Chapitre 3 : Les Jardins de Lews Castle (Partie 3 : À la découverte des jardins)

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Harrold, toujours accroché à la main du paysagiste, trépignait. Mike attrapa son sac, encore sonné par la nouvelle. Ils quittèrent la pièce sous les yeux du Comte et de Karl, ravis de voir l’ouragan s’éloigner. Pendant que Mia aidait Harrold à s’habiller, Mike s’éclipsa pour se changer. En passant, il déposa son sac dans le coffre de sa voiture. Harrold qui l’avait rejoint, aperçut son caddie.

– Tu joues au golf Mike ? demanda le petit garçon curieux.

– Oui, tu as déjà vu une partie ?

– Non, papa n’aime que le polo.

– Un sport intéressant, s’empressa d’ajouter Mike.

– Tu peux me montrer ce bâton ?

– Les spécialistes appellent cet objet, un bois, précisa-t-il, quand je l’utilise, il me permet de projeter la balle très loin.

– Pourquoi sont-ils habillés de chaussettes ? C’est marrant !

– Pour les garder bien au chaud afin qu’ils ne prennent pas l’humidité.

– Comme moi, quand je vais jouer dans la neige, ils ne doivent pas s’enrhumer.

Mike sourit, ce petit gars ne manquait pas de répartie.

– Et celui-là, pourquoi est-il caché sous le lapin ? poursuivit Harrold.

– Oh, parce que ce club est mon chouchou, alors je l’ai mis au chaud dans mon doudou. Mes parents me l’avaient offert quand j’étais à peine plus jeune que toi.

– C’est trop mignon, tu dois les aimer beaucoup tes parents, ils sont où ?

– Ils ne sont plus là, lâcha Mike dans un soupir.

– Ils sont partis en voyage ? insista le garçon.

– Non.

Mike hésitait à poursuivre, cette conversation prenait un chemin qu’il ne désirait pas emprunter.

– Ah, tu veux dire qu’ils sont dans les étoiles !

Mike ne répondit pas et changea de sujet.

– Si tu veux, un jour, je t’emmènerai sur un parcours de golf. Pour l’instant, il faut que je travaille. Suis-moi.

Ils se dirigèrent main dans la main derrière le château, en suivant l’allée piétonnière qui les menait dans les jardins. Le site était entouré de palissades. Le Comte tenait à garder les lieux à l’abri des regards curieux jusqu’au jour de l’inauguration.

– Ouah, c'est impressionnant ! s’écria Harrold en franchissant le portail.

– Attends un peu, ajouta aussitôt Mike, j’ai une surprise pour toi. Mais il te faudra garder le secret.

Harrold se serra contre Mike, intimidé, se faisant tout petit pour ne pas déranger. Mike marchait d’un pas léger, la perspective de la présence du Comte et de la Comtesse Forfar le jour J émoustillait son esprit de compétiteur. Le projet, déjà très intéressant de base, avec ce nouvel élément, était une opportunité à saisir . Pour ne pas décevoir le Comte et lui permettre de réaliser son rêve, Mike se démenait sans relâche. Le maître des lieux s’était investi avec passion dans son projet, il se devait de l’aider au mieux. Pour le jeune paysagiste, cette réalisation serait pour lui une belle carte de visite. Il balaya du regard l'immensité face à lui, tellement fier de ce qu’il avait entrepris. Ses dessins avaient franchi la barrière du papier et prenaient vie au travers des formes étalées sur le paysage. Harrold tournait autour de lui, impatient, il posait des tas de questions.

– Dis Mike, et ça c’est quoi ? Ça sent si bon.

– Du thym.

Mike attrapa son sécateur et coupa une petite branche qu’il frotta sur la main du petit garçon.

– Sens tes mains.

– Hum, on dirait une odeur que je connais. Ah oui, mamie en met dans sa tisane.

– Surement, c’est excellent.

– Je lui demanderai de me faire goûter ce soir.

– C’est une bonne idée, je suis sûr que cela lui fera plaisir.

Mike plia le brin dans un mouchoir et le glissa dans le blouson d’Harrold.

– Tu sais, ma grand-mère m’en prépare quand je suis enrhumé et c’est toujours efficace, ajouta le jeune homme heureux de partager son expérience avec l’enfant.

– Montre-moi d’autres plantes, s’il te plait, supplia le garçon en l’attrapant par la main.

– Viens, je vais te faire sentir le romarin.

Mike et Harrold avançaient dans le jardin botanique. Les espaces surélevés étaient délimités par des murets en pierre sèche. À l’entrée de ces îlots, posés dans un océan de verdure, se trouvait un escalier adossé à un puits. Cette réserve d’eau naturelle était alimentée par les cheneaux. Mike l’avait voulu aussi bien fonctionnel qu’esthétique. En haut du monticule, une plateforme sur laquelle on pouvait errer au milieu des carrés d’herbes aromatiques. La rosée du matin s'accrochait aux branches si fragiles. Harrold courait d’espace en espace, Mike s’amusait de la curiosité de l’enfant, le nez dans les plantes. Dans chaque îlot se cachait un personnage en bois. Dans celui-ci, il y avait un petit garçon jouant à la balle avec son chien. Ces détails ajoutés les uns aux autres donnaient de la vie à ce tableau végétal. Les œuvres de Grand-Ma l'avaient inspiré, une signature à sa réalisation.

– Harrold, assieds-toi sur les marches, je vais te prendre en photo pour ton arrière-grand-père. Il pourra l’envoyer à tes parents, suggéra Mike.

– Toi aussi viens avec moi sur la photo. On fait un selfie.

Harrold se blottit contre Mike avec un sourire jusqu’aux oreilles. Mike aperçut le Comte, les observant derrière la grande baie vitrée de son bureau. Aussitôt la photo prise, Mike l’envoya.

– Merci Mike, de t’occuper d’Harrold, textota en réponse Harry.

– Un réel plaisir, répondit le paysagiste.

– Je t’envoie Karl, pour venir récupérer mon petit-fils.

– Si cela ne vous dérange pas, je peux le garder avec moi ? Je le raccompagnerai vers midi, proposa Mike.

– Très bien. Je vous attends tous les deux vers midi au restaurant, conclut Harry.

Le Comte utilisait souvent ce mode de communication avec Mike quand son paysagiste œuvrait dans les jardins. Le jeune homme lui envoyait régulièrement des photos pour lui montrer l’évolution des travaux. Ce support lui permettait ensuite de constituer un book. Toutes les photos et documents alimentaient la bibliothèque du musée du château.

– Ça y est, ton Super Papy a reçu la photo.

– Merci, Mike.

Harrold partit en courant voir le petit garçon et le labrador en bois caché dans l’îlot. Mike recalait une dalle sur le chemin après le passage du garçon. Ils avancèrent jusqu’à la parcelle suivante. Celle-ci était au niveau du sol, encadrée de barrières en bois colorées. Dans cet espace, trois arbres avaient été plantés: un hêtre, un noisetier et un châtaignier. Tout avait été pensé dans les moindres détails. Au pied du hêtre, trois bancs, chacun orienté dans une direction différente, permettait au visiteur de voir le parc sous différents angles. Sous le noisetier, un panier avec trois écureuils en bois rendait du plus bel effet, la sculpture était un parfait trompe-œil. Dans le panier, les enfants pouvaient s’asseoir à l’intérieur pour jouer. Enfin, sous le châtaignier, encore trop fragile pour accrocher une balançoire, Mike avait fait installer une balancelle, idéale pour les amoureux. En jardinier soucieux, il vérifia la bonne santé des arbres. Accroupi, pour étaler le paillage, Mike fut surpris par l’arrivée en trombe d’Harrold. L’enfant, effrayé, se précipita dans ses bras.

– Que t’arrive-t-il ? demanda-t-il inquiet.

– Là-bas, il y a un truc bizarre, dit le garçon en pointant l’horizon.

– Où ça ?

– Dans le fond de l’enclos, viens voir.

Mike suivit Harrold sans hésiter.

– Là, regarde ça bouge ! cria-t-il.

Derrière la barrière, un craquement répondit en écho à un grognement.

Harrold caché derrière Mike, n’osait pas regarder de peur de voir surgir un monstre.

– Tu ne risques rien, dit Mike en réalisant que Hugh montrait le bout de sa truffe. C’est le chien de mon Grand-Pa, il est gentil.

Harrold sortit et se retrouva nez à nez avec Hugh, le labrador était suivi de Joseph.

– Mike, je pensais bien te trouver là, Harry m’a dit que tu étais dans le jardin.

– Grand-Pa, je te présente mon assistant Harrold.

– Bonjour Harrold, comment vas-tu ? Harry m’a dit que tu prenais l’air avec mon petit-fils Mike.

– Oui monsieur, dit de façon très solennelle Harrold et il ajouta plus simplement, je m’amuse trop bien.

– Est-ce qu’il t’a montré ce qui se cache au fond du parc ? l’interrogea-t-il.

– Non, pas encore. Nous nous y rendions de ce pas, ajouta Mike.

– Bien, alors je vous laisse entre de bonnes mains petit Comte. Je vais rejoindre Harry.

Harrold était très fier, l’appelait « petit comte » était un honneur

– Mike j’ai croisé John, précisa Joseph, il est dans l’îlot de la rose. Il faudrait que tu ailles le voir dès que possible.

– Un souci ? s’inquiéta Mike.

– Je ne sais pas.

– C’est sur mon chemin de ronde, je m’y rends de ce pas.

– Et ma surprise ! l’interrompit Harrold.

– Chose promise, chose due. Nous irons ensuite.

Joseph, précédé d’Hugh remontait l’allée en direction du Château. Mike et Harrold hâtèrent le pas. Mike retrouva John, affairé sur la terrasse en bois. Elle était au cœur de l’îlot principal et servait de support à la star de l’inauguration : la rose de noël. Pour l’heure, la précieuse était dans la serre de culture. Le jardinier prenait un soin particulier de cette beauté, elle était une de ses pièces principales

John travaillait sur les finitions de l’écrin. Les deux s’étaient rencontrés au Collège de Stornoway. John suivait un cursus d’ébéniste, et en parallèle il travaillait aux côtés de Stanley, artiste des magnifiques pièces en bois parsemées dans la ville. Les deux jeunes étudiants avaient tout de suite sympathisé et réalisé un projet commun de fin d’études, en créant le jardin de demain. Leur dossier et la réalisation furent encensés par leurs pairs. En avant-gardistes, amoureux fous de la nature, ils avaient mis un coup de pied dans la fourmilière. Ils se voulaient éco-responsables et se battaient pour leurs idées. Mike avait tout de suite proposé à John d’être à ses côtés dans la conception des jardins du Castle de Lews.

– Hey John, Joseph m’a dit que tu voulais me voir.

– Salut Mike. Oui je n’étais pas sûr que tu aies le temps. Joseph m’a dit que tu étais en rendez-vous avec le Comte.

– Oui, et maintenant je fais le tour avec Harrold.

John leva la tête, afin de mettre un visage sur le prénom.

– Je te présente l’arrière-petit-fils du Comte.

– Salut, jeune homme, tu viens pour l’inspection ? questionna-t-il en lui adressant un clin d'œil.

– Oui monsieur, et je suis impressionné.

– Mike t’a montré le fond de l’île ?

– Non pas encore, je veux lui faire la surprise, précisa Mike.

– Tu fais quoi John ? questionna Harrold toujours curieux de découvrir les différents rôles et missions de chacun.

– Je suis ébéniste et charpentier, je joue avec le bois.

– Comme moi avec mes Kapla. répondit-il avec malice. C’est toi qui as fait tout ça ?

– Oui on peut dire ça, en y repensant peut-être bien que c’est ainsi que ma vocation est née.

– Tu as fait le petit garçon et le chien ?

– Oui.

– C’est super bien fait, le félicita-t-il.

– Et attends de voir la suite, annonça Mike.

– Oh oui, je suis trop pressé, on y va.

– Attends d’abord, je dois voir avec John ce qu’il y a d’urgent.

– Rien de trop grave, enfin viens voir.

– Dis-moi, si je dois faire des interventions avant demain.

– Viens, je vais te montrer ce sera plus simple.

Mike suivit John jusqu’au bout de la terrasse.

– Regarde les pergolas, elles sont attaquées par le bas.

– Comment est-ce possible ? dit Mike surpris.

– Eh bien, il y a un ver qui s’est installé avec l’humidité des derniers jours.

– Un problème de qualité dès le départ ?

– Oui le lot devait être endommagé, répondit John agacé.

– Nous devons tout enlever ?

– Ce serait plus prudent pour éviter que cela se propage sur la plateforme.

– Ok, ôtons tout et mettons le dans l’incinérateur.

– Heureusement que tu n’avais pas installé les glycines.

– Je veux vous aider, lança Harrold.

Pièce par pièce, la structure se retrouvait entassée dans la remorque. Harrold transportait les plus petits morceaux. En moins de deux, le travail fut réalisé.

– Finalement, c’est vite démonté, c’est comme mes lego, dit Harrold en souriant.

– Oui c’est souvent comme ça, on va plus vite à tout défaire, ajouta Mike en rigolant.

– Mets-moi un morceau de côté Mike, lança John, je voudrais l’analyser de plus prêt.

– Dis-moi, il faudrait peut-être vérifier ceux du couloir d’entrée, il me semble que c’est le même lot !

– Je ferai le crochet avant d’aller à l’incinérateur.

– S’il y a le moindre souci, envoie-moi un sms et je te rejoins pour voir ce que nous faisons.

– Ok, je finis ça et je m’y rends.

– De mon côté, je passe une nouvelle commande dans l’après-midi et nous essayerons de les installer la semaine prochaine.

– Parfait, dit John avant de tendre la main à Harrold pour le remercier.

Mike et Harrold reprirent leur chemin en direction de la surprise.

– Oh Mike, c’est génial, dit Harrold les yeux grands ouverts.

– Vas-y, tu peux y aller, c’est fini, l’encouragea Mike.

– Viens jouer avec moi s’il te plait, demanda Harrold.

Mike le prit au mot. Ils grimpaient aux échelles, dévalaient les toboggans ou couraient sur les passerelles qui faisaient le lien entre les trois cabanes. Mike en profitait pour vérifier que tout était en ordre. Cette aire de jeux ferait bien des heureux à son ouverture. Petits comme grands pourront y trouver leur bonheur. Elle avait été pensée par Mike et réalisée par John avec les précieux conseils de Stanley. Chaque cabane à l’image de celles du jardin public de Stornoway avait été élaborée avec minutie. Les enfants pourraient accéder aux terrasses ou jouer à l’intérieur à l’abri. Harrold voulait tout essayer. Mike était ravi de voir ce petit garçon s'approprier les lieux.

– C’est trop cool Mike, merci, dit-il en se jetant dans ces bras.

– Tu pourras revenir avec ton grand-père ou ton Super Papy d’ici la fin de la semaine.

– Oh oui et peut-être avec toi aussi.

– Ce serait avec plaisir mais je dois partir jeudi pour ma compétition de golf.

Mike filma quelques instants l’enfant qui jouait, envoya la vidéo au Comte agrémentée d’un petit mot : « j’ai autorisé Harrold à revenir s’il le souhaitait sous votre surveillance ». Mike l’avait aussi pris en photo lorsqu’il leur avait donné un coup de main avec la pergola, et en avait profité pour faire un topo au Comte sur la situation, et sur les contre-temps. Harrold lui continuait à s’en donner à cœur joie, ne voyant pas le temps passer.

– Harrold, il faut que nous rentrions, suggéra Mike.

– Encore cinq minutes s’il te plait.

– Si tu veux, mais pas plus, lui accorda-t-il.

– Merci Mike, et sur ces mots Harrold fila sur les toboggans.

Entre-temps, Mike venait de recevoir un texto de John : « tout ok, pergola parfaite au niveau de l’entrée. À surveiller les jours à venir ».

Mike se dirigea vers les massifs d’hortensias et en profita pour leur faire une beauté. Harrold et Mike remontèrent l’allée main dans la main, le petit garçon ne voulait plus la lâcher. Sur le chemin du retour, Mike lui montra les espaces en cours de réalisation, notamment le poulailler et le petit étang.

– Dis, je pourrai revenir avec toi ?

– Si tu reviens à Stornoway, j’en serai ravi.

– Papa et maman partent dans un mois en Inde, et ils me laisseront chez Super Papy.

– Je le note dans mon agenda. Nous pourrons refaire une inspection. Harrold sourit à la perspective de cette nouvelle virée. Arrivé au restaurant, qui avait fait le plein, Mia intercepta Harrold. L’enfant sortit le bouquet de thym, de romarin et de verveine que lui avait concocté Mike et le tendit fièrement à sa grand-mère.

– Oh merci mon petit, nous pourrons faire une bonne tisane. Va te laver les mains, tu dois avoir très faim.

– Très, très faim, dit-il en se frottant le ventre.

– Merci Mike d’avoir pris de votre temps.

– Ne le dites à personne, mais je me suis autant amusé que lui.

– Promis, dit la femme avec un sourire. Harry vous attend, il est à la table du fond, vous serez plus au calme. Il discute avec Joseph et Logan.

– Merci, je pense que je vais aller me débarbouiller avant, j’en ai bien besoin.

– Allez dans la pièce d’eau annexe à la cuisine, vous serez plus tranquille, lui conseilla-t-elle.

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