Chapitre 7 - 1372

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Lorsque la sonnerie retentit, toute la classe est surprise d'entendre la chanson Bohemian Rapsody de Queen. Le CPE nous l'avait annoncé, nous pourrons désormais voter chaque semaine pour la chanson de notre choix afin de rythmer nos entrées et sorties du lycée.Cette nouvelle me fait oublier que je dois absolument voir Margaux. Hier, elle a encore annulé notre rendez-vous d'exposé, il faut donc que je l'intercepte pour en reprogrammer un nouveau. Elle fait toujours ça par SMS et ne me répond jamais quand c'est moi qui lui écrit. C'est vraiment énervant de rester à attendre que mademoiselle daigne se décider. Elle vient de filer vers la sortie et si je ne me dépêche pas, je ne vais pas pouvoir la rattraper à temps. J'enfile mon blouson et mon sac. En me baissant pour ramasser mon casque, je constate que la douleur de mes côtes perd en intensité.

En sortant de la salle, je fonce vers le portail à la recherche du bonnet rose de Margaux. Mais aucun signe à l'horizon.

— Tu cherches qui ? m'interroge Mila en tirant sur mon blouson.

— Euh, Margaux !

Je recule d'un pas pour mieux voir du côté des bus mais en vain. Margaux s'est volatilisée.

— Tu viens au parc ?

— Non, pas ce soir ! Je dois y aller !

— Attends, Baudry !

Alors que je prends la direction du parking des deux-roues, Mila me suit. Je n'ai pas le temps. Je veux retrouver Margaux et avec un peu de chance, si je me dépêche, j'arriverai chez elle le premier. Je peux prendre des chemins détournés et être rapide avec ma moto.

— Quoi ? marmonné-je en enfilant mon casque.

— Tu peux me ramener chez moi ?

— Non, j'ai qu'un seul casque !

Mila peut être réellement envahissante et j'ai malgré moi tendance à être mal à l'aise en sa présence. Elle parle beaucoup et pose énormément de questions en scrutant chaque parcelle de mon visage. Je sors mes clefs de ma poche pour retirer la chaîne et le cadenas, et délivrer ma moto. Puis j'enlève la béquille en la reculant. Je fais attention à ne pas rouler sur les pieds de Mila qui est toujours collée à moi. Je regarde en direction des bus, ils sont déjà partis et je dois vraiment rattraper Margaux. Elle ne va pas s'en tirer comme ça. Elle m'a évité toute la journée. Il me faut une réponse de sa part.

J'enjambe la selle de ma moto pour m'asseoir. Avant de démarrer, j'attache la lanière de mon casque intégral. Mila pose sa main sur mon avant-bras pour me retenir.

— Tant pis pour le casque, raccompagne-moi, s'il te plaît !

Elle a incliné sa tête sur le côté et elle fait un truc étrange avec sa bouche, une drôle de moue. Son manège m'arrache finalement un sourire tellement il est ridicule. Ça ressemble à un numéro de charme surjoué qui me dérange. Je ne sais pas comment agir quand elle a cette attitude.

— Non ! Pousse-toi, je démarre !

— Tu vas me le payer. Demain soir au judo, je te mets ta raclée !

Sans conviction et obsédé par le seul fait de rattraper Margaux, je lui balance par-dessus mon épaule :

— Si tu veux !

Je fais du judo avec Mila depuis mon enfance. Force est de reconnaître que cette fille se débrouille très bien. Elle fait mordre la poussière à plus d'un gars du club.

J'enfonce la clef dans le contact et la tourne aussitôt. Je désactive le coupe-circuit et maintiens ma poignée d'embrayage de la main gauche. Puis je me lève et libère ma jambe droite pour enfoncer le kick. Le moteur ronfle sous un dernier regard désespéré de Mila que je préfère ignorer.

Je me gare sur le trottoir de l'immense maison de Margaux. Un grand muret en pierres ne me permet d'en distinguer que la toiture en tuiles noires. La bâtisse semble plutôt moderne. J'ai mis moins de quinze minutes pour arriver mais étant donné que j'ai perdu du temps avec Mila, je soupçonne Margaux d'être déjà là. Je décide de sonner à son interphone. En levant la tête, je découvre une caméra pointée sur moi. J'attends quelques secondes sans que personne ne réponde. Je renouvelle ma tentative, en vain.

Je commence à trépigner. Le bus est déjà passé, je n'ai aucun doute. Margaux est donc enfermée chez elle à m'espionner au travers de son visiophone.

— Margaux, je sais que t'es là, dis-moi au moins quand tu veux faire ce foutu exposé !

Toujours pas de réponse. Je retire mon casque, au cas où elle ne m'aurait pas reconnu. J'accroche celui-ci à la poignée de ma moto et je cherche mon téléphone dans ma poche pour lui écrire.

De Baudry à Margaux : Slt, je suis devant chez toi, tu peux me dire quand on se voit pour l'exposé ?

J'appuie sur Envoyer avant de sonner un dernier coup. Je rage de ne recevoir aucune réponse ni à mon texto, ni au portail. Mon téléphone m'indique que cela fait plus de vingt minutes que je suis ici. Margaux n'ouvrira pas, je l'ai bien compris. Je suis dans un état d'énervement incontrôlable. Je donne un grand coup de pied dans le portail en PVC en pestant à haute voix :

— Tu fais chier connasse ! Tu crois quoi, bordel ? Que je suis à ta disposition ? Que tu le veuilles ou non, on va le faire ensemble, cet exposé !

J'essaie d'ouvrir le portail en activant plusieurs fois la poignée verrouillée puis je donne un dernier coup de poing dans la boîte aux lettres, juste à côté de l'interphone. Putain, Margaux ! Je me rends à l'évidence et finis par perdre tout espoir de la revoir aujourd'hui. Je rentre chez moi en mâchouillant l'intérieur de ma lèvre.

La voiture de mon père est déjà garée à sa place dans le garage. Une angoisse monte pendant que je range ma moto à côté. Je me prépare au pire en passant dans la cuisine. J'évite de faire trop de bruit et je préfère me rendre directement dans ma chambre. Je n'ai pas le temps de fermer la porte ni d'enlever mon blouson que j'entends des pas s'approcher. Je regarde autour de moi pour faire un rapide état des lieux de la pièce. Le bocal et l'odeur répugnante ont disparu. Mon bureau est à peu près rangé, mon grand lit fait et aucun vêtement sale ne traîne par terre. Je ferme rapidement mon placard mural, pour éviter de mettre en évidence le bazar. Finalement, ça devrait passer.

— Baudry, m'interpelle calmement mon père.

Il cache ses yeux confus derrière ses lunettes. Il porte une tenue décontractée aujourd'hui et semble penaud face à moi. Je ne lui réponds pas mais je l'interroge du regard, surpris par son attitude.

— Jean-Marie m'a appelé. Il dit que ça fait dix jours que tu n'es pas allé au Judo...

Un goût amer apparaît dans ma bouche. La crainte de la réaction de mon père me paralyse, je ne sais pas comment lui annoncer que je n'ai plus envie de faire de Judo. La panique m'envahit et je préfère me laisser tomber sur mon lit plutôt que de défaillir sur le sol.

— Fais pas cette tête, fiston ! Écoute, pour hier, je suis sincèrement désolé ! J'ai vraiment de très gros problèmes au boulot en ce moment, j'ai pété un plomb. Je ne veux pas que tu m'en veuilles !

Il vient s'asseoir à côté de moi. J'acquiesce silencieusement à tout ce qu'il me dit, espérant vivement qu'il sorte de ma chambre.

— Pour le Judo, c'est pas grave ! T'es largement en âge de choisir un sport, ton frère s'est bien mis à faire du tennis à quinze ans.

Le voyant plutôt compréhensif, je me détends un peu. C'est peut-être même le moment pour moi de lui demander l'autorisation d'aller à la soirée chez Alban.

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