Chapitre 11 - 1317

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Malgré une fin de nuit agitée, je finis par tomber de sommeil. Épuisé par cette soirée riche en émotions, je n'ai pas eu le courage d'allumer mon ordinateur pour lire la clé USB.

À peine quelques heures plus tard, je suis réveillé par les cris de mon père dans le couloir. Il tambourine à la porte de mon frère pour je ne sais quelle raison. Le cerveau embrumé, je me frotte les yeux pour essayer d'y voir plus clair. J'ai toujours du mal à sortir de ma phase de sommeil le matin. Les rayons du soleil éclairent déjà ma chambre au travers des volets.

— Fred, lève-toi ! lui ordonne mon père. On y va dans cinq minutes.

En repensant au sac de Margaux vidé à côté de moi, j'ouvre grand les yeux . Je dois vérifier sa clé USB. Je suis trop curieux de savoir ce qu'elle contient. Avant, je jette un coup d'oeil à son portable pour consulter les messages. Je tente, au hasard plusieurs codes mais aucun ne fonctionne. Je n'arriverai pas à le déverrouiller. Aujourd'hui, elle risque probablement de vouloir le géolocaliser alors je me résous à l'éteindre. Ça me rend triste. Je détenais tous ses contacts et je pouvais surveiller tous ses messages. Tant pis, je préfère jouer la prudence.

En me levant, je découvre que j'ai dormi habillé. Je ne suis pas surpris, cela m'arrive souvent. J'ouvre mon armoire pour y chercher des vêtements. Mon père n'aime pas que nous traînions au lit le matin, même les week-ends. Je préfère me changer de suite plutôt que de l'irriter. Il semble déjà agacé par mon frère, pas la peine d'en rajouter. Une fois prêt, j'aurai tout le loisir de faire semblant de bosser sur mon ordi, pour lire la clé de Margaux.

J'attrape mes affaires propres et je traverse discrètement le couloir pour aller dans la salle de bains. Je jette mon jean et mon sweat sur la commode. Je ferme la porte et je me déshabille pour entrer dans la douche. L'eau chaude me délasse. En me savonnant, j'augmente un peu plus la température. Je me demande ce que je vais faire du sac de Margaux. Si sa clé USB renferme des choses intéressantes, je peux peut-être lui mettre la pression. Ce qui est certain, c'est que j'ai dû sacrément la bouleverser. Sans ses clefs, elle ne peut pas rentrer chez elle et ses parents ne sont pas là !

Intérieurement, cette audace me fait jubiler. Quelle excellente idée j'ai eu de partir avec le sac ! Satisfait d'imaginer Margaux à la rue, je coupe l'eau. J'ouvre la douche et pose un pied sur le tapis douillet. Au même moment, la porte de la salle de bains s'ouvre et mon frère, en jogging, entre en trombe. Il fonce vers le lavabo pour fouiller dans l'armoire, laissant la porte grande ouverte derrière lui. Saisissant ma peau mouillée, le courant d'air froid me donne la chair de poule, je me fige. Aussitôt je me jette sur ma serviette, complètement paniqué par la présence de Fred alors que je suis complètement nu. Il me regarde faire dans la glace, un sourire en coin. Je n'aime pas qu'il pose ses yeux sur moi. Je me sens vulnérable, je frissonne. Je passe le drap de bain sur mes épaules pour me recouvrir totalement et lui ordonne de sortir.

— Ça va, je passe juste me coiffer ! se défend-il en trouvant son peigne dans le placard.

— Tu rentres pas dans la salle de bains quand j'y suis !

— Oh, c'est bon, on est fait pareil !

Mes tremblements s'intensifient quand il se tourne pour me regarder. Son peigne à la main, il se coiffe en me détaillant de haut en bas. Il me perturbe et je ne sais plus quoi faire. Je ferme toujours la porte à clefs ! Toujours ! Mais ce matin, j'ai baissé ma garde. Je pensais à Margaux et à son foutu sac. J'en ai oublié de verrouiller. Je serre la serviette sur mon torse, en prenant soin de vérifier que rien ne dépasse en bas. Je ne veux pas qu'un seul centimètre de peau soit découvert.

— Sors maintenant ! je le supplie nerveusement.

— Mais c'est quoi ton problème ? T'es grave, tu sais ! Tu ferais mieux de venir courir avec nous, ça te détendrait...

— J'ai pas de problème !

Fred hausse les épaules et se tourne enfin pour vérifier ses cheveux bruns sans pour autant me quitter des yeux. Je suis tellement mal à l'aise de me retrouver à poil en sa présence que je demeure totalement immobile, comme statufié. Je ne peux pas m'habiller sans quitter ma serviette. Alors je reste planté ainsi, coincé sous l'effet de la panique.

— Fred, t'es prêt ? hurle mon père dans le couloir. Je t'attends dehors !

J'en profite pour saisir mes affaires d'un tour de main avant de courir, toujours ruisselant vers ma chambre. Je claque la porte et me jette sur le verrou pour le tourner.

Encore sous le choc, je m'assois sur le lit. Je grelotte dans ma serviette. Je dois me vêtir vite. Il pourrait revenir d'un moment à l'autre, juste pour le plaisir de me faire rager. Toujours humide, je me relève et sans réfléchir une seconde de plus, j'enfile mon boxer, mon pantalon, mes chaussettes et mon sweat.

Sous mon armure de vêtements, je me sens mieux. Je ne suis plus ce garçon frêle et fragile, celui dont on se moque, celui qu'on agresse. Non, à partir de maintenant, je refuse d'être cette personne. Hors de question ! Ils ne peuvent plus m'atteindre ! Ils ne doivent plus ! Je ne les laisserai pas faire ! Les images reviennent me narguer. Je craque. D'un geste rageur, je m'empare de mes ciseaux et saute sur le sac de Margaux. Je le coupe, je le tranche, je le déchire. Je le réduis à néant. En miettes. Elle va payer, cette connasse ! Je vais la ratiboiser comme je le fais avec ses affaires ! J'écrase son rouge à lèvres, je raye son portable puis le projette contre un mur de ma chambre. Je déchiquette ses petites trousses et ses tampons. Je broie sa brosse à cheveux sous ma chaussure.

Je reprends mon souffle, j'observe l'étendue des dégats. Des bouts de tissu sont éparpillés dans toute la pièce. Les vestiges de sa brosse forment une triste mosaïque sur le carrelage. Des traces de rouge à lèvres et de fard à paupières tâchent ma couette. Je me passe la main dans les cheveux en réalisant que j'ai tout cassé. Je prends une grande respiration. J'ai réellement tout explosé. J'ai l'impression d'avoir perdu le contrôle de tout mon être durant quelques minutes.

Comme si quelqu'un d'autre s'était emparé de mon corps. Je me sens mieux. C'est tellement agréable. Fort de cette nouvelle énergie, je me sens capable d'affronter la terre entière. Une fois ma haine apaisée, je rassemble tout dans un sac en plastique. Je n'ai rien oublié, tout y est passé, sauf sa clé USB, à qui je réserve un autre sort !

Cette clé doit être spéciale pour que Margaux la garde toujours précieusement avec elle. J'attrape mon ordinateur. Mon écran s'allume, sur une photo de ma moto. J'insère rapidement la clé. Plusieurs fichiers apparaissent : photos gala 2017, photos gala 2018, chorégraphies concours, projet 2019, programme nutritionniste...

— Baudry !

La voix de mon frère me fait sursauter, j'arrache la clé de mon ordinateur avant de me rappeler que ma porte est verrouillée. Je pousse un soupir et réponds :

— Quoi ?

— Y a ta pote Mila qui est là !

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