Chapitre 143

7 minutes de lecture

AYDEN

Intervention traumatisante pour moi que j'ai l'impression que mon sac de sport sur mon dos pèse tout aussi lourd que moi. J'ai des frissons dans tout le corps, d'avoir vomi m'a bien fatigué et je le ressens en tremblant comme une feuille ainsi que la baisse de tension qui me rend mou dans mes mouvements. Arrivé à la voiture, ouvrir le coffre m'est une action remplie de pénibilité comme si chacun de mes muscles ne répondait plus à mon corps. Je retire mon manteau pour être à l'aise dans la voiture et m'installe à côté de maman qui m'étouffe le cou pour m'embrasser affectueusement. Ce geste que j'apprécie d'habitude me semble bien oppressant aujourd'hui tout comme le manteau blanc qui recouvre petit à petit les routes, je me sens mort de l'intérieur presque vide de toutes émotions, juste les larmes qui menacent de couler le long de mes joues.

  • Ça s'est mal passée ta formation mon coeur ? Me demande t-elle inquiète. Un truc que tu n'as pas réussi à faire ? Je sais combien ça peut t'affecter d'essuyer un échec ou si les choses ne se passent pas comme prévu. Parle moi mon chéri.

Je détourne le regard et oriente ma tête presque contre la vitre en poussant un grand soupire qui marque sa surface par une buée épaisse.

  • Inter choquante...

C'est dans un léger murmure que je prononce ces quelques mots bien compliqués à sortir de ma bouche.

  • Je n'ai pas envie d'en parler. C'est trop dur pour l'instant, respecte le maman.

Ma mère est coupée de toute réponse, elle se contente de resserrer hâtivement ses bras autour de moi et de m'embrasser la joue d'une manière pleine de tendresse. Cela me suffit comme geste de réconfort, je m'exprimerai plus tard pour l'instant je n'y arrive pas. Ma maman met le contact en route et le chauffage se remet de lui même à l'intérieur de l'habitacle. Je referme le col de mon pull en passant les attaches dans les encoches prévues à cet effet, le froid tétanise mes muscles ce qui amplifie les tremblements de façon exagérée.

La conduite de ma mère est très douce mais les virages qui mènent à chez nous me mettent très vite dans l'inconfort. Les nausées me reprennent, je ferme les yeux en respirant doucement pour ne pas tapisser l'intérieur de la voiture mais je me sens vraiment pas bien.

  • Maman peux-tu couper le chauffage et aérer la voiture, ça ne va pas...

  • Tu as envie de vomir mon chéri ?

J'acquiesce en me recroquevillant sur mon siège, les minutes jusqu'à chez nous me paraissent une éternité. J'ai l'impression que tout est en train de tanguer, un premier haut le coeur me prend aux tripes. Je me retiens de vomir dans la voiture mais cela vient me piquer le nez. Je respire plus fort tout en me bouchant le nez pour ne pas que ça remonte de ce côté là. Mon coeur s'est bien accéléré sous mon torse et je me mets à saliver à l'extrême. Second haut le coeur qui me fait paniquer, je n'ai pas envie de dégueulasser tout le tableau de bord, maman se gare en précipitation dans la cour et je saute de la voiture limite en marche. Je n'ai pas le temps de pencher suffisamment mon buste en avant que je me mets à vomir dans la neige, ce à plusieurs reprises jusqu'à en avoir mal. Ma mère vient me soutenir sous les bras pour ne pas que je m'écroule, je ne suis pas stable du tout, je vomis de nouveau en plus grosse quantité poussant des gémissements plaintifs entre chaque remontée. Maman me caresse le dos et doucement je me redresse en poussant un grand soupir. Ma maman me tend un mouchoir pour que je puisse m'essuyer le visage, je me rends compte que cette fois c'est mon pull que j'ai couvert de vomi.

  • Ça ne fait rien mon chéri ce n'est pas grave, viens on va rentrer au chaud... Dit-elle inquiète en me soutenant sous le bras, je titube blottis contre elle. Chaque foulée me coûte physiquement, ma tête tourne, je dois être affaiblit.

Mon père nous observe par la fenêtre, j'ai beaucoup de mal à placer un pied après l'autre. Sa silhouette disparaît puis le voilà à l'extérieur à nos côtés.

  • Chéri, je vais sortir les affaires de la voiture ! Aides notre fils à rentrer, il est trop lourd pour moi s'il s'effondre je ne pourrai pas le retenir.

Mon père m'empoigne solidement et m'offre un appui plus sûr que celui de maman pour me ramener à la maison. Une fois dedans, je me dirige vers la cheminée pour regarder les flammes danser derrière la vitre, je n'arrive pas à parler. Ma maman se positionne devant moi, elle est si petite mais tellement bienveillante. Ses mains prennent le bas de mon pull pour le remonter le long de mon torse.

  • Lève les bras mon coeur dit-elle. Je vais t'enlever ça, ça ira mieux ! Voilà, enlève ton jean aussi, Ethan enroule le dans le plaid qui est sur le canapé ! Il est mort de froid !

Je me retrouve en boxer au milieu du salon, mon papa m'emmitouffle jusqu'au cou et pose ses mains massives sur mes épaules. Ses iris argentées se plongent dans les miennes, je m'effondre en larmes dans des sanglots bruyants.

  • C'est bien fiston, laisse toi aller... Ne garde rien pour toi murmure mon père en me frottant le dos, je laisse ma tête reposer sur son épaule. Pleure pour évacuer, ça va te faire beaucoup de bien. Ça sera plus facile pour nous parler.

Je sens les bras de maman nous enlacer tous les deux, ses hommes. Très vite mon corps se réchauffe et se rétablit un petit peu de ses émotions. Je me remets petit à petit et me libère de leur étreinte. J'essuie mes larmes en leur faisant face.

  • Il fallait bien que ça arrive un jour déclare mon papa. Tu es fort fiston, ça va aller ! Est-ce que tu te sens capable de nous raconter ton intervention ? Ça fait partie du processus pour se séparer d'un traumatisme.

Je garde le plaid noué autour de ma taille ayant à présent chaud dans le haut du corps, je laisse tomber mes fesses dans le grand fauteuil.

  • Avec le Lieutenant Thorel, nous sommes partis en inter Cassou et moi avec bien sûr d'autres expérimentés ! Dis-je la gorge nouée, je re fonds en larmes. Accident de la route très grave ! Beaucoup de voitures garées sur la chaussée, n'importe comment en travers ! Un bébé et sa maman morts ! Le père est gravement bléssé, il a perdu énormément de sang, on aurait cru à une boucherie ! D'habitude je ne crains pas le sang mais là il y avait une quantité impressionnante ! Mélangé aux odeurs des réservoirs d'huile et d'essence, ça m'a pris aux tripes ! Cassandra est tombée dans les pommes, les infirmiers ont dû s'occuper d'elle et moi... J'ai commencé quelques actes mais je n'ai pas pu terminer... J'ai gerbé dans l'habitacle, y'en avait partout mêlé au reste une horreur ! Le conducteur en tord était alcoolisé parait-il, lui aussi décédé il est entré en colision avec un bus scolaire ! J'en suis encore tout retourné, j'ai les odeurs dans le nez c'est affreux et c'était choquant comme intervention... Je ne sais pas si c'est fait pour moi ce métier !

  • Ayden, tu me fais beaucoup penser à ta maman déclare mon père. C'est ainsi qu'elle a fait ses débuts et ça a été très dur pour elle. Au début c'est normal d'être sensible et d'être choqué par les premières interventions que tu vas faire ! Mais après tu vas t'endurcir mon garçon. Tu vas apprendre à encaisser. Ce n'est pas l'idéal quand on est inexpérimenté mais le métier va venir ! Sache que l'on passe tous par là quand on débute, tu peux demander à tout sapeur !

  • Je sais exactement ce que tu as vécu mon chéri mon intervention était similaire ! Saches que nous sommes là pour toi et nous t'accompagnerons le mieux possible dans tes débuts de sapeur pompier volontaire ! Va falloir t'accrocher cependant ! Car tu es un garçon sensible et je pense qu'il va falloir que tu sois fort, que tu apprennes à te détacher de tes émotions en intervention sinon ça risque de vite bloquer mon coeur.

  • Et si, ce n'était pas possible pour moi de faire la part des choses ? Je ne vais pas pouvoir supporter des interventions comme celles-ci régulièrement ! J'ai bien vu que mon corps m'a bien freiné ! Je ne me sens pas de revivre ça et chaque mort que je croise, ça m'atteint beaucoup.

  • Alors tu te concentras uniquement sur ton métier de comptable affirme ma maman. Tout le monde n'est pas fait pour ce métier mais nous croyons très fort en toi mon chéri. Papa et maman t'aiment fort tous les deux !

  • Et si je n'y arrivais pas et que je devais abandonner l'idée d'être sapeur pompier, est-ce que ça va vous décevoir ?

Je pose mes coudes sur mes cuisses et ma tête est soutenue par mes mains au niveau de mon menton, mon regard est sans doute rempli de tristesse. Ma maman me caresse les cheveux et la nuque, je perçois de l'attention et de la bienveillance dans ses yeux noisettes.

  • Bien sûr que non mon coeur, du moment que tu es heureux dans ce que tu fais c'est tout ce qui compte pour nous affirme t-elle. Tu devrais prendre une petite douche chaude avant le repas de ce soir ! Ne t'inquiète pas ça sera léger, je peux te faire une bonne soupe !

Je la remercie par un sourire plein de faiblesse, limite ça me coûte des efforts de laisser mes lèvres remonter le long de mes joues. Je m'éclipse à la salle de bain pour pouvoir me sentir propre.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire passionfruits ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0