Blâmez Sir Lancelot ! (Une tragicomédie en un acte, peut-être juste une scène)

15 minutes de lecture

PERSONNAGES

 ROI ARTHUR, roi de Camelot et chef des chevaliers de la Table Ronde : Juge

FÉE MORGANE, demi-soeur magicienne du roi Arthur : Procureur

FÉE VIVIANE, mère adoptive de Lancelot : Avocate

SIR LANCELOT DU LAC, chevalier de la Table Ronde : Accusé

AGRAVAIN, GARETH, GAUVAIN, chevaliers de la Table Ronde : Témoins

La scène se passe probablement à Camelot, si compté qu'il y ait un tribunal à Camelot; mais je ne saurais l'affirmer étant donné que des aspects de Camelot je ne connais que ce que j'ai vu dans quelques films et lu dans quelques livres; et ne commençons pas à parler de la série française qu'apparemment tout le monde à regardé et qu'évidemment je n'ai pas regardé, car probablement avais-je autant de raisons de ne pas la visionner que vous en aviez de la visionner, et quoi qu'il en soit, cette didascalie me paraît quelque peu allongée pour simplement décrire le fait qu'il est probable que cette scène se passe à Camelot, car honnêtement je ne vois pas où elle pourrait se passer ailleurs, peut-être à Shalott mais je ne voudrais pas spoiler, et de toute manière encore faudrait-il savoir où la scène prit place si c'est bien à Camelot, j'imagine dans une grande salle froide réchauffée au moyen d'un grand feu de bois brûlant dans une gigantesque âtre de pierre, mais ce serait être exhaustif puisque je ne peux l'affirmer; et donc, au bout de tout cela, la scène se passe à Camelot.

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Levée de rideau


ARTHUR : "Dieu dans sa miséricorde lui a accordé sa grâce, à la Dame de Shalott." Tels sont bien les derniers mots que vous prononçâtes?

LANCELOT, à qui le juge s'adressait : Oui, bien que je ne vois pas en quoi il est important de faire mention des dernières paroles que je prononça, juste avant que ces hystériques (il pointe un bras accusateur vers Agravain, Gareth et Gauvain) ne crient au meurtre!

AGRAVAIN : Justement parceque c'en était un!

LANCELOT : Mais non!

GAUVAIN : Mais si!

LANCELOT : Mais...

GARETH : Et vous aggravez votre cas en niant des évidences!

LANCELOT : Oh, votre évidence, si vous saviez ce que j'en...

MORGANE : Un peu de silence dans ce tribunal!

ARTHUR : Morgie, il ne faut pas crier si fort...

MORGANE, d'une forte voix : Il faut pourtant bien que quelqu'un se fasse entendre ici!

LANCELOT : Justement, j'aimerai que l'on m'écoute.

MORGANE : Ah, vous, on vous a assez entendu!

LANCELOT : Mais j'ai à peine...

MORGANE, le coupant : Tut!

VIVIANE, aussitôt : Madame, montrez un peu de respect à mon client!

MORGANE : Hin! Du respect, oui : c'est d'ailleurs une valeur qu'on ne lui a apparemment guère enseignée.

VIVIANE : Ah, vous y allez sur ce ton?

ARTHUR : Mesdames, allons pas de crêpage de chignon si tôt...

LANCELOT : Oui, attendez au moins l'entracte! Vous réglerez vos différents par un petit duel de magie, comme madame Morgane l'avait fait autrefois avec Merlin.

ARTHUR : J'en ai d'ailleurs quelques souvenirs : si ma mémoire et bonne, cela s'est terminé par l'échec cataclysmiquement, oserais-je même dire apocalyptiquement cuisant de...

MORGANE : Je vous défends de terminer cette phrase!

LANCELOT, bas : Voilà qui en dit long...!

VIVIANE : Fiston, ne t'en mêle pas!

ARTHUR, outré : Oh, non mais! Oh! Ca suffit, hein! Je suis le juge, tout de même! Je suis le roi, tout de même!

MORGANE : L'autorité du roi se meurt.

LANCELOT : Le roi se meurt?

ARTHUR : Morgie, ça suffit! C'est assez! Si tu veux un duel, crois bien que tu va l'avoir, foi d'Arthur Pendragon!

MORGANE : Mais viens donc, je t'attends! On invitera Mordred, tant qu'on y est!

VIVIANE, de vive voix : Ah, non! Là, c'est trop! (A Morgane) Vous, cessez d'importuner le roi, ce n'est pas de sa faute si ses talents à l'épée et ses aptitudes physiques ne sont plus ce qu'elles étaient dans le temps! Mais évidemment que vous ne pouvez pas savoir ce que cela fait de vieillir, puisque le temps n'a pas d'emprise sur vous : vous êtes une fée! Mais ce pauvre Arthur, pensez donc! Il n'a plus vingt ans, il faut le ménager! (A Arthur) Et toi, arrête de répondre à ses provocations, ou je te reprends Excalibur!

ARTHUR : Ah, tout mais pas ça!

VIVIANE : Bon!

AGRAVAIN : Peut-être le procès pourrait-il reprendre.

GARETH : Là où il s'est arrêté.

GAUVAIN : C'est à dire nul part.

GARETH : Nul part dans le sens ou nous ne sommes pas allés plus loin qu'à l'énonciation des faits.

ARTHUR : Nous sommes allés si loin?!

VIVIANE : C'est surprenant!

MORGANE : C'est un progrès!

ARTHUR : Bon! Reprenons!

AGRAVAIN : A partir d'où?

ARTHUR : Hé bien, de là où nous sous sommes arrêtés!

GAUVAIN : C'est à dire nul part...

ARTHUR : Hé bien dans ce cas, reprenons du début!

LANCELOT : Encore?!

VIVIANE, bas à Lancelot : Cesse de te plaindre!

MORGANE, s'éclaircissant la voix, bien fort : Hrm! Hrm! Bien! Messire Lancelot du Lac! Puisque la première énonciation des faits n'a apparemment pas été entendue par grand monde, nous la réitérons : vous êtes donc accusé du meurtre d'Elaine d'Astolat, alias la Dame de Shalott, dont le corps a été soit-disant retrouvé par vous-même, gisant dans une barque, à ce qu'il paraît givré bien que l'on soit en plein mois de mai! Qu'avez-vous à dire pour votre défense?

ARTHUR : Mais c'était à moi de dire ça...

VIVIANE, à Arthur : Mais vous n'avez pas bientôt fini de geindre, vous?

LANCELOT, à Viviane et Arthur : Excusez-moi, mais j'essaie de me défendre!

MORGANE : Si vous n'avez rien à dire, nous en aurons vite fini.

LANCELOT : J'ai beaucoup à dire, si seulement on me laissait parler!

VIVIANE, à Lancelot : Fils, arrête de crier ainsi, tu te donnes en spectacle! 

LANCELOT : Mais m'man...

VIVIANE, d'une voix étouffée : Tais-toi et laisse-moi parler! (Plus clairement) Bon! La défense proteste contre ce témoignage!

LANCELOT : Il était temps...

AGRAVAIN : Le temps se fait long...

ARTHUR : C'est un début. Et contre quoi protestez-vous, fée Viviane?

VIVIANE : Je proteste, précisément, car il n'est nulle preuve tangible que mon petit Lancelot ait bel et bien tué Elaine d'Astolat! 

ARTHUR : Elaine d'Astolat était vivante?!

MORGANE : Elle n'avait pas dépérit dans sa tour, celle-là?

ARTHUR : C'est ce que je pensais aussi...

AGRAVAIN : Mais pourquoi diantre cette pauvre demoiselle se retrouva-t-elle prisonnière d'une tour?

Grand silence.

VIVIANE : Hrm! Quoi qu'il en soit, là n'est pas la question. 

MORGANE : Attendez, vous ne pouvez tout de même pas omettre ce détail crucial!

VIVIANE, les dents serrées : Mais puisque les événements relatifs à ce procès ne concernent que les moments survenus après qu'elle quitta sa tour...

MORGANE : Justement : pourquoi a-t-elle quitté sa tour?

GARETH : Et pourquoi l'y a-t-on enfermée?

MORGANE, tournant la tête vers Arthur : Oh, ça, c'est une longue histoire...

Arthur tousse.

GARETH : Sans doute que la pauvre dame y était bien malheureuse et esseulée.

AGRAVAIN : Vrai, car souvent à passer aux abords de Shalott, l'on entendait chanter...

GAUVAIN, rêveusement : La voix d'une Muse, la voix d'une fée...

LANCELOT, intempestif : C'était donc ça, cette sérénade qui me cassait les oreilles chaques fois que je passais par Shalott! 

VIVIANE, en donnant une petite tape à Lancelot : Non mais reste poli! 

LANCELOT : Mais m'man, c'est la vérité! 'Tirra Lirra' j'essayais de chanter, mais toujours, toujours fallait-il que l'autre donzelle dans sa tour là bas ne se mette à chantonner sa complainte! Je ne m'entendais même plus!

MORGANE : Ah ah! Vous témoignez donc que mademoiselle d'Astolat vous empêchait de chanter!

GARETH : Sa voix devait lui faire de l'ombre... 

GAUVAIN : Il devait y en avoir de quoi être malade. 

AGRAVAIN : Impossible, il chante si fort et si mal qu'il n'y a qu'en plein jour qu'il peut s'exercer, sans quoi tout Shalott et tout Camelot lui tomberaient dessus si l'idée lui prenait de faire ses vocalises à la nuit tombée!

VIVIANE : Oui, il a une voix...éblouissante...

MORGANE : Peut-être est-ce les chants incessants de Messire Lancelot qui conduisirent la pauvre victime à son trépas! 

LANCELOT : Quoi?! Non mais vous exagérez! Elle ne pouvait quand même pas être dépressive au point de se suicider à cause d'une voix!

ARTHUR : Elaine était dépressive?

VIVIANE : Hé bien voilà ce qui arrive quand on enferme des jouvencelles dans des tours!

MORGANE : C'est vrai que c'est une manie, dans la région... Je n'ai jamais vraiment compris pourquoi Arthur était si attaché à cet idée. 

Arthur tousse.

MORGANE : Les tours, c'est une affaire peu rentable. On y perds toujours un nombre hallucinant de chevaliers dès qu'on leur annonce qu'une jolie pucelle est enfermée dedans.

LANCELOT : C'est justement pour la jolie pucelle que tant de chevaliers se risquent à l'assaut de la tour! 

MORGANE : Certes, et nous voyons bien où cela mène! Il suffirait de mettre une vieille dame à la place d'une blondine ou d'une brunette encore dans la vingtaine, et croyez bien que l'on aurait moins de tocqués qui se lanceraient à l'assaut des tours plutôt que des monstres qui nous envahissent sans cesse!

VIVIANE : Et ne parlons pas des donjons!

MORGANE : Ah, les donjons, c'est une autre histoire...

LANCELOT : C'est davantage de dragons affamés et de monstres pustuleux qu'on y trouve plutôt que de tendres demoiselles. 

VIVIANE : Pauvres petites tout de même... Elles ne demandent rien, et paf! Voilà que du jour au landemain, on les enferme tout au fond d'un donjon, ou tout en haut d'une tour... Et l'on s'étonne qu'elles soient dépressives!

AGRAVAIN, à Arthur : D'ailleurs mon Roi, pourquoi Elaine d'Astolat état-elle enfermée à Shalott? Sans doute y avait-il une très bonne raison à ce qu'elle connaisse un sort si cruel.

Arthur tousse.

MORGANE : Ca t'arrange bien, les trous de mémoires, hein Arthur? Il faut dire qu'à ton grand âge, c'est un danger qui rôde.

ARTHUR : Ah, Morgie, ne me lance pas sur ce débat, nous en avons déjà discuté vingt fois!

MORGANE : Cent fois, Arthur. Je te dis que la mémoire s'affaise avec le temps...

ARTHUR : Cent! Bon! Oui, cent, disons deux-cent, vingt, deux-cent vingt fois, ce n'est pas important! Nous disions donc que mademoiselle d'Astolat, enfermée dans une tour à Shalott pour une raison qui m'échappe au vu de l'Alzheimer qui me guette, empêchait l'accusé Lancelot du Lac ici présent de chanter!

GARETH : Voilà pourquoi il l'a tuée... Le fourbe!

MORGANE : Messire, pas d'accusation sans fondement! Disons plutôt : pourquoi avez-vous tué mademoiselle d'Astolat, Messire Lancelot?

VIVIANE : Mais non, enfin! Il ne l'a pas tuée! C'est ridicule!

LANCELOT : J'approuve!

MORGANE : Hé bien je vous en prie, présentez-nous donc des preuves à ce que vous avancez! En ce qui me concerne, j'en ai une particulièrement valable : le cadavre de Lady d'Astolat elle-même!

ARTHUR : Ah, voilà en effet une preuve significative!

AGRAVAIN, à Morgane : Doit-on faire venir la preuve, madame Morgane?

GARETH : Dans la cave à vin, elle doit être toujours bien conservée depuis hier. 

VIVIANE : Mais vous n'allez tout de même pas faire venir un cadavre ici!

GAUVAIN : Madame Viviane dit juste : avec la chaleur ambiante, il pourrirait plus vite qu'il ne fallut de temps au souffle glacé des eaux de Shalott pour geler son corps et son âme à jamais...

LANCELOT : Et puis, ça empesterait le vin.

VIVIANE : Fils, tes commentaires, on s'en passera bien!

ARTHUR : Voilà qui est judicieusement parlé!

LANCELOT : Ha bin merci...

ARTHUR : Donc, Messire du Lac : pouvez-vous prouvez devant ce tribunal que la mort d'Elaine d'Astolat, aussi connue sous le nom de la Dame de Shalott, n'est aucunement de votre oeuvre?

AGRAVAIN : Il ne peut rien prouver, puisque nous l'avons vu!

GARETH : Je dirais même plus : nous avons tout vu.

GAUVAIN : Tout entendu.

ARTHUR : Et donc : qu'avez-vous su, qu'avez-vous entendu?

AGRAVAIN : J'ai la foule.

GARETH : J'ai vu Lancelot.

GAUVAIN : J'ai entendu la foule et Lancelot, mais je n'ai rien vu car je me soulageais contre un arbre.

ARTHUR : Intéressant! Vous n'avez donc vu rien d'autre que l'arbre?

GAUVAIN : C'était un très bel arbre.

VIVIANE : Normal, ils sont en fleur à cette saison.

MORGANE : Il est donc bien curieux que le corps de Mademoiselle d'Astolat ait été retrouvé gelé!

AGRAVAIN : Oh, vous savez, il fait plutôt frais par Shalott...

GARETH : Le temps est capricieux, par Shalott.

GAUVAIN : Parchalote?

GARETH : Lotte?

AGRAVAIN : Echalotte!

Arthur tousse.

ARTHUR : Si la météo à Shalott  est si volage que le suggère nos témoins, alors peut-être le corps de la victime congela-t-il avant même qu'il ne dérive jusqu'à Camelot.

MORGANE, à Arthur : Je te rapelle qu'on l'a retrouvée dans une barque.

ARTHUR : Hé bien, quelqu'un l'aurait mis dans la barque alors qu'elle serait déjà décédée!

VIVIANE : Mais qui?

Tous les regards se tournent vers Lancelot.

LANCELOT : C'est toujours un plaisir de se savoir jugé avec partialité...

MORGANE : Il nous offre une réflection ambigue, voilà qui est suspect!

GARETH : Tout ce qui est à double sens est suspect.

VIVIANE, à Lancelot, dépitée : Fiston, qu'est-ce qu'on avait dit sur ta manie de laisser des doubles sens dans toutes tes phrases?!

MORGANE : Au lieu de blâmer le fils, blâmez celle dont il a appris cette mauvaise habitude.

VIVIANE : Ah, vous, ne vous mêlez pas de ça! C'est entre une mère et son fils! Mais pour que vous puissiez comprendre cela, encore eût-il fallu que ça marche entre vous et Urien!

MORGANE : AH, VOUS VOULEZ EMPRUNTER CE CHEMIN LA?!

ARTHUR : Bon, mesdames...

LANCELOT, à Viviane : Maman, on ne provoque pas.

ARTHUR, à Morgane : Morgie, on ne s'énerve pas.

VIVIANE : Humpf!

MORGANE : Humpf!

ARTHUR : Nous étions donc sur les dires suspects de Messire Lancelot.

LANCELOT : Suspects, suspects, c'est vite dit! Et si vos réflexions étaient de meilleure qualité, peut-être que les miennes le seraient tout autant!

ARTHUR : Toutes les réflexions de tout le monde sont bonnes à prendre, dans la mesure ou elles pourraient faire avancer ce procès qui traîne en longueur! (A Lancelot) Aussi, messire Lancelot du Lac : reconnaissez-vous avoir embarqué le corps inerte d'Elaine d'Astolat sur une barque depuis Shalott pour l'avoir ensuite fait dériver jusqu'à Camelot?

VIVIANE : Objection! Pour que Lancelot ait pu s'emparer de la demoiselle, il fallut d'abord qu'il se rende jusqu'à la tour. Donc, qu'il l'escalade. Nous savons tous qu'il a pourtant de terribles vertiges... Et puis franchement, regardez-le : avec sa bouille d'angelot, le croyez-vous sincèrement capable de faire quoi que ce soit à une pauvre jouvencelle en détresse?

MORGANE : Objection! La bouille de l'accusé n'a rien à voir dans cette affaire! Quand à la pauvre jouvencelle en question, mieux vaut ne pas savoir ce qu'il lui fit si il parvint à escalader la tour en dépit de son soi-disant vertige...

ARTHUR : Pour sûr, Elaine était d'une beauté...vertigineuse.

LANCELOT : Non mais je ne vous permet pas! Et puis d'abord...

VIVIANE, le coupant : Fils, laisse parler les grandes personnes! 

LANCELOT, bas : Alors ça, c'est trop fort!

VIVIANE : Et quand bien même : imaginons que mon petit Lan... Que l'accusé ai bel et bien ôté la vie d'une quelconque manière à la victime, pourquoi se serait-il embêté à charger son corps sur une barque, barque sur laquelle il nota de plus précocioneusement le nom de 'Dame de Shalott' avant de la faire dériver vers Camelot, plutôt que de simplement laisser le corps là où il était? De toute manière, la victime n'avait aucun visiteur, alors ça n'aurait dérangé personne!

ARTHUR : Ah, la défense n'a pas tort.

MORGANE : La défense se fourvoie, car la présence des témoins ici présent (elle désigne Agravain, Gareth et Gauvain) témoigne de l'implication de l'accusé dans le meurtre de la victime.

AGRAVAIN, GARETH, et GAUVAIN, de concert : Ah bon?

MORGANE : Mais oui!

LANCELOT : Objection! Les témoins savent à peine de quoi ils doivent témoigner!

ARTHUR : Objection refusée! L'accusé n'est pas amené à objecter!

VIVIANE : Objection! Il a intérêt d'avoir le droit, ou cela va mal finir pour vous, mon petit roi!

MORGANE : Objection! On ne s'adresse pas ainsi au roi!

ARTHUR : Obj... Heu, non! Hum! La parole est aux témoins! Messires Agravain, Gareth, et Gauvain, chevaliers de la Table Ronde de votre état, vous êtes invités à témoigner : qu'avez-vous vu qui pourrait justifier l'implication de l'accusé dans l'affaire de la mystérieuse mort d'Elaine d'Astolat?

GARETH : De ce que nous avons vu...

GAUVAIN : Et entendu...

AGRAVAIN : Sir Lancelot était sur les lieux au moment même ou la barque portant le corps de la victime dériva jusqu'à Camelot. 

ARTHUR : Coïncidence?

AGRAVAIN : Je ne pense pas!

GAUVAIN : Et c'est sans mentionner les étranges paroles qu'il prononça à la vue du cadavre de la demoiselle : "Dieu dans sa miséricorde lui a accordé sa grâce, à la Dame de Shalott."

GARETH : Et précisons : il dit juste avant : "Elle a un joli visage."

LANCELOT : Si on ne peut même plus s'exprimer!

ARTHUR : Silence, accusé! Ainsi, vous qualifiez le visage de la victime en ce terme de 'joli'?

VIVIANE : Sire! Votre Honneur! Il ne sait pas ce qu'il dit!

MORGANE : Mais si, laissez-le donc parler pour une fois!

VIVIANE : Oh, miséricorde...

ARTHUR : Un peu de silence dans l'assemblée! Accusé, répondez à ma question!

LANCELOT : Hé bien, j'ai vu et j'ai constaté ce qui m'aparaissait comme une évidence.

ARTHUR : La beauté de mademoiselle d'Astolat vous apparu donc comme une évidence?

LANCELOT : Nul homme ne pourrait dire le contraire, mon Roi.

ARTHUR : C'est un argument recevable.

AGRAVAIN : Aussi recevable qu'il est bien étrange que Sir Lancelot fût présent à l'exact moment ou le corps de la victime arriva à Camelot.

MORGANE : Et nous savons tous que les meurtriers sont toujours aux premières loges pour admirer leur crime!

GARETH : D'autant qu'il y avait foule, ce jour là.

GAUVAIN : L'accusé se serait caché dans la foule!

AGRAVAIN : Il ne s'est pas caché puisqu'il s'en est démarqué.

MORGANE : Précisément! Il s'en est démarqué pour mieux admirer l'étendue de son crime!

LANCELOT : Mais je voulais juste soliloquer dans mon coin sur ce tragique événement!

ARTHUR : Soliloquer ou ne pas soliloquer, telle n'est pas la question! Ainsi, Messire Lancelot, vous vous décalâtes de la foule pressée autour du corps sans vie d'Elaine d'Astolat pour mieux savourer la fait de voir votre crime réussi, est-ce cela?

VIVIANE : Mais puisqu'il n'a tué personne!

MORGANE : Écoutez ma grande, je sais que ce n'est jamais facile de voir comment peuvent évoluer nos progénitures, mais il vous faut être réaliste et regarder la vérité en face! Reprenez-vous!

ARTHUR : Il est vrai que les preuves sont accablantes.

VIVIANE : Oh, mon pauvre fils! J'ai donc élevé un tueur de pucelles!

LANCELOT : Quoi?! Maman, comment peux-tu me croire capable d'une telle chose?!

VIVIANE : Qu'est-ce qui a mal tourné chez toi? Toute ma vie, j'ai sué sang et eau pour t'offrir la meilleure éducation possible, et voilà le résultat?

LANCELOT : C'est une affreuse méprise!

VIVIANE : Ah, elle a été bien aveugle, la pauvre Dame du Lac... J'aurais pu te laisser dans la forêt alors que tu n'étais encore qu'un bambin en couche-culotte, mais non! Il a fallu que l'ingénue Viviane te prenne sous son aile, t'enseigne la morale et la vertu; tout cela pour qu'en grandissant tu n'ailles tuer des jouvencelles dans des tours! Mais qu'ais-je fait pour que tu tournes ainsi?!

MORGANE, à Viviane : Là, là, allons, reprenez-vous. C'est le problème avec les humains : ils ne vivent guère longtemps, alors ils essayent toutes sortes de choses fantasques et étranges pour remplir au maximum leur petite existence.

VIVIANE, en pleurs : Oh! Mon tout petit Lancelot chéri! 

ARTHUR : Courage madame Viviane, vous avez fait de votre mieux! Les actes honteux de votre fils ne sont pas de votre faute. Les bêtises de ce genre, après tout, c'est de son âge...

MORGANE, à Arthur : Ca, tu en sais quelque chose...

Arthur tousse.

LANCELOT : Mais enfin, personne ici ne comprends que tout cela n'est qu'une interprétation loufoque et faussée?!

AGRAVAIN : Ce qu'il y a de loufoque et de faussé, c'est qu'un chevalier de la table Ronde se déshonore en se portant garant d'un crime si horrible!

ARTHUR : Le témoin a raison! Le crime de Messire Lancelot est une disgrâce pour toute la chevalerie.

LANCELOT : Je proteste!

VIVIANE : Fils, tu t'enfonces...

MORGANE, à Lancelot : Oui, écoutez donc votre pauvre mère pour une fois! Vous ne voyez pas que vous lui faîtes de la peine? Mufle que vous êtes!

ARTHUR : L'accusation a raison! La défense a raison! Tout le monde a raison!

LANCELOT : Et moi?!

ARTHUR : Sauf vous!

LANCELOT : Merde alors!

MORGANE : AH! Et il continue avec ses grossièretés!

VIVIANE, pleurant : Bouhouhou...

ARTHUR : C'en est assez! Moi Arthur Pendragon, roi de Camelot et juge de cette affaire, je ne tolèrerai pas que l'on mette notre avocate dans un tel état! Les preuves contre l'accusé étant de plus particulièrement accablantes sans aucun témoignages qui ammènerait à une réévaluation sur son jugement; je déclare ici même le dénommé Lancelot du Lac coupable du meurtre d'Elaine d'Astolat, la Dame de Shalott! 

AGRAVAIN, GARETH et GAUVAIN : Hourra!

LANCELOT : N'ais-je pas mon mot à dire?!

Non, car des gardes l'emmènent.

MORGANE, consolant toujours Viviane : Allez, ne faîtes pas cette tête. Si vous voullez, je m'arrangerai pour qu'il soit dans un cachot avec vue sur le lac. 

VIVIANE : Ah, ce serait bien aimable de votre part... Mais avec l'humidité, le pauvre petit va attraper un de ces rhumes...

ARTHUR : Croyez-moi madame Viviane, le rhume sera le dernier de ses soucis lorsque le remord le rongera d'avoir commis un tel crime. Aujourd'hui est un grand jour pour la justice : nous avons blâmé la faute sur celui qui était le mieux à même de la porter, car c'est ainsi que procède la masses en défaveur des minorités.

Tombée de rideau.



FIN

A Orléans, le 28/03/2020

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