Quatrième chapitre : Les années noires, les années gaies (première partie)

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Dans une vie, il y a de tout. Des jours heureux, des drames, des jours où l'on pleure, d'autres où l'on rit. C'est ainsi. C'est la richesse de la vie. Si nous étions heureux tout le temps, serait-on capable d'apprécier le bonheur ?

C'est ce que je dis des fois aux petits, quand ils vont mal.

A peine nous étions arrivés à Fort William que j'ai compris que j'étais enceinte. J'en étais folle de joie, et Steven aussi. J'espérais un bébé aux yeux comme ceux de son père… Mais ce bébé, il n'est jamais venu. Ou plutôt, j'ai fait une fausse couche. La première. Puis une deuxième. Une troisième...

Nous étions mariés depuis trois ans. Je perdais mes bébés. C'était dur pour nous deux, mais aussi, indirectement, pour le reste de la famille. Finella m'a beaucoup soutenue, réconfortée, encouragée. Mais je commençais à me demander si je n'allais pas faire comme ma mère, perdre plusieurs enfants. Pourtant, cela arrivait souvent aux femmes de nos générations, surtout avec le travail de la terre, de la ferme.

Il y avait un médecin à Fort William, mais, comme dans bien des familles, on n'y faisait pas beaucoup appel. Et il n'y avait pas les moyens d'analyse, de suivi comme aujourd'hui. Aujourd'hui, une jeune femme comme moi, on lui dit de rester allongée, de se reposer. A la rigueur, on lui pose aussi un cerclage. On met toutes les chances de son côté pour qu'elle garde son bébé. Pour moi, comme pour beaucoup, cela était impossible.

C'est finalement au dispensaire, à Glasgow, lorsque nous y sommes allés une fois pour voir James que j'ai eu une vraie première visite médicale. J'étais impressionnée, j'avais un peu peur aussi. Mary m'avait accompagnée, aussi parce que j'avais peur de ne pas tout comprendre… de perdre mes moyens. C'est une femme qui m'a examinée, qui m'a écoutée. Elle m'a dit qu'il fallait que je me repose et que j'évite de retomber enceinte trop vite. Qu'il fallait que mon corps, mon ventre, se reposent.

Cela signifiait aussi un sacré impact sur notre couple, notre vie intime à Steven et moi. Ca a été un moment très difficile à vivre pour moi, parce que j'avais l'impression de me refuser à lui, alors que je l'aimais toujours très fort. Mais nous n'avions pas le choix. C'était dur pour lui aussi, mais il l'a compris. Et il n'est pas allé voir ailleurs. Simplement, nous nous aimions "autrement". Parce que la contraception, moi, je n'ai jamais su ce que c'était…

**

Ces années, la fin des années 40, ont donc été difficiles par certains côtés. Matthew s'est marié, puis ce fut le tour de Mary, c'étaient de grands moments de bonheur. Elle restait vivre à Fort William, mais elle quittait la maison, et avec son départ s'en allait pour moi comme ma sœur. Heureusement, il restait Kathleen. Kathleen ressemble assez à Steven par certains côtés. Elle est vive et intelligente, et la sœur qui fait l'instruction à l'école l'avait encouragée à poursuivre ses études. Il lui a fallu batailler face à son père pour cela, mais elle a eu gain de cause. Steven l'a soutenue, ce qui a provoqué parfois de grandes "engueulades".

La première fois que j'ai entendu le père MacLeod crier, j'ai vraiment eu peur. Puis j'ai compris qu'une fois qu'il avait dit ce qu'il avait à dire, qu'il avait sorti sa colère, il redevenait comme avant. Donan n'était pas du genre à ruminer, à garder sa rancœur, sa colère. Il n'était pas rancunier non plus, et même si ces éclats de voix étaient impressionnants, à aucun moment, ils n'ont menacé l'unité familiale.

Tant mieux, car cela aurait été difficile à vivre pour moi et pour Steven qui étions déjà confrontés à des difficultés par rapport à mes fausses couches.

Comme je le disais, des quatre autres enfants, Matthew fut le premier marié, en 1950. Avant James, qui, lui, s'est marié l'année suivante. Sa femme, Eileen, est venue vivre avec nous. J'ai eu un peu de mal à m'entendre avec elle, elle avait un caractère particulier. Et je pense qu'elle avait développé une sorte de jalousie à mon encontre, parce que Finella était très proche de moi et que je m'entendais bien avec Mary et Kathleen. De plus, j'étais arrivée dans la famille avant elle. Bref, les premiers temps de cohabitation ne furent pas très faciles, mais je mets cela aussi sur le compte de ma propre santé. Eileen est tombée aisément enceinte et elle a mené sa première grossesse à terme. C'était un petit garçon, le premier petit-fils pour Donan et Finella. Matthew était très fier, cela se comprend. Pour Steven et moi, c'était un nouveau coup dur, même si nous nous réjouissions aussi pour son frère. Le petit John était un garçon facile, placide. Je ne me suis pas beaucoup occupée de lui, quand il était petit, car Eileen avait tendance à ne pas me faire confiance. J'ai encaissé.

Avec ces trois mariages, presque coup sur coup, j'ai découvert aussi vraiment ce que pouvait être une grande fête dans les Highlands. Il y avait beaucoup, vraiment beaucoup d'invités. Une noce, en France, c'est quelque chose. Mais là… Il y a eu profusion de mouton grillé, de bière, de whisky. Les plats défilaient les uns après les autres. Et la musique… Je n'avais jamais entendu de la musique comme celle-là. Je peux vous assurer qu'elle prend aux tripes. Et quand les cornemuses se répondent et que leur écho se perd sur la montagne… c'est difficile de décrire la sensation qui vous emporte alors.

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