni les cheveux ni les dents, a renoncé à toute sexualité autre que criminelle et dont les guenilles, entre deux exhumations nocturnes, pourrissent sur un corps malingre et puant. Lorsqu'il se nourrit, c'est gore et violent, à la "30 jours de nuit". Un retour brutal au mythe originel du mort-vivant aussi atroce que répugnant, souvent mauvais chrétien et ancien criminel, qui s'extraie de sa tombe de terre toutes les nuits pour aller tourmenter jusqu'à la mort les vivants. Aucune complaisance pour son antagoniste, donc : amateurs de vampires séduisants, maniérés et aristocratiques, passez votre chemin. Ici, le mal s'affiche clairement : il est laid, aigri, hargneux.

Pénétrer dans l'esprit malade d'un pédophile sociopathe et le proposer comme protagoniste d'un récit reste un sacré tout de force et une belle prise de risque. D'autant plus que l'auteur tente de retracer les origines du mal, en s'intéressant au passé (tout aussi immonde que le reste de sa vie) de Léon Schwartz. D'ailleurs, tous les personnages ont droit à ces petits flashbacks bien choisis qui contribuent grandement à l'intérêt de l'histoire. Je vous préviens tout de suite, certains souvenirs de la détention de Jessica Janin et des sévices subis aux mains du pédophile sont à la limite de l'insoutenable, même si rien n'est vraiment décrit. Pareil pour quelques scènes du passé de Léon Schwartz et celui de son "maître", l'ancien inquisiteur violeur-brûleur de sorcière qui lui prêtera main forte par la suite. D'autres scènes, a contrario, sont presque drôles et à la limite de l'humour noir : je pense à toutes les scènes de Schwartz en prison, que j'ai trouvées excellentes, ainsi qu'à ses échanges avec sa formatrice démoniaque et ses débuts en tant que vampire. Ce personnage est tellement réussi que, tout en le haïssant, on regrette de le voir s'effacer au profit du maître vampire, bien plus conventionnel, dans la seconde partie...

C'est là, d'ailleurs, que le livre s'essouffle. L'auteur tenait un concept intéressant, mais il le délaisse dans la seconde partie pour partir sur une trame éprouvée. Le duel Jessica/Léon passe au second plan et l'intrigue se concentre sur l'inquisiteur et l'exorciste Maxime. J'ai trouvé ça dommage. Les frères Leroux échappent au syndrome "Winchester" grâce à la construction toute en nuances du personnage de Maxime, médium et autiste : en fait, leur relation m'a surtout évoqué celle des deux frères Babitt dans le film "Rain Man". Cependant, les accents manichéens et religieux qui prennent une grande importance dans la seconde partie donnent un caractère unidimensionnel au récit, même si je peux comprendre la nécessité pour l'auteur de poser clairement les pions sur l'échiquier avec ce sujet délicat (le contraire aurait pu le faire accuser de complaisance). En outre, il a annoncé dans une interview s'être inspiré de Salem de Stephen King, une histoire de vampires dans laquelle la lutte entre le Bien et le Mal, érigés en principes monolithiques et inaliénables, se trouve au centre de l'intrigue. Cette filiation avouée est d'ailleurs l'une des raisons qui m'a fait acheter ce livre, Salem étant l'un de mes bouquins favoris, et le meilleur de King selon moi. Malheureusement, je trouve qu'ici, cette dichotomie Bien/Mal ne fonctionne pas.

Il y a autre chose que j'ai trouvé maladroit dans ce récit : c'est la relation amoureuse qui se tisse entre l'un des exorcistes, Mathieu, et Jessica, survivante de crimes sexuels particulièrement odieux. Le fait qu'elle ait eu une petite fille m'a également surpris (évidemment, cela permet de faire progresser l'intrigue). Autant j'ai trouvé que son personnage était traité avec respect et subtilité par l'auteur, autant j'ai trouvé son rapport aux hommes et à la sexualité peu crédible. La scène, notamment, où elle se retrouve obligée de partager sa chambre avec Mathieu, qu'elle ne connaît que depuis quelques jours, m'a donné l'impression que l'auteur avait un cahier des charges et voulait précipiter les choses.

Ce bouquin me laisse donc une impression mitigée. Je ne regrette certainement pas de l'avoir acheté et lu. Il m'a fait passer un très bon moment de lecture et je l'ai dévoré en deux jours : c'est un véritable page-turner ! Certaines scènes sont bouleversantes, amusantes, haletantes ou terrifiantes (il y a deux passages vraiment effrayants dans ce livre : cela fait du bien d'avoir peur à nouveau en lisant une histoire de vampires !). Michel Pelini nous secoue sur de grands huit émotionnels avec une grande virtuosité. Mais, malheureusement, il m'a laissé sur ma faim. J'ai trouvé la résolution expéditive et décevante. Le déséquilibre entre la subtilité de l'auteur, son originalité, son écriture efficace et maîtrisée et le manque de traitement de certaines scènes ou personnages m'a également surpris. Ce livre aurait mérité au moins cent pages de plus, pour pouvoir prendre son temps.

Une petite note par rapport à l'objet en lui-même, que j'ai trouvé très bien mis en page et illustré. Le format et idéal, agréable à tenir en main. Bref, je vous le recommande !

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