Dixième chapitre : L'heure des choix

5 minutes de lecture

Au cours des années de l'enfance et de l'adolescence de Véra et Mickaël, je mesure aussi combien les choses ont changé, avec la période où j'avais leur âge. Les relations avec leurs parents ne sont pas du tout celles que j'ai pu avoir avec les miens, ni même qu'Ingrid a eues avec nous. Ils se confient aussi beaucoup à nous. Je ne m'en plains pas. Nous sommes là aussi pour les aider, comme nous le pouvons, et pas seulement leur apporter une aide matérielle, financière.

C'est logiquement Véra que nous aidons d'abord. Autant Ingrid avait été secrète concernant ses amours, même si nous avons eu vent de cette malheureuse histoire en France, ce n'est pas du tout le cas pour Véra comme, peu après, pour Mickaël. Ils nous racontent absolument tout !

Mais je vous l'ai dit, Véra est très déterminée, et ses choix, qu'ils soient professionnels ou sentimentaux, se font vite. Jimmy entre dans sa vie quand elle a 16 ans. L'été qui suit, elle nous demande la possibilité de venir avec lui. Nous acceptons bien entendu.

L'année suivante, elle entame ses études pour devenir assistante sociale. Elle nous explique aussi qu'à côtoyer la famille de Jimmy, elle a définitivement trouvé sa voie. Il est issu d'un milieu ouvrier, très populaire. Mais c'est un garçon charmant et généreux, elle a fait le bon choix, très vite. Ils se marient quelques mois avant le décès de Steven, et je sais combien il a été heureux d'assister à ce dernier mariage dans la famille. Il aurait aimé être arrière-grand-père, mais la maladie l'a emporté. La vie en avait décidé autrement...

Mais je reviendrai sur cela plus tard.

Si nous avons aidé Véra, c'était plus pour l'encourager et la conforter dans ses choix, pas vraiment pour les faire. Car quoi que nous en pensions, de toute façon, elle aurait agi selon son cœur et avec détermination. En revanche, et s'ils laissaient de la liberté à leur fille comme à leur fils, Ingrid et Henry se sont demandé si Véra ne s'engageait pas trop tôt avec Jimmy. En cela, nos discussions entre parents et grands-parents n'ont pas été inutiles. Même s'ils savaient bien, eux aussi, que Véra n'en aurait fait qu'à sa tête...

**

Les choses ont été plus compliquées pour Mickaël et, d'une certaine façon, le sont encore. Un peu comme Sam, mais un peu plus tard, il était hésitant. Il voulait faire des études dans la restauration, devenir cuisinier. L'idée ne manquait pas d'originalité, et même s'ils mesuraient sa passion pour la cuisine et les aliments, que leur fils en fasse son métier était un peu compliqué à accepter pour Henry et Ingrid. Non pas qu'ils pensaient que ce métier ne pouvait pas lui convenir, ils craignaient plutôt qu'il ne soit trop difficile pour Mickaël. Il y a une école hôtelière à Edimbourg, il aurait pu y commencer ses études. Mais il s'était renseigné. La France était LE pays de la gastronomie, les études y étaient poussées, les formations sérieuses. C'était cela qu'il voulait faire. Mais cela signifiait aussi, pour lui, partir à 16 ans, quitter le cercle familial. Ce n'était pas une décision facile à prendre, et j'ai beaucoup parlé avec lui avant qu'il ne fasse sa demande d'inscription. Il doutait de pouvoir suivre les cours, alors qu'il est parfaitement bilingue. Je l'ai rassuré. Je lui ai dit aussi qu'il n'allait pas en pays étranger, ce qui aurait été le cas par exemple s'il avait été en Angleterre : il connaissait en effet bien mieux la France que l'Angleterre ! Aussi paradoxal que cela puisse paraître.

Que ce soient Ingrid et Henry, ou nous-mêmes, nous avions effectué quelques voyages avec eux en France. Non l'été, mais durant les "petites vacances", et nous nous étions même retrouvés une année, à Noël, avec toute la famille réunie, celle d'Eric et la nôtre. Mickaël connaissait bien mon frère, sa femme Jeanne, et les cousins et cousines de sa mère, leur famille. Je lui ai dit que même s'il ne se trouvait pas juste à côté de chez eux, il n'en serait pas loin. En cas de grosses difficultés, je savais pouvoir compter sur mes neveux et nièces, ou même sur Eric et Jeanne pour l'aider. Cela a aussi rassuré Ingrid et Henry qui voyaient mal leur fils partir si jeune.

Je me souviens de son appel, le jour où son dossier a été accepté à Dinan... Il était si heureux ! Il allait pouvoir entrer dans une des meilleures écoles hôtelières de France, une des plus prestigieuses. Ce serait dur, mais j'avais confiance : s'il avait des doutes, parfois, il aimait aussi la cuisine, et j'étais persuadée que ce métier lui conviendrait très bien. Mais c'était le saut dans l'inconnu, et même à moi, je savais qu'il me manquerait.

Oh, bien entendu, nous ne les voyions pas toutes les semaines à cette période de leur vie, d'autant que Steven était tombé malade et que les soins nous obligeaient à moins souvent nous déplacer. John avait repris la charge de tout le troupeau, mais nous versait la part de revenus qui était la nôtre. Enfin, savoir notre petit-fils assez loin était une petite source de souci. Heureusement, il nous donnait des nouvelles chaque semaine. Parfois, je crois bien que nous en recevions plus que ses parents ! Il leur téléphonait de temps en temps, mais nous, il nous écrivait chaque semaine, et plus encore, après le décès de Steven.

Ses études plaisaient à Mickaël, il s'était vite senti dans son élément. Il était pensionnaire, s'était facilement et rapidement fait des amis. Cela ne m'étonnait pas, il est d'un naturel facile, se lie aisément. Ses craintes par rapport à la langue française furent bien vite derrière lui, et il se trouva dans ce milieu comme un poisson dans l'eau. D'ailleurs, je vous avais dit qu'il avait toujours aimé le poisson, mais c'est durant ses études qu'il s'est vraiment passionné pour les produits de la mer. Il fourmille d'idées pour les préparer, les assaisonner. Il a eu la chance de faire un stage chez un bon restaurateur qui tient un établissement assez réputé sur la côte. C'est là qu'il a beaucoup appris.

Au cours de ses deux premières années d'études, il est aussi tombé vraiment amoureux. Il m'a même envoyé une photo de sa petite amie ! Ann-Aël. Une jolie petite jeune fille, elle aussi passionnée par les études. Je ne l'ai jamais rencontrée, mais j'avoue que j'étais contente qu'elle soit là, car quand Steven est décédé, Mickaël était encore à Dinan. Il était revenu en catastrophe pour l'enterrement, mais il ne pouvait pas rester longtemps, ni à Fort William, ni à Glasgow, et la présence d'Ann-Aël à ses côtés, à Dinan, était un petit réconfort pour moi.

Leur histoire a duré environ un an, puis ils se sont quittés, en bonne entente. Je ne pense pas qu'il ait encore de ses nouvelles, mais je me souviens qu'il m'en avait parlé une fois, alors qu'il commençait à travailler chez Harris. Elle venait de son côté de trouver une place dans un bon restaurant, à Toulouse. Elle était contente. Depuis, je ne sais pas s'il est encore en contact avec elle.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Pom&pomme ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0