Chapitre 8 - 1460

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Je me stationne entre deux motos sur le trottoir devant la maison d'Alban.

À peine ai-je retiré mon casque que Damien, excité par la fête en ébullition, me saute dessus. Ignorant ses gesticulations, je prends quand même le temps de me recoiffer dans le rétroviseur de ma moto. Je n'aime pas ma tronche. Un énième bouton est apparu au milieu de mon front. Ça m'embête que ça arrive pile aujourd'hui. Je tente de le cacher avec une mèche de cheveux un peu plus longue que les autres. J'ai mis une chemise grise pour faire habillé mais j'ai gardé un jean et des baskets afin d'être plus à l'aise.

— Alors, t'arrives BG ? me lance Damien qui trépigne d'impatience.

Il a déjà un verre à la main et sachant qu'il ne tient pas l'alcool, cela ne présage rien de bon. La maison d'Alban est plutôt grande et récente, bien située dans l'un des plus beaux quartiers de la banlieue bordelaise. Damien me précède pour m'indiquer que la fête se déroule dans le garage. Ceci dit, j'aurais pu trouver tout seul, en suivant le son de la musique qui s'échappe de la pièce.

— Y a moins de monde que prévu ! m'informe-t-il. On devait être trente-cinq mais avec toi, ça fait juste quatorze...

— Margaux est là ?

Ça m'a échappé ! Il faut que je sache. Plus cette fille m'évite et me repousse, plus elle m'obsède. Je veux lui parler pour qu'on finisse notre exposé. Les jours passent et nous n'avons toujours pas avancé sur le sujet.

— Non, mais tu t'en fous de Margaux ! Baudry, laisse tomber avec elle, c'est pas une meuf pour toi ! Va voir du côté de Mila, regarde, elle attend que toi !

— N'importe quoi !

— Je t'assure... Elle t'aime bien !

En ouvrant la porte de la buanderie, nous tombons nez à nez avec cette dernière qui affiche un immense sourire étincelant à mon attention.

— Toi, le revenant, faut que je te parle, me lance-t-elle.

— Vous avez toute la nuit pour parler... lui répond Damien en me fixant, l'air entendu sur la suite des événements.

Leur échange à mon sujet me met mal à l'aise. Certes, Mila est sympa et je la connais depuis l'enfance mais je ne ressens aucun attrait pour elle. En pénétrant dans le garage où toute la bande est déjà au complet, je ne peux pas me retenir de détailler plus intensément mon amie du coin de l'œil. Je n'ai jamais envisagé quoi que ce soit avec elle. Pourtant, elle est devenue assez jolie sans ses bagues et avec ses nouvelles lentilles. Ses yeux bleus, légèrement en amande me surveillent et je plonge mes mains dans mes poches en constatant qu'elle a compris que je pensais à elle. Flattée, ses yeux se mettent à pétiller et son visage s'éclaire d'un large sourire. Je remarque alors le contraste de son rouge à lèvres avec ses dents blanches. Depuis quand Mila se maquille-t-elle autant ?

Damien me tend un verre et me propose une vodka Red Bull.

— Pas d'alcool, je conduis !

— Tu conduis que demain ! On dort ici ! me rappelle-t-il.

Je me tourne vers Mila pour évaluer sa réaction et avoir son approbation. Je ne sais pas pourquoi j'ai besoin de son avis. Étrangement, je me sens soulagé quand elle hausse les épaules pour m'indiquer que ça lui est égal. Il fait assez chaud dans le garage et la musique de fond est agréable. Les lumières tamisées donnent à la pièce un côté intime. Le cocktail à base d'alcool, un peu trop sucré à mon goût, me calme rapidement. Je suis détendu et de bonne humeur. Je gagne en aplomb et trouve même le courage de relancer la conversation avec Mila qui ne me quitte pas d'une semelle.

— Pourquoi tu m'as appelé le revenant ?

— Pourquoi tu viens plus au Judo ?

Mila est très maligne, c'est la spécialiste pour répondre par une nouvelle question.

— J'arrête, commencé-je à me justifier.

Avant même d'avoir le temps de chercher une excuse pour motiver ma décision, mon regard est captivé par Margaux qui entre dans la pièce telle une déesse sur ses talons hauts, elle s'avance vers nous... Elle éclipse de loin par sa beauté toutes les filles présentes. C'est incontestable, cette fille sait se mettre en valeur avec sa taille de guêpe, ses jambes fuselées et son visage gracieux, maquillé juste comme il faut. Elle a mis une légère couche de fond de teint qui lui matifie la peau et lâché ses cheveux bruns qui retombent jusque dans le bas de son dos. Naturellement, elle ondule des hanches à chaque pas, faisant tourner les têtes sur son passage.

Mila me scrute jalousement mais malgré ses yeux sur moi, je ne peux m'empêcher d'être ensorcelé par Margaux.

— C'est moi ou y a pas d'ambiance, ici ?

Autant je la trouve belle, autant elle m'énerve dès qu'elle ouvre la bouche. Elle déclenche autour d'elle des sentiments ambivalents. Comment peut-on à la fois aimer et détester une même personne ?

— Ça se passe bien, on discute en petit groupe ! Moi, je trouve que la soirée est sympa ! réplique Mila pour rassurer son amie.

Celle-ci examine la pièce. Alban, Flavien et quatre ou cinq garçons font une tournante de ping-pong. Quelques filles discutent sur le canapé en face du notre en picorant des bonbons. Un petit groupe fume devant la porte. La soirée est plutôt cool, pas d'embrouille, personne n'est ivre, une petite musique de fond ambiance la nuit qui se veut tranquille.

— Mais personne danse ? geint Margaux.

— Peut-être plus tard ! Sinon, demande à Alban de monter le son de la chaîne !

Mila ronge son frein. Et d'une son amie débarque au beau milieu de notre conversation et de deux, cette dernière passe son temps à râler.

— C'est qui le gars entre Flavien et Mat' ?

Mila soupire et tout comme moi, elle lève les yeux à la recherche de l'étranger que Margaux a repéré. Je vois de suite de qui elle parle.

— C'est Axel, le frère d'Alban !

Elle ne daigne même pas m'adresser la moindre attention quand je lui réponds. Elle agit comme si je n'existais pas, comme si j'étais transparent, invisible. Elle s'adresse à Mila :

— Tu savais qu'il avait un frère ?

Ses manières, ses réflexions, sa façon de faire, tout chez elle m'agace. Je sens à nouveau la moutarde me monter au nez. Mes mains deviennent moites, je n'arrête pas de les tordre pour tenter de maîtriser mon courroux. J'ai le sang qui bout alors avant de perdre le contrôle, je la questionne avec empressement :

— On le fait quand notre exposé ?

Elle me toise de haut en bas, comme si elle réalisait juste à cet instant que j'étais là, assis à côté d'elle.

— Tu vas quand même pas me saouler avec ton exposé à la con pendant la soirée ?

— Justement, si !

Depuis le temps qu'elle reporte le sujet, je sens que je vais sortir de mes gonds. J'ai chaud et je dois être tout rouge, tellement je suis enragé.

— Justement, non ! coupe-t-elle court à notre pseudo-conversation en se levant.

Je ne compte pas me laisser faire. Je me lève aussi afin de lui barrer le passage et l'empêcher de s'échapper. Je n'ai plus peur d'elle. Je l'ai vu trop vulnérable et je sais qu'elle n'est finalement qu'une petite chose inoffensive. Avec ses talons, elle fait presque ma taille alors je plante mes yeux dans les siens en lui criant dessus, vert de rage :

— Tu vas pas me casser les couilles, j'en ai plus que marre de te courir après pour ce putain d'exposé de merde. Je t'ai pas choisie comme partenaire donc tu vas ramener ton gros cul et on va bosser ce bordel que tu le veuilles ou non. La prochaine fois que je viens chez toi, je te jure que tu vas l'ouvrir ton putain de portail ! Et si tu l'ouvres pas, je le défonce...

Mila m'interrompt, en tirant sur mon avant-bras, ce qui offre à Margaux l'opportunité de m'échapper :

— Non mais Baudry, te mets pas dans cet état pour si peu ! Ça va pas bien ? Tu verras demain pour l'exposé. Je comprends vraiment pas pourquoi tu t'énerves autant !

Mais ce soir, je n'en ai pas fini avec Margaux.

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