Chapitre 7

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La fumée du chaudron dégageait une odeur délicieuse. Elle montait jusqu’au plafond et inondait la pièce de son parfum gastronomique.

Assis sur une chaise, Folker observait ses compagnons. Ces derniers dormaient paisiblement. Les jumeaux étaient couchés sur le même lit, Erling sur un sofa, Hjalmar sur une chaise balançoire et Ansfrid sur une peau d’ours. Tous couverts par un drap.

Le métisse prit un bol et versa la soupe. Il mangea doucement. Ses pensées se dirigèrent automatiquement vers les évènements de la veille. Il était évanoui, pourtant, il avait entendu tout ce qui l’entourait. Son corps était engourdi, mais pas ses sens. Il avait écouté les essoufflements, la fatigue et les corps qui tombaient au sol. Puis, le trou noir.

Folker se leva de table. Le grincement de la chaise contre le parquet fit réveiller Walfrid en sursaut. Ses yeux bruns rencontrèrent ceux du métisse, ils se jaugèrent quelques secondes avant que Walfrid ne se recouche en se drapant.

Folker sortit de la maisonnette. Il se retrouva dans une sorte de petit jardin où plusieurs fleurs de forme différentes entouraient la maison. Une grosse roche était nichée entre deux arbres de taille moyenne au milieu du jardin. Des armes aussi anodines les unes que les autres jonchaient le dessus de la roche.

Leur sauveur était assis sur une pierre. Il aiguisait une épée dont la forme était des plus étranges. Il avait une longue chevelure grisée par le temps, un chapeau en pique et une longue robe noire. Folker le salua poliment.

« Enfin réveillé ! S’exclama le forgeron.

-Merci pour vos soins.

-Inutile de me remercier, je n’ai fait que mon devoir. Où sont les autres ?

-Toujours à l’intérieur. »

Le silence s’installa entre les deux hommes. Folker prit place devant le vieil homme et observa son travail. L’arme qu’il aiguisait toujours était une sorte de dague à deux lames courbées, ressemblant à deux crochets.

« Que s’est-il passé, hier ? Demanda le métisse.

-Vous n’auriez pas dû pénétrer dans ces bois. Répondit le forgeron, arrêtant sa tâche et plongeant son regard dans celui de Folker. Des paysans tels que vous ne devrez pas voyager dans des endroits peu fréquentés. »

Il se leva et entra dans sa maison, laissant le jeune homme seul. Il posa son arme sur la table en bois dont le claquement réveilla Walfrid. Il cligna plusieurs fois des yeux avant de se redresser, il ne remarqua pas la présence du vieil homme. Le brun bailla en se grattant l’estomac qui acclama famine. Il avait faim. Il se mit debout et suivit l’odeur de la soupe avant de prendre un bol de nulle part et de se servir une louche. Le forgeron le regarda faire sans dire un mot.

Le ventre rassasié, Walfrid rota.

« Quelle impolitesse. Fit remarquer le propriétaire des lieux. »

Le brun sursauta et tomba de sa chaise. Le bruit sourd fit réveiller les autres hommes. Erling et Ansfrid s’étaient mis en garde. Hjalmar était à moitié endormi alors que Wilfrid était en position défensive.

« Qui êtes-vous ? Demanda le cadet.

-Calmez-vous, jeunes gens. Si je voulais vous tuer, je l’aurais fait il y a longtemps. »

Ils le regardèrent un instant, suspicieux, avant de baisser les armes. Walfrid se releva et rejoignit son frère. Le vieil homme aux cheveux gris les invita à s’assoir. Il leur expliqua le déroulement des évènements, il leur informa que c’était son chien qui les avait trouvés au beau milieu des bois, évanouis.

« Comment se fait-il que vous puissiez vivre ici sans que le poison du pollen ne vous affecte ? Demanda Hjalmar, intrigué par la santé du vieux.

-Je vis ici depuis des années, mon corps s’est habitué au poison. Mais là, n’est pas la question. Que faisiez-vous dans ces bois ? Les habitants du village savent que c’est quasiment impossible de les traverser.

-Nous venons d’une autre île. Répondit Wilfrid, un bol de soupe à la main.

-Vous voulez dire que vous aviez utilisé le portail ?

-Tout à fait.

-Pourquoi donc ?

-Cela ne vous regarde pas. Répliqua Erling, adossé au mur et les bras croisés. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir sauvés, mais restons en-là.

-Je suis d’accord avec lui. Soutient Ansfrid. Nous ne pouvons vous divulguer certaines informations.

-Je vois.

-Comment sortir des bois ? Demanda Hjalmar.

-Mon chien vous y conduira, par contre, comment allez-vous quitter l’île sans bateau ? »

Silence.

Le bol de Wilfrid tomba au sol. La bouche entrouverte, il oublia complètement ce détail. Les yeux fermés, Erling fronça les sourcils tandis que Walfrid lâcha un rire nerveux. Ansfrid fixa le forgeron comme s’il venait de dire une chose absurde et Hjalmar se frappa la tête. Quant à Folker –qui venait d’entrer-, resta muet sous l’encadrement de la porte.

« Ça veut dire que nous vivrons ici jusqu’à la fin de nos jours ? Chuchota Walfrid comme si c’était une évidence. Nous vieillirons dans ce trou perdu, à s’immuniser contre le poison des fleurs…Haha ! »

C’était certain, le brun perdit la tête.

Le groupe resta silencieux quelques minutes. Le forgeron se racla la gorge, attirant l’attention des six hommes. Il se leva de sa chaise, sortit de la maison et siffla à l’aide d’un appeau, caché sous sa grosse écharpe. Perplexe, la nouvelle génération l’observa.

Il attendit quelques secondes avant qu’un canidé ne vienne courir à toute vitesse vers lui. La langue pendue, il avait deux têtes dont chacune d’elles possédaient quatre yeux azur. Une épaisse fourrure bleutée recouvrait son corps maigre, à dire qu’il ne mangeait pas à sa faim. Ses pattes étaient fines alors que ses griffes étaient bien longues. Un Orthos.

Les hommes furent émerveillés, surpris et largement effrayés par la bête. Cette dernière se roula devant le propriétaire qui la caressa. Elle ne pouvait pas être féroce, si ?

« Elle s’appelle Gunnar, c’est une chienne intelligente et douée pour la piste. Elle vous emmènera au littorale, vous y trouverez une barque. Mais je doute que vous puissiez tous y embarquer.

-Vous n’en aurez pas besoin ? Demanda Wilfrid.

-Si je vous le propose, c’est qu’elle m’est inutile. »

Assise, la bête contempla les paysans un à un. Elle s’arrêta sur Erling, elle le renifla avant de se jeter sur sa main et de la lécher. Etonné, le ténébreux retira la retira.

« Elle vous apprécie.

-Nous vous remercions pour tout, monsieur. Dit Ansfrid en prenant son sac. Il est temps pour nous de partir.

-Avant de vous en aller, répondit le forgeron en entrant chez lui et ressortant avec des masques. Prenez ceci.

-Merci encore. »

Même si leurs mains ne s’étaient touchées qu’un bref instant, le forgeron sentit une étrange sensation. De la noirceur dévorant le jeune homme de l’intérieur. Il tressaillit, une sueur froide lui traversa l’échine. Il l’examina discrètement. Ses yeux turquoise avaient une faible lueur sombre, presque invisible aux yeux de l’homme. Encore l’un en face de l’autre, il chuchota :

« Qui êtes-vous ? »

Ansfrid ne comprit pas la question. Ce fut un regard perplexe qui répondit au vieux forgeron. Ce dernier, intrigué, feignit un sourire taquin.

Le groupe de voyageur quitta la maisonnette en compagnie de Gunnar, laissant le propriétaire des lieux seul. Juste après leur départ, il s’était empressé de rentrer chez lui où il s’était mis à fouiller dans ses tiroirs et placards. L’unique pièce de la maison s’était transformée en une chambre d’archives où plusieurs parchemins jonchaient le sol. Un cri de victoire sortit de sa bouche lorsqu’il trouva l’objet de ses recherches. Un vélin, à moitié dévoré par les mites. Il le lit avec attention avant de diriger son regard au-delà de la porte.

« L’enfant de la prophétie… »

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