L'art de Lindie Wolinsky

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Hum...Est-tu sûr que tu veux entendre cette histoire ? Bon... Très bien. Mais promet-moi de n'en parler à personne. Cela doit rester entre nous. Autrement…

Voyons... Comment décrire précisément qui était Lindie Wolinski ? Je me souviens d'elle comme d'une fillette très réservée. Elle ne parlait à personne, mais ne semblait pas timide pour autant. Elle semblait...éviter les autres. Et pas par peur, non. Je dirais plutôt par aversion. Lindie consacrait ses journées à une seule et unique activité : elle peignait. Dans sa chambre, à l'école, sur la place du village, près de la rivière, en soit, partout où cette possibilité lui était offerte. C'est plus particulièrement au moment ou certains ont commencés à s'intéresser à ses peintures que Lindie acquit… Comment dire… Une sombre réputation.

Ses créations n'incluaient aucune couleur. Simplement la sobriété des poils de ses pinceaux maquillés de peinture noire recouvrant les toiles blanches servant de support à ses créations, qu'elle assombrissait avec passion. Lindie était connue pour son style… Disons... Macabre. Elle peignait les sept péchés capitaux, la guerre, les procès de sorcière du Moyen-Age, les exécutions, les maladies, la tristesse, la haine, la souffrance, le désespoir, la mélancolie, le suicide, et la mort. Et Lindie nous effrayait...

Un jour, devant la porte de sa chambre, Lindie découvrit un petit coffret d'ébène. Elle l'ouvrit et en découvrit le contenu avec stupeur : c’était un pinceau. Un seul et unique pinceau, aux poils blancs maculés d'une épaisse peinture noire et brillante, dont la particularité était qu'elle ne s'estompait jamais. Le jour suivant, Lindie utilisa sa nouvelle acquisition et se mit à peindre. Crois-moi, il fallait voir son expression faciale lorsqu'elle peignait ! Il n'y avait plus rien pour Lindie si ce n'est elle et son pinceau. L'Objet et l'Artiste, réunis sous une main donnant naissance aux Créations, comme si le pinceau était devenu une prolongation de la main droite de Lindie, ou que Lindie commandait au pinceau. Comme si l'un hantait l'autre, que le pinceau nourrissait les rêves les plus dérangés de Lindie, qui elle les mettait sur toile avec une application monacale et une satisfaction malsaine. Elle peignait jours et nuits, quitte à en négliger sévèrement complètement sa santé physique...et mentale.

Deux semaines avaient passé depuis que Lindie était entrée en acquisition de son étrange pinceau. Mais une nuit, une foule de voix glaciales et tremblantes, semblant toutes sorties d'un autre monde infernal, la tira de son sommeil :

"Libère nous ! Oh Lindie, libère nous ! Ton art est maudit, ne le vois-tu pas ?"

Il y avait de quoi en rester pantois... Les peintures de Lindie étaient...vivantes ! Tu te rends compte ? Ce pinceau mystérieux lui avait ni plus ni moins qu’offert la capacité de créer la vie à partir de rien ! Quel incroyable don ! Imagine un instant ! Un pouvoir si grand dans les mains d'une simple petite fille de onze ans !

Mais... Lindie a comme qui dirait...abusé de ce présent.

Absorbée par ses créations, Lindie a torturé ses peintures, par le simple fait de leur donner la vie. Je ne sais pas si elle y trouvait une forme quelconque de plaisir sadique ou de satisfaction personnelle, mais une chose est sûre : plus le temps passait, plus Lindie ne se renfermait que davantage sur elle-même, uniquement dédiée à son art maudit.

Mais elle paya pour son crime.

Un jour, aux premières heures de la matinée, Lindie disparût sans laisser aucune trace. Dans sa chambre, on ne trouva que le pinceau, bien rangé dans son coffret d'ébène, ainsi qu'une toile très semblable à celles qu'elle avait l'habitude de peindre, la représentant avec une expression faciale terrifiante, et terrifiée. Comme si Lindie, qui n'affichait d'habitude que peu d'émotions, paraissait elle-même effrayée par quelque chose, Dieu sait quoi ! Toutes ses autres créations gisaient au sol de sa chambre, au même titre que celle la représentant.

Chacune de ses toiles, y compris son portrait, furent par la suite donnés à une galerie d'art, la même qui quatre ans auparavant avait accueillie dans sa collection les œuvres de Eddy Wolinski, le grand frère de Lindie disparût mystérieusement il y a précisément quatre années de cela... C'était à se demander si l'art des enfants Wolinski…Non, si les enfants Wolinski eux-mêmes n’étaient pas maudits...

Tiens. Prends ce pinceau. Fais-en ce que tu veux, je ne veux plus avoir quoi que ce soit à voir avec lui. Je veux seulement qu'il disparaisse de ma vue. Quoi ? Tu te demande d'où je connais toute cette histoire ? Comment le pinceau a atterri entre mes mains ? Hé bien, vois-tu...

Mon nom est Ellie Wolinski.

FIN

Au cimetière derrière le lycée, le 13/01/2018

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