En pleine tempêtes

de Image de profil de Eris AthornEris Athorn

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 Je ne sais plus où j'en suis. Je suis perdue quelque part, entre les méandres et le brouillard. La vie n'existe plus, plus de sons, plus d'images, plus de couleurs, plus de vie... La mort absente au rendez-vous, tout est gris... Morne et terne, j'avance seule, sans même savoir où je vais ni d'où je viens. Je n'essaie même pas d'appeler, une langueur emprisonne mon cœur. Tout est flou, paysage de rêve morne, joie et vitalité ne font pas partie de ce monde. Je regarde en arrière, mais tout me semble pareil, rien ne semble inchangé. Coincée dans un endroit sans porte ni fenêtre, pas de murs ou de plafond, je ne suis même pas sûre des bâtiments que je vois. Je suis et est toujours au même endroit, j'avance mais n'avance pas, recule parfois en changeant juste de direction. Et même sans changer, je finis inéluctablement à ce même point. Condamnée à errer sans cesse dans cet endroit que je ne comprends pas, vide de sens et vide de moi-même, je me demande ce que je fais là, sans avoir l'envie ou la volonté de partir. Peut-être parce que la douleur m'attend dehors... La réalité, la vie, la douleur et la cruauté du monde, mais aussi la joie, l'amour et l'espérance. Non, j'ai peur ! Je ne veux pas sortir ! Je ne veux pas rester à errer ici pour l'éternité, mais je ne veux pas avoir à affronter ce monde de joie et de couleurs. Je ne veux pas que la tristesse me rattrape ! Je sais. Je sais que je ne serais pas seule, que je serais entourée, je sais que des personnes m'attendent dehors et pensent à moi. Mais je ne veux pas ! Laissez-moi me complaire dans cette tristesse vide et trop lourde pour être exprimée ! Laissez-moi être seule et agoniser sur le sort que je me suis moi-même infligé ! Laissez-moi dans ce monde de douleur et d'horreur ! Ne me prenez pas ce monde ! Ne me prenez ce qui fait ma vie et mon être, ce sur quoi je me suis reposée, trop reposée à mes dépens ; je ne veux pas perdre ça, ce que j'y ai vécu, ressenti... j'ai peur. J'ai peur de perdre et d'oublier, à quel point tout ce qui s'y est passé était magnifique. Je ne veux pas qu'on m'ôte ce bonheur-là ! Ce bonheur insipide et gris, mais qui m'a tant et tant nourrie... Je ne veux pas être son ingrate, être la cruelle qui le jetterai et l'oublierai... comme on pourrait si facilement me jeter et m'oublier. J'ai peur. J'ai si peur. S'il te plaît, console-moi, rassure-moi... Je te supplie alors que je sais que c'est toi qui viens de m'ouvrir les yeux, qui viens de me montrer la bulle, la pauvre, pitoyable boule à neige dans laquelle je vis et m'enferme, me confortant dans ma souffrance. Mon cœur s'abîme, il s'abîme de me voir tirailler ainsi, il souffre de mon manque de Soleil. Et je le sais, et je refuse encore de prendre sa main. Je ne voulais que lui au monde, je voulais me reposer entièrement sur lui, je voulais que mon monde ne soit constitué que de moi et de lui, et ce petit bout d'imagination que nous avions passé tant de temps à construire ensemble... Et je me rends compte que je ne peux pas. Il m'a tendue la main pour que je sorte de là. Et je me rends compte que je ne veux pas. Je veux rester celle qui dépend des autres pour avancer, celle qui dépend seulement de Lui pour vivre. Mais je ne peux pas... Malheureusement, ce n'est pas ainsi que le monde avance, et je suis obligée d'avancer avec lui, d'avancer selon ses règles, aussi réticente y suis-je. Je voulais m'abstraire de la réalité, garder toute la beauté de ces sentiments, vivre dans ce qui n'était et ne pouvait pas être réel, me perdre pour ne jamais revenir, et enfin être délivrée de tout ça... Mais ça n'a pas marché. Voilà maintenant qu'on me demande de revenir, qu'on me montre le monde auquel j'ai droit et dans lequel je vis. Qu'on m'ôte ce gris terne mais doux, cette aridité de vitalité mais à laquelle je m'étais habituée... On me ramène de force parmi les vivants, on force en moi le retour du réel, et je le vis mal, le refuse vainement, ne peux le fuir et me lamente. Je ne sais plus où j'en suis... Je ne sais plus quoi, ce que je dois faire, ce que je veux faire... C'est une attache maladive, d'un tendre poison si apaisant, dont je ne veux pas me détacher. Ah, si seulement je pouvais me complaire dans cette tour entièrement fermée, prisonnière, plus rien à dire ou à penser, juste laisser le temps couler en tentant de ne rien faire. Se laisser porter par les flots, laisser cette souffrance si douce me gagner, m'empoisonner à un rythme si lent, atteindre ma vie et la teindre de morne et de non-envie, grignoter les couleurs à un rythme effrayant, me laisser pour morte alors qu'encore vivante... Mais il semblerait que cette lumière ne soit pas d'accord, elle aura ma peau, me forcera à sortir de là. Elle fera s'effondrer, s'effriter dans un nuage de poussière silencieux, ce monde qui constituait ma vie, sur lequel je m'étais reposée toutes ces années et que j'avais eu tant de mal à construire, mais surtout à reconnaître et voir de mes propres yeux. Et voilà que j'avance, vers cette lumière, laissant derrière moi un nuage de poussière, vers le monde auquel j'appartiens légitimement et que j'ai rejeté... Et que faire, lorsqu'une part de moi, refusant de se laisser entraîner, hypnotiser, encore enchantée par ce monde mort et ses illusions, ou encore lucide des mirages et belles tentations du monde de Lumière, tend la main et crie, appelle ce monde qui s'effondre, court vers lui et refuse de le laisser, prenant entre ses mains, en son corps et son sein, ces lumières ternes, froides, mornes et sans vie, mais si loyales et misérables, faisant la misère, à la fois d'elles-même et de leur hôte malade ?

«Je ne peux pas l'abandonner...»

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Commentaires & Discussions

Douloureuse révélation...Chapitre2 messages | 3 ans

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