Non ! N'interrompez pas les festivités ! Allons, la fête ne fait que commencer ! Et, regardez, il y a encore beaucoup de thé rouge sang, et c'est à peine si vous avez entamé votre part de gâteau blanc, si blanc que l'on voit bien le thé qui a coulé dessus : le thé de même couleur que la génoise...

Ne partez pas ainsi ! Voyons-ne nous amusions-nous pas ? Ah, ne me laissez pas seule, ici, entre mes murs rayés de noir et de blanc, dans mes vêtements rayés de blanc et de rouge... Là ! Là ! Si vous préférez l'un à l'autre, si vous préférez le noir et blanc ou rouge et blanc, voyez donc : les sangsues bien grasses qui viennent de surgir de la génoise et qui jaillissent sur le plat...! Non, mais, si cela non plus ne vous convient pas... Ah ! Ah ! Ah... Que faire ? Excusez-moi un instant T, excusez-moi un instant un; je ne sais... Je ne sais pas, je dois réfléchir avant d'en revenir à ce qui doit être mon état anxieux, anxiogéno-limite... Limite ! Ne fuyez pas, ne vous cachez pas ! Organisons une autre fête ! L'air s'épaissit comme le thé au fond de nos tasses... Qui sait, et si notre tea-time pouvait vous être profitable...?

Il y eu un temps où jamais vous ne manquiez le tea-time...

Il y eu un temps où mes invitations étaient toujours acceptées avec plaisir. Mais maintenant, je vois bien que vous vous forcez, que vous n'appréciez plus nos tea-times comme avant...

Tout n'a pas toujours été comme ça; tout n'a pas toujours été comme ça...

Il y eu un temps où jamais vous ne manquiez le tea-time !!

Comme je m'en souviens, de mille manières contraires...

Mais entrez, entrez donc ! Dressés et vêtus pour le thé comme vous l'êtes... (Amusant ! ) La nuit vous accueille comme le chandelier à dents dans la belle salle où nous danserons ! Nous allons boire et manger, du thé et du gâteau, puis nous danserons avec tous les autres invités. Entrez, entrez donc ! Nous n'attendions plus que vous ! Ah, attention ! Oui ! Là, là : c'est mon chat noir à chapeau feutré, il pourrait bien vous griffer si vous lui marchez sur la queue. Par ici, par ici ! Ici les murs en feu,ici les chandelles. Oui, celles du chandelier...

Venez par ici, nous sommes presque à table. Et sans vous, et vous, et vous, et nous, tout ne serait pas pareil, nous ne serions pas ainsi tous ensemble rassemblés... Sans limite,en ces rassemblements seuls auxquels nous nous invitons, la réalité ne peut désormais plus nous toucher...! Et nous allons danser, jouer; ah... Danser, jouer, boire et manger, jouer, danser... Sortez donc de votre cachette ! Sortez, venez ! Qui que vous soyez, mes invités limites, où que vous soyez, mes invités limites mite mite...! Vous êtes tant et si bien de ceux qui ne refusent de prendre part à un tea-time... Tiens ! Une tentacule dans votre thé... Non, non... N'en soyez pas choqués, n'êtes-vous pas habitués ? Pardonnez, si je vous dérange... Oui, avec mes hautes attentes ! Peuh ! Ah ! Ha ! Mais, mais enfin, n'allez pas croire que je pourrais perdre ma patience, hé... Vrai ! Ce serait mal me connaître; mais ! Trève, trève ! Allons, nous sommes ici réunis pour notre charmant tea-time et notre gentil bal ! Alors ! Sachons apprécier ce que nous avons, sans quoi nous aurions certainement tous matière à devenir fous ! Hahaha ! Essayons si nous le pouvons, si nous le devons !

Je verse le thé rouge sang dans vos tasses...blanches... Et je sers le gâteau rouge et blanc dans vos assiettes...blanches... Mais attaquez, attaquez donc, je vous en prie ! Fichtre aux sangsues et aux tentacules, parfois je sais vos goûts las et complexes à raviver et émerveiller... Vous êtes chantants : chantants comme des rivières de thé. Savez-vous pas que nos murmures et nos rivières sont tout en thé ! Et en sang ! Mon Dieu ! Concentrons-nous... Des fois, je me surprends à songer que jamais plus nous ne partagerons le tea-time, ni ne danserons tous ensembles... En cette cité illimitée sans mites limites, où setient notre joli bal sous le chandelier, au son des miaulements du chat qui fait "Schhhhrrrr !" Sous le chandelier, dans la chaleur des murs fondus de feu ! Fondus, oui ? Telles les sangsues en la crème blanche et la génoise rouge, et telles les tentacules fondues à la chaleur du thé rouge dans la tasse blanche. Buvons, mangeons, apaisons-nous. Il n'y a nul mal à cela. Apaisons-nous : jusqu'à aller mieux, jusqu'à ce que nous puissions danser. Le thénous donnera la force, je le crois, je l'espère... J'en ai bu autant que vous ! A quel point nous en avions besoin, ah...!

Avec vous seulement, mon tea-time saura être mon tea-time, mon bal dansant au chandelier chutant-chantant saura être mon bal : celui du chat noir au chapeau feutré qui fait "Schhhrrrr !" , et des sangsues et des tentacules qui s'installe brutalement dans nos mets et nos têtes pour y établir leur mission... Dans nos têtes ! Oui ! Ha ! Dans nos têtes ! Dans nos têtes ! Non ! Non ! NON ! Si cela est ainsi, pas de bal, nous aurons chuté avant...!

N'osez pas... Dansez ! Venez, venez donc ! Je suis aux limites de l'anxiété à l'idée que vous quittiez le bal avant même qu'il n'ai commencé; et que vous me laissâtes ainsi face à ma silhouette toute trouée et fissurée, trouée comme la génoise rouge et la crème blanche par les sangsues noires, fissurée comme la tasse blanche qui accueille le thé rouge aux tentacules vermeilles...

Ce doit être de l'amour, tout cela, mais nous ne nous aimons pas ! Ce doit être de l'amour, mais je ne peux pas m'empêcher de ne pas vous aimer de vous aimer ! Moi, je le vois bien dans vos yeux, même si vous le niez... Cela fait-il partit de nos limites...? Dites-le d'abord.

Vous ne parlez pas, et moi non plus... C'est un mensonge aussi, que de dire que ce n'est pas si grave, toutes ces limites floutées comme un morceau de gâteau plongé dans le thé... C'est un mensonge.

Je me sens toute en limites de haut en bas, toute en mensonges.

Nous n'avons pas dansé. Le tea-time est raté...

Je me sens trop loin, entre trop de limites rayées de noir, et de blanc, et de rouge...

A nouveau.

FIN

Orléans, le 27/12/2020