Et Olive préfère mourir

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En conséquence de quoi, Olive préfère mourir.

Olive songeait en effet, du haut de ses quatorze peu glorieuses années d'existence, que la vie n'avait plus grand chose à lui offrir; notez qu'elle n'attendait cependant rien d'elle. En quatorze ans et cinq mois, Olive jugeait en effet avoir vu tout ce qu'elle avait à voir au cours de cette curieuse période nommée 'la Vie', celle avec un grand V, et que certains rêvent de poursuivre le plus longtemps possible, d'autre d'achever au plus vite. Olive se situait dans la seconde catégorie. Elle n'était pas plus que ça attirée par la mort, on ne pouvait pas parler là d'une morbide fascination mortifère, ou de quoi que ce soit d'autre du même genre. Non. Elle trouvait juste la mort légèrement plus attrayante que la vie. Cela se jouait de peu, certes, mais dans sa tête, l'image de la grande Faucheuse squelettique l'emportait toujours sur celle du petit angelot potelé. Ses quatorze années de Vie n'avaient été ni des plus réjouissantes, ni des plus désolantes. Ç’avait été pour Olive quatorze années très banales que les siennes, voilà pourquoi elle en avait déjà vu l'essentiel. L'essentiel qu'on acquiers jusqu'à ses quatorze ans. Passé cet âge, Olive savait ce qui l'attendait, à savoir quatorze autres années à la fois plus permissives et contraignantes en de nombreux points que celles Vécues jusque là. Olive n'était pas intéressée.

En conséquence de quoi, Olive préfère mourir.

Olive avait un physique oubliable, le physique de la quatorzaine. Olive possédait une personnalité normale, la personnalité adolescente typique, en somme. Elle suivait de loin et avec un intérêt ni repoussé ni modéré les tendances vestimentaires et culturelles du moment, elle faisait ce que tout le monde faisait, car elle n'avait pas vraiment envie de se détacher de son satisfaisant petit cocon de banalité. Si elle se serait détachée de ce même cocon, peut-être certaines choses auraient-elles changé pour Olive, qui sait ? Elle aurait retiré son étiquette 'banalité' (quand il s'agissait de désigner quoi ou qui que ce soit, il était coutume de s'en remettre aux étiquettes, et aussi de les dénoncer sans qu'on ne sache au fond vraiment pourquoi. C’était une tendance banalisée.), pour l'échanger avec une étiquette 'étrangeté', ou quelque chose du même style. Cela n'intéressait pas Olive, elle était de toute façon allergique à la colle pour étiquette. Olive, elle préférait s'éloigner au plus vite de cette Vie bien vide, car franchement, il n'y avait pas grand chose à y faire à part discuter Étiquettes.

En conséquence de quoi, Olive préfère mourir.

Son père lui avait un jour dit qu'elle était trop jeune pour avoir ce genre de pensées, qu'elle devait mieux pour cela attendre quelques années supplémentaires, au moins quatorze autres. Après quoi, il avait regardé la télé en mangeant des chips.

LA BARBE !

Sa mère s'en inquiéta, c'était dans sa nature. Elle avait demandé à sa fille chérie si elle se sentait bien, Olive avait répondu que oui, elle attendait juste le Mort sans cacher son impatience. Sa mère avait donc paniqué. Et avant qu'elle ne se décide à remplir ou non un formulaire d'inscription en hôpital psychiatrique pour sa petite Olive d'amour (elle aurait souligné avec application les deux mots magiques 'Tendances suicidaires' si ce fût le cas), elle avait jugé bon pour sa fille de l'emmener voir un psychiatre. Déduction logique et rassurante. D'ailleurs, elle se voyait déjà face au psy après quelques séances que ce dernier aurait passé seul à seul avec Olive (il portait le doux nom de M. Massacre), celui-ci lui expliquant que sa fille avait ce que l'on nomme dans le jargon scientifico-psychologico-neuro-truc une 'sinistrose'. Ou quelque chose d'autre de tout aussi macabre rien que dans sa prononciation. Concernant Olive, elle avait tout dit sans fioritures à M. Massacre. M. Massacre était un professionnel : il avait, comme tous les professionnels, consciencieusement noté tout ce que Olive lui avait dit au cours de leurs séances ensembles. Après quoi, il avait conclut que Olive était juste un peu déprimée, que c'était ça l'adolescence, que ça allait lui passer. Il lui prescrivit des anti-dépresseurs et jugea la question réglée.

FICHU M. MASSACRE !

Il pensait d'ailleurs qu'une des causes de la sinistro...pardon de la Dépression d'Olive avait à voir en un point comme en autre avec Nathan.

VA TE FAIRE VOIR, NATHAN !

Nathan, c'était l'ancien petit ami d'Olive. Ils s'étaient embrassés deux fois en six mois de liaison : une fois sur le terrain de sport, une fois derrière la cantine du collège. En soit, cela avait fini comme cela avait commencé : bizarrement. Ni Olive ni Nathan n’auraient su dire au final si ils s’étaient vraiment aimés, mais avaient néanmoins su se persuader d’une réponse positive durant tout le temps de leur liaison. Cela avait donc duré le temps que cela devait durer, puis avait suivit la séparation, qui ne s’était présentée comme rien d’autre qu’une conclusion logique à laquelle ils firent tous deux face sans se poser de question. Romance classique.

CLASSIQUE !

Mais pour son père, comme pour sa mère, comme pour M. Massacre (lui et maman couchaient sans doute ensembles, ça se lisait dans leur regard plus facilement que sur un panneau publicitaire), ce n'était pas parfait. Olive préférait Mourir plutôt que de Vivre, c'était donc un problème, car elle était censée préférer Vivre. Retour des étiquettes. Mais Olive, elle s'en fichait. Bien sûr, sa mort ferait de la peine à ses parents, peut-être même à Nathan et M. Massacre, et elle se sentait à vrai dire un peu dérangée à de pensée. Cependant, il lui suffisait de repenser à papa léthargiquement allongé sur le canapé les lèvres pleines de miettes de chips, ou à maman dans le lit de M. Massacre pour que ce remord disparaisse assez vite.

En conséquence de quoi, Olive préfère mourir.

En conséquence de quoi, à quoi bon écrire la fin de ce qui est prévisible ?

Olive est sans doute morte maintenant, elle se sera peut-être suicidée, et tel aurait alors été sa plus grande réussite : à vivre dans sa pleine conscience, elle sût trouver le moment adéquat et la juste manière d'achever ce qui, indubitablement, n'avait nul besoin de se poursuivre sans raison. Fin.

FIN

A Orléans, le 08/07/2019

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