Sale peau !

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Souris, allons, souris un peu ma jolie ! Ne veux-tu pas sourire pour moi ? Hé là, n'aie pas peur, ne fais pas la modeste. Sois pas mijaurée, ma grande ! Je dis que tu est charmante, me décrocherais-tu pas un gentil sourire, poupée ? Je dis : n'ai pas peur de ta beauté, mon chou. Pourquoi ne la sublimes-tu pas, hum ? Quelle est ton excuse de toute manière ? Un simple sourire par exemple, embellirait ta silhouette toute entière, alors, franchement, que peux-tu seulement demander de plus ? Ma belle ! Ce ne sont là pas des manières de dame, de jolie fille ! Ah ! Non mais, lâche ça enfin, lâche te dis-je ! Pfouh ! N'as-t-on pas idée de vouloir avaler des cochonneries pareilles ? Oh non, ne commence pas mon ange, vraiment je pourrais m'énerver ! Porter cela ? Amour, ça te donne l'air d'une péripatéticienne, vraiment, mais dans quel monde vis-tu ? Tu es un sacré phénomène, toi, un modèle du genre, chérie ! Met ça, mange plutôt ça, allez; et bon sang de zut, souris un peu ou je vais me fâcher ! Pourquoi sembles-tu désespérément employer toute ton énergie à sciemment détruire tout ce que nous avons construit ensembles ? Me manquerais-tu de reconnaissance ? Oh, non, je ne suis pas hypocrite au point de te sortir le fameux "Après tout ce que j'ai fait pour toi ?", quoique tu peux être certaine que l'envie m'en prends néanmoins ! Je ne vais pas le dire, mais tout de même, au vu de ce que j’ai donné de mon temps et de ma personne pour ta seule réussite...! Tu est tout de même bien ingrate, dis donc... Fichtre, un simple sourire te tuerai, ou bien ? Je t'engage à sincèrement y réfléchir, petite canaille, je t'engage même à y réfléchir à deux fois! Oui, oui ! Ha, c'est donc bien en haussant la voix que l'on se fait entendre ! Mais, tu dois tout de même bien réaliser que c'est un peu beaucoup de ta faute si j'ai haussé le ton de la sorte, ma mignonne... Regarde-moi dans le blanc des yeux... Bon sang, et c'est vrai qu'il n'y en a pas deux comme toi : tu est vraiment d'une beauté ahurissante ! Alors s'il te plaît mon chou, fais ce que je te dis, et surtout reste jolie.

Reste aussi belle et insaisissable que tu l'est, reste l’égérie d'un idéal quasiment inatteignable qui en mènera bien trop vers de dangereux extrêmes; et ferme un peu ton grand bec ! Oh, il faut toujours que tu ais un mot à la bouche, toi ! Ma belle, je vais te le dire de femme à femme : contente-toi de maintenir cette charmante apparence, et, vraiment, laisse-moi parler. Ne t'as-t-on pas appris ce genre de choses à l'école ? ...Tu est bien allée à l'école, n'est-ce pas ? Hé là, ne me lance pas ce regard noir, petite guigne ! Ça te fera de vilaines rides dans plusieurs années, autrement. As-tu bien mis ta pré-crème anti-ride, d'ailleurs ? Non, non, ma jolie, ne mens pas, je sais bien que non ! Mais n'est-ce pas un monde, ces gens là qui ne savent pas appliquer une simple consigne ?! Tonnerre de nom, mon chou, des fois tu me donnes bien des soucis...

Je n'attends de toi qu'une simple chose : que tu sois toi-même. Hé bien, est-ce trop demander ? Mademoiselle porterait-elle donc toute la misère du monde sur son dos ? Chérie, pense-y un peu, sale égoïste que tu est, penses-y donc : à tous ces gens, toutes ces petites filles, et ces adolescentes, et ces demoiselles, et ces femmes ayant passé l'affreux cap de la trentaine, qui n'attendent, toutes autant qu'elles sont, qu'une simple chose de toi : que tu sois belle, exactement ! Pense aux rêves illusoires que tu nourris chez la gent féminine, et ne te soucis pas des autres ambitions tout aussi vaines que certains hommes aspirent à te contempler...

...Sacrebleu, me prendrais-tu pour une dinde ? Je t'ai dit de ne pas toucher à ça ! As-tu seulement pensé aux menus que je fais minutieusement composer et confectionner pour toi ? Ha ! Si c’est une peine ! Mais c'est donc vrai que tu est ingrate, à te fiche de la sorte du travail que les autres accomplissent au seul profit de ta réussite ! Infâme, infâme ! Sale peau ! Et ta peau, tiens, elle est si douce, soyeuse et délicatement odorante : on croirait toucher de la soie façonnée dans du fil de miel ! Alors pourquoi ne pas faire un effort ? Conserver ta jolie peau, et tes jolie formes minces (ne commence pas à me parler d'anorexie, ce serait vraiment d'une mauvaise foie totale de ta part mon chou), tes longs cheveux caramel souples et élégants, et, crénom de nom, le si beau sourire que tu as lorsque tu daignes l'afficher ! Tu ne veux plus sourire peut-être, mon ange ? Ah ! Alors ça, c'en est une verte que tu me fais, et bien salée, par dessus le marché...! Oui, je disais infâme, ma grande, hé bien ! C'est donc vrai, tu est infâme !

Est-ce donc si compliqué pour la demoiselle que de simplement demeurer jolie, bien apprêtée, élégante en un sens ? Tu est impossible, pourrie-gâtée, fainéante en plus de cela ! Non mais, quelle scie ! Pourquoi ? Vraiment : je ne demande que pourquoi ! Tu as pourtant tout le monde à tes pieds, n'est-ce pas la vérité ? Un clin d’œil et tu met tous les hommes à genoux devant toi, un geste du poignet et les femmes aussi sont conquises ! Tu charmes tous les sexes et tous les genres, toutes les identités et toutes les ethnie s! Ne veux-tu pas rester jolie pour tout ce beau monde ? Oh, non non non : c'était une question rhétorique, ma belle! Oui, à mon tour de t'embêter ! Ah non, ne hausse pas la voix ou je te claque ! Dieu de Dieu ! As-t-on jamais vu pareille emmerdeuse ? Souris, bougre de vaurienne, mais souris donc !

Songes-tu seulement à toutes les personnes qui tueraient pour seulement avoir une parcelle de ta beauté ? Oh, n'essaye pas de répondre mon ange, je sais d'avance ce que tu vas me dire ! Seulement, avec moi, ces bêtises ne prennent pas ! Prends moi par exemple : si je suis d'un physique tout à fait ordinaire pour le commun de gens normaux; qu'est-ce comparé à toi ! Ah, c'est bien simple ma jolie : tu est l'oiseau rare, la jolie bête au milieu des pourceaux, et moi je suis ton vilain poux ! Hé, ne nie pas, vilaine ! Admet, vilaine ! Vrai, avoue : n'est-ce pas ce que tu penses de moi ? Que je ne suis qu'un cafard ? Ou n'importe quel nuisible, en fait ? Oh, les jolies personnes comme toi, c'est d'une évidence toute vérifiée, se soucient bien peu des petits pouilleux qui eux ne sont pas nés dans le même berceau que toi, vrai ? Ne m'interrompt pas, tais-toi, bon sang, mais ferme là ! Non mais oh ! Et maintenant, fais-moi plaisir, fais-moi une faveur, une faveur très simple, tu vas voir : je ne te demande rien d'autre que de faire ton métier, comme tu le fera aussi demain, comme tu l'as si bien fait hier. N'y a-t-il pas, après tout, une merveilleuse véracité dans ce joli jargon : "Sois belle et tais-toi" ?

Ma mignonne, allons, laissons de côté nos petits différents pour le moment, et allez, active-toi donc ! Zouzou arrive pour te pomponner, tiens-toi tranquille. Nana fera tes ongles, et Coco tes yeux. Aussi, tu as suffisamment mangé pour la journée, j'en ai touché deux mots à Chouchou... Il n'approuve guère, mais Chouchou n'est pas vraiment en droit de donner son avis. Du moins, je suis sûre que c'est ce que tu penses ! Chut, ne vois-tu pas que nous sommes à tes pieds ?! Ah, ce n'est pas de notre faute si tu n'en a pas vraiment envie, et ne va certainement pas commencer à te plaindre... Lorsque l'on a un joli minois et un joli corps comme le tiens, sache qu'on l'entretien : on l'entretien au prix de tout et n'importe quoi ! Alors laisses-toi faire et reste belle, oui, laisses-toi faire avant tout, car c'était une part du contrat que tu as signé à ta naissance, à venir au monde avec cette face d'ange et ce corps de déesse.

Le langage que tu tiens est désespérant, et d'un ennui tout particulier. Veux-tu bien la mettre en sourdine quelques instants, Bibi aime travailler dans le calme ! De toute manière, chaque mot sorti de tes lèvres a de ça qu'il est parfaitement navrant, et ce n'est pas faute de te dire que l'on ne veut pas t'entendre ! Ah ! Quelques mots envenimés à la volée, c'est tout ce que tu est donc capable de dire en dehors des textes que l'on te fait lire ? Dieu merci, tu ne sais guère mémoriser, mais tu peux au moins lire... Que me vaut ce regard indigné ? Écoute ma belle, personne ne veux t'entendre : plus tu parles, plus l'on perds son temps, et le temps, c'est de l'argent ! Mais c'est donc vrai que les proverbes que l'on répète à tue-tête sont avérés ! Et j'ai investit, ah, j'ai beaucoup trop investit pour que tu ne me laisse tomber sur un coup de tête ! Et tout cela, je l'ai fait pour ton bien, je l'ai fait pour toi, et je l'ai fait pour notre profit ! Serais-tu mauvaise au point de vouloir nous dispenser de tout ce que nous avons amassés sur le simple profit de ta splendeur ? Hé ! Souris donc un peu, ma poupée ! Un sourire, juste un sourire, il ne te faut que ça pour sublimer ta précieuse beauté à son paroxysme ! Ah ! Ah, hé bien voilà ! Quand tu veux ! Allons, n'est-ce pas mieux ainsi, en vérité ?

Qu'est-tu si ce n'est une, cette beauté ? Ne perds pas ton temps à y réfléchir, je pensais juste à voix haute... Maintenant, garde ton sourire surtout, Toto arrive avec l'objectif. Oui, comme cela ! Oh, puisses-tu rester belle à jamais, puisses-tu sourire ainsi à jamais, ces belles dents blanches sauront toujours dissimuler à merveille la pourriture intérieure qui les torturent et les détruit à petit feu ! Ha, et puis zut, n'y pensons pas ! Le commerce du corps et l'investissement dans le domaine de la beauté nous apporterons bien quelques partenariats qui offriront des échantillons de leurs meilleurs dentifrices, dans l'ordre de dissimuler tout cela. Tu le sais, mon chou : après tout, n'ai-je pas tout investit pour toi, n'ai-je pas dépensé sans compter pour que tu puisses jouir de tout cela, de cette vie rêvée ? Et ne me remerciera-tu donc pas ? Haha, j'en étais sûre... Non, allons ma tendre : clos ces petites lèvres, le temps que Fanfan t'arrange un peu... Voilà. Et maintenant, regarde l'appareil, et répète après moi : "J'ai toujours su depuis toute petite que j'étais très chanceuse…

FIN

Dans le train Orléans-Paris, le 11/06/2020

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