Chapitre 19 - 1366

5 minutes de lecture

Ce mois ci, nous démarrons un nouveau trimestre ce qui annonce un changement de sport. À mon grand soulagement, toutes les ecchymoses sur mon corps ont disparues et je suis assez serein lorsque je me présente en maillot moulant au grand bassin. Je rejoins les garçons, prêts les premiers, pour m'asseoir à coté d'eux sur le rebord carrelé de la piscine. L'odeur du chlore me picote les narines pendant que les commentaires et les rires étouffés des nageurs résonnent bruyamment.

La natation est l'un des sports les plus traumatisants à mon goût. Devoir s'exhiber, quasiment nu, devant les autres me bouleverse toujours. Je n'ai pas un corps imparfait pourtant, du moins en comparaison avec certains. La pratique du judo m'a offert une belle panoplie de muscles. Mais je ne m'aime pas. Je déteste mes épaules tombantes recouvertes de cicatrices d'acné, mon dos vouté et mes longs pieds aux orteils biscornus.

Je voudrais sauter dans l'eau pour m'y dissimuler. À la place, je me cache sous ma grande serviette, enroulée sur moi.

Installé entre Damien et Flavien, sur le carrelage qui me glace les fesses, nous attendons patiemment que les filles veulent bien sortir du vestiaire. Le prof qui s'impatiente décide d'aller les appeler au niveau du pédiluve, coté femmes.

— Alors ton tête-à-tête avec Margaux ? me questionne Flavien.

Il est tellement obsédé par cette fille que cela me fait sourire. Il passe son temps à me questionner au sujet de ce foutu exposé qui avance lentement.

— Ça va ! Tiens, voilà ton fantasme... lui indiqué-je en découvrant l'adolescente dans son petit maillot rose.

Une serviette enroulée autour de la taille cache ses sublimes courbes. Tous les yeux des garçons détaillent avec délectation chaque fille qui s'avance. Je ne vois que Margaux jusqu'à ce que Damien me mette un coup de coude discret et me lance :

— C'est pour quand, toi et Mila ?

— De quoi tu parles ?

Mes yeux quittent Margaux pour se poser sur mon amie. Elle me sourit et se dirige vers moi. Je ne sais toujours pas quoi penser d'elle. Damien a certainement raison, elle en pince pour moi mais je ne suis pas certain que ce soit réciproque et encore moins de vouloir entamer une relation de couple avec elle ou qui que ce soit d'ailleurs.

La peau de Mila est très blanche, ce qui est tout à fait normal à cette saison. Son bonnet de bain à la main, elle serre sa serviette autour de sa poitrine par pudeur. Dans son maillot une pièce bleu marine, elle a l'air douce et fragile. Pourtant, elle ne l'est pas ! Je n'oublie pas qu'elle m'a collé plusieurs roustes au judo.

— Mila ! Viens, Baudry te fait une place ! lâche Damien à ma grande surprise.

Il se décale un peu et, sans hésiter, Mila vient s'incruster entre nous. Je me pousse au maximum contre Flavien pour tenter d'éviter de toucher l'adolescente. Je suis étriqué entre eux deux et tellement mal à l'aise. J'ai envie que le prof se dépêche de donner ses consignes mais il attend encore que les filles trouvent où s'asseoir et se taisent. Margaux est plantée debout devant nous, en grande conversation avec deux lycéennes. Si elle se souciait un peu de ceux qui attendent, le prof aurait déjà fini son introduction et nous serions dans l'eau. Cela me délivrerait de l'oppression de Flavien qui gigote et de Mila dont l'épaule frôle mon avant-bras.

— Bouge ton cul, Margaux ! lui ordonné-je en serrant les dents.

— Ouais, vu sa taille, tu nous caches le paysage... ajoute Flavien.

Il se met à rire à gorge déployée et je ne peux me retenir de l'imiter. Margaux écarquille les yeux puis nous fusille du regard avant de fuir à l'opposé de nous, en croisant ses mains sur sa poitrine d'un air embarrassé.

— On va tous se calmer, s'il vous plait ! nous interrompt le prof.

Il nous fait signe avec la main de baisser d'un ton et d'arrêter de rire puis nous explique rapidement qu'aujourd'hui nous allons travailler la brasse. Il détermine également les couloirs qui nous sont attribués.

— Vous partez du plongeoir, s'il vous plaît, et vous évitez de vous pousser et de vous sauter dessus !

Je suis enfin délivré de la promiscuité de mes amis. Chacun de nous laisse sa serviette et enfile son bonnet de bain. Puis nous nous précipitons vers les plots. Flavien me pousse pour que je me colle à Margaux.

— Va derrière elle ! On va rire...

Dans la file, je double deux personnes, pour m'approcher au plus près de l'adolescente. Elle s'est raidie à mon arrivée, elle a probablement deviné que je suis derrière elle. Je ricane bêtement avec Flavien qui grimace dans le dos de Margaux.

Les élèves plongent les uns après les autres mais je ne m'en préoccupe pas. Je cherche les mots qui blesseraient Margaux et qui feraient rire mes amis.

— T'es à ton avantage dans l'eau, Margaux ! Les baleines, ça coule pas !

Margaux soupire fortement en guise de réponse et monte sur le plot pour s'apprêter à plonger. Après avoir vérifié que le prof ne regarde pas dans notre direction, je ne trouve rien de mieux que de la pousser vivement dans l'eau. Margaux tente de résister mais elle perd l'équilibre et tombe dans le bassin.

— Mais quel boulet, cette meuf ! s'exclame Flavien. Montre-nous ce que tu sais faire Baudry !

Je monte à mon tour sur le plongeoir et me jette dans la piscine, la tête en avant. En quelques mouvements, j'arrive à la hauteur de Margaux. Je l'éclabousse exagérément avant de la doubler.

— Oh pardon, j'ai pas fait exprès ! dis-je en lui envoyant une giclée d'eau dans le visage.

C'est vraiment devenu amusant de l'embêter, d'inverser les rôles. Je suis devenu le dominant de notre relation et je peux faire ce que je veux de Margaux. Elle n'a plus aucune possibilité de m'échapper.

Dans le grand bain, Flavien me rattrape aisément et nous démarrons une compétition. Je maitrise plutôt bien la brasse et je me concentre en premier lieu sur ma respiration. La tête hors de l'eau, je prends une grande bouffée d'air avant de plonger sous la surface pour me propulser en avant d'un coup de jambes, telle que le ferait une grenouille. Je reprends mon souffle et jette un coup d'oeil vers mon ami qui est encore devant moi. Nous nous donnons à fond tous les deux et c'est très agréable pour moi de faire le vide durant une heure. De ne penser à rien d'autre qu'à rattraper Flavien qui me devance et profiter de ce pur moment de dépassement de soi dans l'eau tiède de la piscine. La natation me permet d'évacuer toute la pression que j'ai accumulée en moi et donc de me détendre.

Un coup de sifflet nous indique que la séance est terminée. Je me dirige vers le bord du bassin en passant sous la ligne de bouées qui flottent. Je m'accroche au rebord et d'un coup de bras je sors rapidement. Je saisis ma serviette et m'essuie le visage. Margaux se trouve juste à côté de moi et se dirige vers son drap de bain. Nous échangeons un regard. Ses yeux me supplient de l'oublier. Cela me conforte dans l'idée que justement, je dois encore gagner du terrain. À peine a-t-elle attrapé sa serviette que je la lui arrache des mains en cherchant Flavien qui est encore dans l'eau.

— Attrape, mec ! dis-je en lui balançant la serviette rose qui finit dans le bassin.

— Mais putain, Baudry ! râle Margaux qui fonce vers le grand bain pour récupérer le tissu mouillé qui est sur le point de sombrer au fond de la piscine.

Je souris fièrement de ma trouvaille jusqu'à ce que je tombe nez à nez avec Mila.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 8 versions.

Vous aimez lire Antoine COBAINE ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0