Les confusions de Valentine

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[Note de l'auteure : si le désir de la chère lectrice ou du cher lecteur serait de poursuivre la lecture de cette nouvelle jusqu’à son dernier mot, une aspirine et un verre d’eau utile à son ingestion ne sauraient que trop vous être conseillés, dans l’humble préservation de la totalité de vos capacités neuronales ; je me verrais en effet bien marrie, dans le cas contraire, que votre malheureux cerveau s’en vit ainsi retourné par une simple lecture innocente… Tout du moins, tel est le conseil que je puis vous donner, au constat de ce qu’il advint des lectrices et lecteurs vous ayant précédé…]

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Je n'ai jamais su si il était plus intéressant d'écrire la psyché d'un psychopathe ou d'un psychotique. Par facilité d'identification néanmoins, cette histoire là sera celle d'un psychopathe, ou plutôt d'une, car c'est à ce qu'il paraît un archétype qui se vend de plus en plus, et mieux encore que des petits pains depuis ces dernières années. Et, sans filer la métaphore, je ne vois pas pourquoi moi, auteure, je n'aurais pas droit à ma part du gâteau. Je dis 'auteure', sans doute devrais-je dire Valentine, puisqu'il s'agit d'un récit à la première personne et que j'en suis la principale protagoniste. Ou bien antagoniste, franchement peu m'importe. L'auteure, elle n'est pas là; l'auteure, vous ne la verrez pas : je l'ai tuée. Je suis un personnage, une substitution productive en terme de littérature, et je crois que je suis Valentine. Est-ce bien le nom que l'autre m'a donné ? Je dis l'autre, je veux dire l'auteure. Non pas 'l'auteure' de ces lignes, mais bien celle qui aurait dû écrire ce que je rédige actuellement pour vous. En ce qui concerne la psyché des psychopathes et des psychotiques, je ne sais pas ce qu'en pensait l'auteure. A-t-elle fait en sorte de m'écrire, en ce but que je l'écrive et que nous écrivions mutuellement nos avis respectifs vis-à-vis d'interrogations floues ? J'en ai mal à la tête rien qu'à écrire cette phrase, mes amis... Elle aussi, elle me donnait mal à la tête. Voilà pourquoi je l'ai tuée. De cette action, ma conclusion résulte en la supposition que de son avis, la balance devait pencher vers les psychopathes. Valentine est-elle une psychopathe ? Valentine s'en moque bien. Ainsi sans doute la jeune auteure de moins de dix-huit ans encore avait-elle prévu en ce gris après-midi sans école d'écrire mes mésaventures. Mésaventures, meurtres, vadrouilles sanglantes, ma foi, ce ne sont que des noms, et l'on appelle toujours un chat un chat.

Valentine, c'est moi : je suis une auteure psychopathe car il a été voulu de l'auteure espérons-le non-psychopathe que je sois ainsi; alors voilà, il faut que j'écrive puisque le cadavre dans la cave ne le peut plus. Maintenant que j'y pense, elle avait de vraies mains d'auteure lorsque je les lui aient empoignées pour la traîner là-bas : le bout de ses doigts était dur, son majeur et son index droit ornés tous deux d'un gros durillon rougeaud, fripé, et laid... Bref.

Je vis à Orange, ce n'est pas un nom inventé. J'ai plus de treize ans et moins de vingt-trois ans, c'est une vérité invérifiable. Qui sait, j'ai peut-être douze ans et trois-cent-soixante jours, ou bien le triple de vingt-trois. Si j'étais une narratrice orale, sans doute auriez-vous eût la possibilité d'établir pour votre bon plaisir une base mentale de mon âge moyen, peut-être même de ma santé, voire même de mon physique si vous êtes vraiment très forts. Mais vous ne le pouvez pas. L'auteure n'a pas décidé avant que je ne la tue que vous le sachiez, sans doute n'étiez-vous pas destinés à savoir dans ce cas. Au moins partiellement ? Nous pouvons douter de tout comme Descartes, ou remettre tout le monde en cause comme Nietzsche, y serions-nous cependant avancés d'une quelconque manière ? Je suppose que oui, mais sans doute n'est-il pas nécessaire d'en savoir plus sur l'âge de Valentine la psychopathe qui vit à Orange que celui-ci se situe entre treize et vingt-trois ans. Pour le moment, nous ferons avec cette information. Que savoir d'autre ? A lire ses brouillons, il semblerait, je le vérifie d'ailleurs de ma personne, que Valentine aime à s'habiller en blanc. Voilà qui explique donc la tenue d'escrime moulante que je porte, ornée de deux croix noires collées sur mes seins. Le constat est que j'aime à m'habiller en blanc. Alors pourquoi les converses rouges en guise de chaussures ? Sans doute la cause d'une merveilleuse aventure passée où, toutes de blanc conçues, le sang de mes victimes les auraient teintes en rouge. Et quoi de plus normal que de faire saigner ses victimes lorsque l'on est Valentine la psychopathe ? Ce sont bien les psychopathes qui font couler le sang partout où ils passent, vrai ? Ou bien est-ce que je confonds avec les psychotiques ?

Donc, oui, je vis à Orange. C'est une belle ville, j'y fais ce que je veux. Mais je n'irai pas jusqu'à dire que j'y fais la loi, non, non... Ce n'est pas mon genre. La police fait la loi si il le faut, la justice fait la loi si nécessaire. L'auteure faisait la loi sur son écrit avant que Valentine n'intervienne, c'est un fait. Si elle l'avait voulu, hé, peut-être aurais-je bel et bien fait la loi ! Mais les choses ne sont pas ainsi, le fait est qu'elles ont été rédigées, et surtout pensées autrement. Voilà. Je vis à Orange, j'y vis bien puisque j'y fais ce que je veux. Je dors à n'importe quelle adresse, je mange à n'importe quelle table, j'étudie ou je travaille à n'importe quel établissement, je marche où bon me semble, je crois qu'il serait d'ailleurs une grave erreur de me contredire dans quelque action entreprise par votre humble auteure pour ce récit. De laquelle parlons-nous, d'auteure ? Oui, de l'humble. Celle qui dort à n'importe quelle adresse, mange à n'importe quelle table, étudie ou travaille à n'importe quel établissement, et marche où bon lui semble. Je vis chez moi. C'est à dire, je vis au 18 rue des Argousiers, tout du moins si ce n'est pas chez les Minton, les Romanov, le château d'Otrante, la maison Usher, le ministère de l'Amour, le plancher de la Comédie Française, une chambre à la pension Vauquer, un immeuble en face de la fabrique de tourtes de Mrs Lovett, une cellule de l'Asile pour Filles Démentes de St Gladys, ou encore Poudlard. Je vis ici, et je suis une psychopathe. J'ai vécu là où je me suis installée, je suis écrite et j'ai écrit, agit, agissant comme le font, probablement, les psychopathes. Ou les psychotiques ? Il n'y a pas de 18 rue des Argousiers aux dernières nouvelles. Henri et Elizabeth Minton, ne les cherchez pas : tout comme l'auteure, l'auteure les as tués. Et de sang-froid, oui da ! Les Romanov, je les aient fusillés. Le château d'Otrante, j'y ai enterré Manfred, Hippolita, Théodore, et les autres. J'ai effacé toute trace de Roderick et Madeline Usher. J'ai lavé, à nouveau, le cerveau de Winston et Julia, et même O'Brien. J'ai tué tous les comédiens de la Comédie Française. J'ai fait un génocide à la pension : adieu madame Vauquer, le père Goriot, Vautrin, Rastignac, Bianchon et les autres. Mrs Lovett, j'en ai fait un composant de ses tourtes. J'ai laissé Clarisse se sacrifier à l’Asile pour mieux sauver ma peau des docteurs. Harry, Ron et Hermione, j'ai laissé le Basilic les dévorer.

Ils sont morts.

Valentine est leur mort. Mais l'auteure, la morte, celle que moi, psychopathe, j'ai tuée, avait-elle, oh, seulement prévu que je serai la mort de tant de personnes et personnages ? Sans doute savait-elle des choses à mon propos, des choses qu'elle aurait omis, volontairement peut-être, d'écrire avant que je ne la tue, sans doute savait-elle qui de nous deux était la personne ou le personnage...

Donc, dans ma tenue d'escrime blanche à la poitrine croisée de noir, dans mes converses rouges probablement du sang de Nikolaï Aleksandrovitch Romanov, Eugène Rastignac ou Hermione Granger, je marchais calmement dans les rues d'Orange, par un beau soleil estival. L'air était léger, embaumé de douces fragrances méditerranéennes et c'était, mes amis, une après-midi tout à fait charmante que celle-ci. Hagardie par ses déambulations indolentes, Valentine ne prêta ainsi qu'une très maigre attention au chemin qu'elle emprunta ; et voilà comment quelque minutes plus tard, pensez-vous, je me retrouva au commissariat ! Drôle de lieu pour une promenade, n'est-il pas ? C'était un bâtiment uniforme et minable, très morne et très vide, fade et ennuyeux. Maintenant que j'y pense, (et je pense à vous décrire ma pensée, autrement il vous serait compliqué de suivre le raisonnement psychopathe de la psychopathe qu'est Valentine la psychopathe, probablement l'auteure, soit moi, soit donc l'auteure donc pas l'auteure, CQFD) : il y avait dans cet endroit terne une odeur qui ne m'était pas inconnue... Oui, plus je m'en rendais compte, plus elle se précisait dans mes narines : c'était l'odeur d'une machine à écrire. Exact : elle n'avait de cesse de se présenter de plus en plus exactement dans mon nez, l'odeur de cette machine à écrire. Qu'importe tous les regards qui se posèrent sur Valentine aux sens olfactifs brusquement éveillés à peine après que celle-ci ne soit par mégarde entrée dans le commissariat le plus proche, je fermais alors les yeux pour mieux me délecter du savoureux arôme. Hummm... Et alors que mon nez semblait comme s'ouvrir plus largement pour accueillir en son sein le fumet de ma délectation, tous les composants de la machine à écrire venaient un à un caresser mes sensibilités olfactives. Je remémorais cette bonne odeur de souvenirs de mon enfance, et n'en connaissais d'ailleurs de meilleure que ce subtil mélange de sucre roux, de beurre fondu et de chocolat noir encore tiède. Pour une raison qui m'échappe, j'ai toujours associé à l'odeur des cookies au chocolat que me préparait tante Meg à celle des machines à écrire. Sans doute qu'en écrivant, je dois sentir depuis ici le fumet des biscuits flotter de la cuisine jusqu'à là où j'écris; je devais avoir des gâteaux au chocolat tout juste sortis du four à proximité. Sans doute que je doute sans qu'il n'y ait doute que je doute sans doute.

‘‘Puis-je vous être utile, mademoiselle ?’’ demanda soudainement un policier qui me sortit brusquement de mes épopées olfactives. Ou étais-ce une policière. Si ça se trouve, c'est l'auteure... ! Ah ah ! Maintenant que j'y pense ! Et si ça se trouve, c'est l'auteure, voilà, car être auteure accorde tant de pouvoir, plus même qu'un Dieu, que cela permet bien la résurrection tout en la faisant au passage passer pour une formalité, si elle s'est réincarnée et se tient devant nous, pourquoi alors en policier, oui, en policier, et non pas en auteure. Oh, pouvez-vous, chers amis, imaginer la confusion de mon pauvre esprit au moment ou ces lignes sont écrites ? A auteure, il y est de ça que l'on est auteure car il n'y ait rien qui ressemble à une auteure, bien qu'il y ait par contre beaucoup de choses pouvant ressembler à un policier... A moins que ma logique ne m'égare et que ce ne soit rien d'autre qu'une policière, l'auteure, l'auteure peut-être.

Qui a tué l'auteure ? C'est Valentine la psychopathe, tout du moins si Valentine est bien son nom, et psychopathe sa profession. Comment savoir ? A vouloir tout savoir, l'on douterait d'absolument tout. Haha ! Non, il serait insensé que ce soit possible. Et si elle, l'auteure, celle que j'ai assassinée avant même le commencement de ces lignes que je dois dès lors écrire à sa place, se prénommait Valentine, et si elle fût psychopathe ? En voilà une excuse remarquable pour avoir arraché son cœur à main nue et le lui avoir fait manger avant son trépas ! Mais un instant : je doute, et ce sens j'admets la recevable hypothèse de peut-être me tromper dans mon insinuation, qu'elle n'ait pu manger son cœur si je le lui arracha à main nue avant... Est-ce plutôt Valentine qui a mangé ce cœur ? Si elle se prénomma Valentine, Valentine aurait mangé Valentine !

‘‘Oh, je ne sais pas. Voyez, je vagabonde par ce beau soleil estival, et il se trouve que mes pas m'ont inconsciemment menés là où je reconnu en votre machine à écrire l'odeur des cookies au chocolat que me préparait ma tante Meg, ma tante Meg qui est morte, paix à son âme; et donc me voici, et donc vous voilà. Voulez-vous m'être utile ?’’ demandais-je alors à mon interlocutrice, car je pense tout de même avoir correctement identifié son sexe malgré mes doutes.

‘‘Heu... Précisément, je vous le répète : en quoi puis-je vous être utile ?’’ demanda-t-elle, vraiment serviable qu'elle était. C'est là qu'un doute ô cornélien se mit à étreindre mon cerveau, mes pauvres camarades, car mes pensées ont alors bien du mal à prendre parti entre le choix numéro un de tuer la mignonne et serviable policière aux mèches châtains qui me toise d'un petit air attentif à cet instant précis, à ce moment présent, ou alors le choix numéro deux de m'en aller sans demander mon reste. Je vais la tuer, ici et tout de suite, en plein milieu du commissariat d'Orange. Si je la tue, je vais commencer par la frapper au visage, vraiment, vraiment très fort, voyez. Mon coude et mon poing iront, pour commencer, se loger en plein sur son nez, et j'espère qu'il en résultera un beau ruisseau de sang qui coulera de ses narines au moins jusqu'à son menton. Puis, j'enfoncerai mes pouces dan ses globes oculaires alors qu'elle se débattra violemment, et je presserai, presserai, presserai... Jusqu'à les faire sortir. Au bruit, cela fera un petit 'schlop !' adorable suivit d'un perçant cri de douleur de la part de ma tortionée, déchirant, et encore plus adorable en conséquence. Ce sera aussi facile que de creuser des billes de melon, sans la cuillère spéciale. Puis, je les mangerai, il y a des chances assez probables à cela. Mais non pas parce que je suis cannibale, non da ! (A cela, je répondrai, d'ailleurs, j'écris, je réponds, que ce n'est vraiment, vraiment pas ma tasse de thé). Mais il se trouve que, pour une raison qui m'échappe, j'ai toujours associé le goût des globes oculaires humains à celui des petites billes de melon qu'il y avait dans la salade de fruit que me préparait tante Meg, tante Meg qui est morte, paix à son âme, d'où mon envie constante d'en manger. Une fois cela fait, donc, je grifferai sa petite gorge aguicheuse avec beaucoup d'expertise, et j'arracherai sa trachée, jusqu'à arriver à ses poumons. Eux, je commencerai par les éplucher de la très fine et visqueuse membrane qui les recouvrent avec mes ongles noirs de vernis, et je pèlerai ces gros morceaux de chair en larges parties bien sanglantes et bien charnues. Et ce sera aussi facile que d'éplucher et couper une orange ! (L'odeur de la demoiselle à cet instant devrait alors s'apparenter, faute aux viscères éparpillées un peu partout autour de son corps charcuté, à celle d'un durian trop mûr). Je réitérerai d'ailleurs ce procédé avec chacun de ses organes, maculant allègrement le sol du commissariat d'Orange et les propres mains de Valentine de ce lourd sang épais, visqueux, et terriblement enivrant, presque sensuel. Même sensuel tout court, je crois. Hé, ne s'appelait-t-elle pas Valentine ? Aussi logique que cela puisse paraître, il me semble pourtant bien que Valentine est le nom de l'auteure; l'auteure c'est moi, et que l'auteure peut-être Valentine voulut que Valentine, l'auteure, psychopathe de son état, la psychopathe, ne se nomme Valentine. En clair, Valentine tuerait Valentine. Mais si l'auteure Valentine voulût que Valentine B ne nomme Valentine Valentine C, à supposer que Valentine Valentine soit Valentine A, sans doute qu'il y a bien une A, alors pourquoi Valentine parût à Valentine que Valentine fût un choix adéquat pour Valentine ? Il y a de quoi légèrement s'embrouiller...

‘‘Vous me raviriez en me laissant vous inviter à dîner. » lui dis-je enfin tandis que la petite horloge hissée entre deux fenêtres du commissariat venait de sonner trois heures de l'après-midi. La jolie châtain rougit alors avec toute la violence d'un afflux sanguin particulièrement vif et véloce dans ses joues. Vraiment ? Peut-être pâlit-elle, en fait... Quelle couleur ont les cadavres ? Ou tout du moins les morts, les tués, les exécutés, les assassinés, les éventrés, les égorgés, les charcutés sur l'instant ? Car c'est bien à la rougeur du sang écoulé et vidé d'un cadavre blanchit par la torpeur éternelle que l'on identifie un corps un cadavre, vrai ? Ma policière, je l'emmènerai manger italien, des lasagnes de bœuf tendre à la béchamel blanche et sauce tomate rouge, comme celle que feu me préparait ma tante Meg, ma tante Meg qui est morte, paix à son âme, car il faudrait vraiment être un monstre sans cœur pour souhaiter autre chose autre que la paix à un défunt qui servit si bien son temps parmi les vivants. Elle accepta, celle-là, tout en sautant du coq à l'âne (sans doute rappelée par ses fonctions) et me demandant alors pourquoi me promenais-je en public dans une tenue si étrange et presque ostentatoire que la mienne. Sa question me fit hésiter un court instant, voilà pourquoi je la tua : un grand coup de converse dans la mâchoire comme amuse-bouche, puis tant d'autres sur son visage pour le plat de résistance, que je cessa vite de compter.

C'est là que je peux, je pense, me décrire psychopathe, l'écrire ici noir sur blanc, au détriment de ce qu'aurait pu faire une Valentine psychotique (quel drôle de parallèle ç'aurait été si l'auteure dont le nom était supposément Valentine fût psychotique !). La Valentine psychopathe aurait, et a, agit selon un pur désir intempestif complètement incontrôlable, ce qui lui aurait de surcroît provoqué de vifs tremblements une fois le rouge du sang de la jolie policière aux cheveux châtains confondu à celui de ses converses, rien à voir donc. Cela fait, je tue tous les témoins, psychopathe que je suis, psycho que j'écris, et personne n'est épargné : dans le commissariat d'Orange aujourd'hui, c'est l'hécatombe !

Ouiiiiiiiiii ! Comme c'est festif : ce joli rouge qui gicle en de gros jets bloblotants et rougeâtres de part les gorges que je tranche, les nuques que je cisaille, et les estomacs que je lacère ! Ouiiiiii ! Et un fabuleux parfum de lasagne de bœuf, des lasagnes de bœuf que feu me préparait ma tante Meg, ma tante Meg qui est morte et que j'ai mangée, paix à son âme, car j'ai toujours associé aux lasagnes de tante Meg, tante Meg qui est morte, paix à son âme, la propre odeur de ma tante Meg, ma tante Meg qui est morte puisque je l'ai mangée, paix à son âme, amen, commença dès lors à emplir la salle alors même que je me trouvais sur le point de terminer ma petite moisson quotidienne de cadavres, en bonne psychopathe que je suis !

Une chose est sûre en tout cas : ce soir, je vais manger italien ! Tout comme le soir ou j'ai mangé tante Meg. En lasagnes. J'ai mangé tante Meg en lasagnes, tout comme je vais probablement manger la jolie policière et et ses collègues en délicieuses lasagnes d'au moins vingt viandes différentes. Et alors que je savourerai mon succulent repas italien, agrémenté de globes oculaires au goût de billes de melon pour le dessert, et au milieu de l'odeur des cookies au chocolat de tante Meg dégagée par la machine à écrire, justement, j'en saisirait une, de machine à écrire ; et après l'avoir mâchouillée, croquée ou léchée une fois ou deux pour voir si par hasard son goût s'agrémenterait à celui de son parfum, alors, j'essuierai mes doigts rougis de lasagnes et de billes de melon humaines sur ma tenue d'escrime blanche barrée de deux croix noires sur mes seins et écrirait, en proie à une profonde confusion réflexive digne d'une auteure torturée comme je les affectionnent, mon avis sur mon incapacité à déterminer s'il serait plus intéressant pour Valentine d'écrire la psyché d'une Valentine psychopathe, ou d'une Valentine psychotique…

FIN

A Strasbourg, le 24/02/2020

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