Chapitre 12 - 1452

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Je ne sais pas si je dois être inquiet que Mila fonce directement chez moi, ce matin. Vient-elle pour le sac ou pour prendre de mes nouvelles ? Je dois avouer que j'apprécie de plus en plus qu'elle m'accorde de l'importance. Ses petites attentions qui m'énervaient, il y a peu de temps, ne me laissent pas indifférent. Je suis à la fois infiniment impatient et extrêmement angoissé par l'entretien qui va suivre. Je serais déçu si elle pense directement à moi pour le vol et je lui en voudrais de ne m'accorder aucune confiance.

— Salut, Baudry ! me dit Mila alors que je referme la porte derrière moi.

Dehors, il fait très frais ce matin. Je n'ai pas pris la peine de me couvrir et je m'en mords les doigts. Je remonte ma capuche pour couper un peu le vent qui me glace la nuque. Mila est bien emmitouflée dans sa doudoune noire. De la buée sort de sa bouche quand elle respire, attirant mon regard sur ses lèvres rougies par le froid. Il n'est pas question pour autant de la faire entrer. Nous ne pouvons pas avoir cette conversation délicate devant mes parents et encore moins dans ma chambre, où elle reconnaîtrait toutes les affaires de Margaux dans le sac gisant au pied de mon lit. Il faut que je m'en débarrasse au plus vite. C'est ce que je m'apprêtais à faire quand elle m'a interrompu !

— Salut, Mila ! je lance en me raclant la gorge.

Je m'avance pour lui faire rapidement deux bises. Nous nous dévisageons quelques secondes, comme si ce simple contact de nos deux peaux l'avait satisfaite pour la journée. Elle ravise le sourire qu'elle s'apprêtait à m'offrir pour prendre un air grave et pointer son index vers moi.

— Qu'est ce que tu as déconné, hier soir ?

— De quoi tu parles ?

Je la regarde en mimant la surprise. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle m'attaque directement et je n'ai pas pris le temps de réfléchir à une quelconque défense. Je dois improviser au plus vite malgré la désillusion que me procurent ses mots. Je me doute que Margaux y est pour quelque chose. Elle a eu toute la nuit pour m'incriminer auprès des lycéens qui sont restés à la fête.

— Rhooo, ça va ! Je me suis énervé mais c'est Margaux aussi, elle me porte sur le système !

— Je ne parle pas de la dispute ! Margaux s'est fait piqué son sac !

Je rage intérieurement en comprenant qu'elle est directement venue m'accuser. C'est une trahison. Mila a toujours été sympa avec moi. Comment peut-elle être aussi certaine de ma culpabilité ?  Je simule de ne pas comprendre ce qu'elle dit. Je peux être un bon comédien quand je veux. J'ai bien réussi à mentir sur des tas de choses depuis des années. J'appuie mon dos contre la porte, histoire de paraître le plus détendu possible puis, je me passe la main dans les cheveux avant de répondre sur un ton excessivement calme :

— C'est con pour elle mais je ne vais pas la plaindre, si c'est ce que tu attends !

Mila fait un pas en avant et regarde autour d'elle pour vérifier que personne ne peut entendre notre conversation. Elle se crispe et dit à voix basse :

— Oh mais c'est pas possible, tu comprends vraiment rien ! Je viens te voir car les autres t'accusent !

Je lève les yeux au ciel, pour lui signifier que ce qu'elle raconte est totalement ridicule et dénué de sens. Alors que son incrimination me blesse, je fais en sorte de ne pas m'énerver, ni de répondre trop vite, ce qui pourrait laisser penser que j'ai quelque chose à me reprocher. Bien sûr que c'est le cas, mais elle ne doit sous aucun prétexte douter de ma parole.

— Mais ils m'accusent de quoi, au juste ? lui demandé-je en fronçant les sourcils.

Mila fulmine et fait un tour sur elle-même en se tapant sur le front. Elle souffle et recrache de la buée sur ses mains pour les réchauffer. J'aime bien la voir faire. Elle avait déjà cette habitude quand nous étions en primaire. Une mèche de cheveux est tombée sur son front et j'ai tout à coup envie de la lui glisser derrière l'oreille. Je m'y refuse en réalisant que l'heure est grave. Ce n'est plus un jeu. Je risque d'avoir de sérieux problèmes.

— Pour le sac ! Tout le monde pense que c'est toi qui l'a pris ! continue-t-elle en me fixant droit dans les yeux.

Ça y est, elle l'a dit ! L'entendre formuler clairement son accusation est un électrochoc. Je fuis son regard et l'espace d'un instant, je perds le contrôle de mes émotions. mon visage blémit.  Je me reprends aussitôt. Je ne dois rien laisser filtrer. Je suis fort ! Je suis innocent, j'arrive à me convaincre que tout ceci n'est qu'un complot contre moi élaboré par Margaux, cette sale peste qui me hait. Je plonge à nouveau mes yeux dans ceux de Mila et lui jure :

— Mais n'importe quoi, je te promets que je ne suis pas responsable du vol ! Je ne suis même pas resté à cette foutue soirée !

— Je sais, c'est ce que je leur ai dit !

Mila se détend. Elle me croit. Elle arbore même un petit sourire que je soupçonne d'être une tentative de séduction. Elle agrippe mon sweat au niveau du ventre et, intimidée, elle baisse les yeux sur ses doigts. Perturbé, je ne bouge pas tandis que son index dessine un léger cercle autour de mon nombril. J'hésite à retirer sa main trop intrusive. Elle me déconcentre et un court instant, je perds le fil des mots que je souhaitais lui dire, mes yeux totalement obnubilés par ses doigts qui s'aventurent sous mon sweat, là où je déteste être touché.

Embarrassé, je finis par continuer sur ma lancée pour conclure cette histoire. Mila est le porte-parole de Margaux. Si la première est convaincue, Margaux ne pourra rien faire.

— Mila, tu m'as vu partir, pas vrai ? la questionné-je en examinant ses doigts sur mon ventre.

— Oui !

— Est-ce que tu m'as vu prendre ce sac ?

Mila plonge ses yeux dans les miens. Durant un long moment, nous essayons de lire les pensées de l'autre. Le vent balaie la petite mèche sur le front de Mila jusqu'à ce qu'un frisson la fasse subitement réagir.

— Non ! Enfin, il n'y avait pas beaucoup d'éclairage... Mais je sais que tu ne ferais jamais ça !

— En effet, jamais je ne ferais ça !

Soulagée par ma confirmation, Mila laisse échapper un sourire sincère, différent du sourire embarrassé qu'elle arborait en arrivant. Sa main caresse mon ventre remontant le long de mes abdominaux. Je ne peux plus contenir la répulsion que son simple geste fait naître en moi. Ma main glisse sur la sienne pour freiner sa dangereuse escalade.

J'enlace ses doigts quelques instants, profitant de la chaleur et de la douceur de sa peau. Je lève le menton et humidifie mes lèvres asséchées par le froid. Mila mordille sa lèvre, retenant ma main dans la sienne. Petit à petit, son visage se rapproche du mien. Je déglutis, mon coeur bat à tout rompre. Appuyé contre la porte, je ne peux pas m'échapper. Je frissonne en imaginant ce qui va se produire si je ne réagis pas immédiatement.

Une sensation de grand froid m'envahit brusquement et sans que Mila ne le remarque, tout mon corps est pris de soubresauts. Je ne peux pas supporter la tournure de notre relation. Trop de souvenirs m'envahissent. Je me mets à trembler et je retire brutalement ma main de celle de Mila pour me redresser. Elle semble déçue et recule d'un pas.

— Je vais rentrer, m'annonce-t-elle.

— Moi, aussi ! À demain !

— À demain.

Je m'avance vers elle pour lui faire deux bises mais nous sommes si gauches dans nos gestes que nous tendons la même joue, manquant de nous embrasser sur la bouche et malgré moi, je dépose un baiser à la commissure de ses lèvres. Aussitôt mon cœur s'emballe et je suis pris d'un vertige. Le visage de Mila est passé au rouge vif. Nous sommes tous les deux troublés par ce qu'il vient de se produire. Je n'ose plus la regarder et préfère fuir chez moi le plus vite possible.

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