Chapitre 18 - 1359

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Le lendemain matin, j'attends la dernière minute pour aller faire signer ma mauvaise note. La maison est silencieuse. Mon père et mon frère ont tous les deux déserté. Seule ma mère finit de se préparer. Ma feuille et un stylo à la main, je m'engage, penaud, vers sa chambre. Je pousse lentement la porte déja entrouverte. Ma mère est assise sur son lit. Elle est dans la pénombre. Les volets sont encore fermés mais le jour passe au travers. Le lit est défait et un tas d'affaires sales attend dans un coin.

Les cheveux en bataille, elle me tourne le dos. Je déglutis en me demandant comment aborder le sujet. Je l'entends respirer fortement, emmitouflée dans son peignoir. Je ne comprends pas ce qui lui arrive. L'heure tourne et elle est loin d'être prête pour ses activités.

— Maman ?

Elle renifle puis se mouche fortement.

— Ça va pas ?

J'hésite à m'avancer. Je me sens démuni face à sa peine. Je n'ai pas l'habitude de trouver ma mère ainsi prostrée. Habituellement, elle est toujours forte et présente pour moi. Je suis déconcerté. Je m'interroge sur ce qui pourrait la blesser à ce point. J'espère que ce n'est pas la bagarre d'hier au soir.

— T'inquète pas ! On a juste des soucis avec papa. C'est des problèmes d'adultes ! Va au lycée ! Ça va aller !

Je jette un coup d'oeil à mon devoir et je n'ose pas le lui montrer. Je ne veux pas la blesser plus et la décevoir. Je le cache dans mon dos et je choisis de le signer moi-même. Je l'ai déjà fait. Les profs n'y voient que du feu.

— Ok ! À ce soir !

La journée est plutôt longue et monotone jusqu'à 17h. Lorsque je me rends vers le CDI, il se vide des lycéens. Je croise Flavien devant la porte qui me tape dans l'épaule, un sourire en coin.

— Elle t'attend !

— Parfait !

Nous travaillons l'anglais en demi-groupe, ce qui explique que la moitié de ma classe était au CDI pendant que l'autre moitié dont je fais partie était en cours. Flavien reprend son chemin puis se ravise et reviens vers moi me questionner :

— Je peux te poser une question ?

Il rentre ses mains dans les poches de son pantalon et prend un air embarrassé. Il se mord l'intérieur de la bouche en attendant ma réponse.

— Ouais, bien sûr !

Il regarde autour de lui pour vérifier que personne n'écoute puis il se lance :

— T'es en crush sur Margaux ?

Je suis surpris par sa question. Même si j'avais réellement une attirance pour l'adolescente, je ne me suis jamais considéré comme une menace pour lui. Margaux, ni d'ailleurs aucune fille, ne s'est jamais intéressée à moi. Bon, peut-être Mila ces derniers temps mais on se connaît depuis très jeunes, cela ne compte pas.

— Pas du tout ! On va travailler l'exposé. Pourquoi tu demandes ça ?

— Non, pour rien, c'est juste que vous êtes bizarres tous les deux. Laisse tomber !

— Hey, Flavien ! On est potes, je te ferai jamais ça ! En plus, cette meuf, c'est une vraie pute !

Flavien sourit à ma dernière réflexion et me tend son poing pour faire un tchèque auquel je réponds.

J'entre dans le CDI qui est désormais vide. Tous les murs sont habillés d'étagères recouvertes de livres. Dans le fond de la salle, contre les fenêtres, se trouvent des bureaux avec des ordinateurs. C'est ici que Margaux, concentrée à taper quelque chose sur son portable, m'attend.

Je me faufile entre les tables vides pour la rejoindre. La prof qui tient le CDI me salue.

— Bonjour, madame !

Margaux lève la tête quand je tire sur la chaise qui est en face d'elle. Elle fait une moue dédaigneuse pendant que nous nous affrontons du regard. Elle a forcé sur son maquillage, peut-être pour masquer ses cernes. Je pose mon sac devant moi sur la table et m'assois puis j'appuie mes bras sur mes affaires. J'attends qu'elle entame la conversation. Le rapport de force entre nous a  changé. C'est bien moi qui mène notre relation. Elle hésite et jette un coup d'oeil vers l'enseignante au tailleur noir qui range des livres à quelques mètres de nous.

— J'ai pas mal avancé sur l'exposé. J'ai fait le plan, rédigé l'introduction et toute la première partie !

— Bien, fais voir ! répliqué-je sans bouger.

Même s'il est évident qu'elle est bien meilleure que moi, j'aurai le dernier mot sur ce fichu exposé ! Elle me tend le brouillon sur lequel ses coudes étaient appuyés. Je lui arrache la feuille des doigts, en la fixant dans les yeux.

— Me regarde pas comme ça ! m'ordonne-t-elle

— Je fais comme je veux !

Après un soupir de résignation, elle replonge dans son portable sans prêter d'avantage attention à moi. Je ne suis pas suffisamment concentré pour me résoudre à lire ce qu'elle a rédigé. J'y jette quand même un coup d'oeil mais je perds très vite le fil des mots en entendant Margaux mâchouiller bruyamment son chewing-gum. Mes yeux passent de sa bouche à la feuille que je tiens entre mes doigts. Elle a son regard hautain et détaché que je n'aime pas. J'ai envie de la rabaisser, juste pour le plaisir de me sentir fort.

— Ta gueule avec ton chewing-gum !

Margaux sursaute et s'arrête brusquement de mâcher, elle lève les yeux au ciel alors que le professeur se dirige vers nous avec une pile de livres dans les bras. Je me replonge dans la lecture de l'exposé. Ce qu'elle a rédigé me semble plutôt bon. Bien meilleur que ce que j'aurai moi-même produit.

— Pas mal mais tu peux encore t'améliorer, lancé-je en la prenant de haut.

Je repousse brutalement la feuille vers elle. Je la sens exaspérée par ma présence. Pour se rassurer, elle regarde sans arrêt vers l'enseignante prise dans son tri. Un crayon à la main, cette dernière note chaque bouquin pour l'archiver. Ses cheveux détachés lui donnent une allure juvénile. On pourrait presque la confondre avec un élève. Elle ne se soucie absolument pas de nous, absorbée par la fiche qu'elle complète au fur et à mesure des sélections.

— Alors comme ça tu aimes les petits bonbons roses...

— S'il te plait Baudry, commence pas ! me répond Margaux en s'avançant vers moi.

Puis elle se tourne vers l'enseignante pour vérifier de son côté que celle-ci n'a rien entendu.

— Tu peux me faire confiance, je connais ton secret !

Je m'appuie de manière détendue sur mon dossier. Je pose mes pieds sur la chaise libre à côté de moi pour bien montrer que tout ce qu'elle me dit me passe par dessus la tête. La seule chose qui compte est ce que j'ai lu et ce que j'ai dupliqué. Je veux continuer de l'agacer.

— Mais ferme-la ! rétorque-t-elle le visage tendu. Tu sais rien sur moi ! J'en ai juste pris trois fois, bon sang ! C'était une erreur. Une grave erreur et je ne recommencerai plus. Donc tu oublies ce que tu crois savoir !

— Tsss, sifflè-je entre mes dents. J'oublie rien du tout ! Ce qui est fait est fait ! Assume tes actes, toxico !

Elle se passe nerveusement la main dans les cheveux puis attrape brutalement l'ensemble de ses affaires éparpillées sur la table pour les ranger dans son sac. Je n'avais pas défait les miennes. Il m'est donc facile de la suivre quand elle se lève.

— Au revoir, madame ! dis-je à l'attention du prof qui se tourne vers nous lorsque je range bruyamment ma chaise.

— Au revoir, répond-elle.

Margaux l'ignore et se précipite vers la sortie pendant que je la suis.

— Pars pas comme ça, on peut discuter tranquillement entre potes !

— J'ai rien à te dire, Baudry !

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