Chapitre 14 - 1312

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— Tu me fais mal, Baudry, s'il te plaît, lâche-moi !

Je relâche la pression sur sa trachée pour continuer à la pousser. Si je la libère totalement, elle pourrait courir se réfugier chez elle et peut-être m'empêcher d'entrer ou appeler quelqu'un. Je choisis de garder Margaux sous mon emprise. Elle est bien trop maligne.

Lentement, je l'aiguille vers sa maison. Pas après pas, nous avançons en cadence, collés l'un contre l'autre. Être posté ainsi dans son dos, une main derrière sa tête et l'autre au contact de sa peau me procure une grande satisfaction. Je l'oblige à marcher à mon rythme, parfois vite et parfois plus lentement en fonction des obstacles qui se présentent, notamment les deux marches de la terrasse. À mon gré, je serre et desserre mon bras au niveau de son cou, la malmenant suffisamment pour l'effrayer et la rendre obéissante.

Mon visage est proche de sa chevelure brune parfumée. Je marche en regardant droit devant pour l'obliger à me laisser entrer. Elle n'a pas le choix et malgré ses supplications insistantes, je ne perds pas de vue mon objectif. Une fois à l'intérieur, je suis plus en confiance. Je la lâche lentement en lui faisant comprendre qu'elle doit rester tranquille.

Je découvre sa maison, son univers. Tout est luxe et confort. L'ensemble du mobilier est fastueux, d'un blanc immaculé, donnant à la pièce un rendu presque aveuglant. Je reste coi devant la télévision dernier cri, semi-arrondie et toute en verre. Elle doit valoir une fortune, comme le canapé en cuir qui peut accueillir une bonne dizaine de personnes. Un tableau suspendu au mur représente le portrait de la famille idéale vivant ici. Margaux est positionnée entre ses deux parents. La fierté et l'admiration se lisent dans leurs yeux. C'est le seul objet visible assez intime. Le reste de la pièce est lisse et impersonnel. Je soupçonne que l'agencement soit l'oeuvre d'un décorateur d'intérieur. Des sculptures en verre, probablement d'un artiste côté, représentant deux danseuses classiques, sont mises en valeur sur un buffet. Je fais aussitôt le rapprochement avec la clé USB et les dossiers de Gala de Margaux.

Celle-ci n'a pas bougé depuis que je l'ai lâchée. Elle réajuste la ceinture de son peignoir pour ne pas me laisser entrevoir l'échancrure de son décolleté. Ses mains remontent ensuite dans son cou qu'elle masse soigneusement, à l'endroit où je l'ai étranglé avec mon bras.

— C'est beau chez toi !

— Tu veux quoi, Baudry ? demande Margaux agacée par mon coup d'oeil intrusif.

Je continue mon tour d'horizon, sans trop quitter Margaux des yeux. Je sors du coin salon pour me rendre côté salle à manger. C'est assez surprenant, le couvert pour dix personnes est déjà mis sur l'immense table en bois blanc. Des chandeliers en argent sont prêts à être allumés. Je l'interroge en continuant de fureter.

— T'attends du monde ?

— Va t'en maintenant ! m'ordonne-t-elle avec une petite voix.

Ma question reste en suspens. Le couvert mis ainsi, reste un mystère, cela me fait penser à une exposition de vaisselle dans un magasin de mobilier.

— Non ! Je ne vais pas partir de suite, vois-tu ! répliqué-je d'un ton dédaigneux.

Je la sens seule et vulnérable dans son immense maison parfaite mais vide. Elle a perdu toute sa confiance. J'en profite pour continuer à l'affaiblir. Je sors son téléphone de ma poche et je le pose dans une assiette blanche, l'écran explosé face à nous. Margaux pince ses lèvres et secoue la tête. Ses yeux brillent et son regard me fuit. Elle renifle doucement, une larme coule sur sa joue. Elle l'essuie, d'un revers de main.

— J'ai tes clefs aussi !

Je pose le trousseau dans l'assiette d'à côté. Elle s'en empare aussitôt et le tient fermement contre son cœur. Elle tremble et pleure en silence mais cela ne me fait rien. Je ne ressens pas de pitié pour cette fille, uniquement de la haine. La Margaux sûre d'elle, vantarde, et qui fait du charme à tout le monde a disparu. Sans toutes ses parures, son maquillage, ses beaux habits, ses talons hauts, et surtout sans ses amies, elle n'est rien.

Je veux la pousser à bout, lui faire vraiment peur. Montrer qui je suis pour qu'elle me craigne et sache que je suis son maître. Elle doit apprendre à se taire quand je lui dis de la fermer et à m'obéir quand je lui donne un ordre.

— Demain soir, après les cours, on bosse pour l'exposé ! Ici !

Elle renifle encore et déglutis sans me répondre. Brusquement son visage s'éclaire et elle inspecte son trousseau de clefs. Elle les compte et les vérifie une par une, la panique s'emparant des traits de son visage. Puis d'une toute petite voix, elle me demande :

— Baudry, s'il te plaît, il me manque ma clé USB. C'est un petit chausson de danseuse. Rends-le moi !

Je lui souris en me déplaçant jusqu'à son canapé en cuir blanc dans lequel je m'assois de manière décontractée. J'appuie ma tête contre le dossier et me passe la main dans les cheveux. Je tâte le bouton d'acné sur mon front qui me fait mal. Discrètement, je replace ma mèche de cheveux par-dessus pour le cacher et je lui dis en me redressant :

— C'est fort possible que je la garde !

Margaux écarquille les yeux et devient menaçante :

— Je vais porter plainte, je te préviens ! Et d'une, tu m'as volé mon sac, et de deux tu t'es introduit chez moi et de trois tu m'as violentée !

— C'est toi qui m'as sauté dessus, j'ai des marques sur le visage, je suis sûr !

Je me touche à l'endroit où elle m'a griffé pour vérifier. Je sens une légère brûlure dans mon cou. Je dois avoir une trace. Margaux m'a prouvé qu'elle peut être une véritable tigresse quand elle est en colère.

— Rends-moi ma clé !

— T'as pas une copie ?

— Non, justement ! Baudry, si tu me donnes ma clé, j'oublie tout le reste et je ne porte pas plainte mais rends-la moi, s'il te plaît !

Je m'interroge sur ce que cache réellement cette foutue clé pour que Margaux y tienne à ce point. J'ai vu les grands dossiers mais rien ne m'a vraiment interpellé. Je vais regarder tout ça en détail dès mon retour. Je n'ai plus rien à faire ici, Margaux a perçu mes intentions. Je me lève en lui jetant un dernier regard.

— Ta clé, tu l'auras quand on aura terminé notre exposé !

— Mais pourquoi t'insistes autant avec cet exposé ? Un zéro de plus ou de moins à ta collection, ne changera pas grand chose à ta moyenne.

Margaux vient de résumer en peu de mots une grande partie de mes problèmes scolaires. Mes notes, habituellement médiocres, sont catastrophiques. Elle est une excellente élève, je compte sur elle et la note qu'elle peut obtenir à l'exposé pour me faire regagner quelques points.

— L'exposé ! je lui lance en agitant sous ses yeux la clé qui lui tient tant à coeur.

— Baudry, c'est vraiment pas possible ! Je ferai ce que tu voudras mais rends-la moi !

— Plus vite on en finit, plus vite tu l'auras. Et t'as pas intérêt à l'ouvrir si tu veux pas finir comme ton sac.

Je range la clé dans la poche de mon pantalon. Je quitte la maison rassuré. Margaux a bien saisi mes intentions et ne parlera pas de notre petit arrangement.

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