Chapitre 79 - L'interrogatoire

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Jodie était défaite. Peu dormi depuis vendredi, cette arrestation était le pompon. Pourquoi le sort s’acharnait-il contre elle ? Elle faisait les cent pas dans le petit bureau pendant que les deux policiers étaient en conciliabule dans le couloir. Au travers de la porte, elle ne captait qu'un brouhaha de voix. Elle tendit l’oreille et en distingua deux autres. Une était féminine. Deux minutes plus tard, elle entendit l’un des policiers manœuvrer la poignée pour entrer de nouveau dans la pièce.

Lorsque la porte s’ouvrit, le policier entra suivi par un autre homme en civil. Il ne disait pas un mot. Jodie le connaissait mais elle ne se souvenait d’où.

« Reconnaissez-vous cette femme ? »

L’homme la dévisagea et au bout d’une trentaine de secondes, il déclara :

« Peut-être, son visage ne m’est pas inconnu mais impossible de vous dire plus. »

Jodie de son côté continuait de chercher. Puis ce fut comme un flash. Mais bon dieu, c’était cela… Forcément il ne s’agissait pas d’un gars lambda : c’était le beau-frère de Shany. C’était quoi, son prénom ?

« Patrick ? marmonna-t-elle. C’est moi : Jodie, l’ancienne colocataire de Shany. »

Patrick fronça les sourcils. Il la considéra longuement.

« Bon, j’ai quelques kilos en plus et mes cheveux ont changé de couleur, mais quand même.

— Vous confirmez ? » insista le policier.

Patrick sembla pris de court.

« Je ne l’ai vue que le jour où nous avons emménagé Shany mais oui, maintenant, cela me revient, je confirme que cette jeune femme est l’ancienne colocataire de ma nièce. »

Le policier sembla un peu déçu de cette révélation.

« Qu’est-ce que faisait Clara chez toi ? fit Patrick. Elle y était depuis vendredi ? Pourquoi ne pas avoir prévenu ? »

Jodie s’attendait à la question et malgré les circonstances, elle prit la précaution de resservir le même mensonge à Patrick que celui que Shany lui avait demandé d’inventer pour Jennifer. Elle était encore plus mal à l’aise que la première fois car cette fois-ci, en plus de Patrick, c’était à la police qu’elle racontait une histoire inventée de toutes pièces. Elle ne put aller jusqu’au bout car une infirmière vint l’interrompre.

« Monsieur Cunningham, monsieur Cunningham ! Vous devez monter au bloc tout de suite. Le docteur vous demande ! »

Le visage de Patrick s’assombrit. Il hocha la tête et sans prendre le soin de demander quoique ce soit au policier, embraya dans les pas de l’infirmière. Jodie allait les suivre mis l’homme l’en empêcha :

« Nous n’avons pas fini avec vous. »

Jodie le fusilla du regard mais se retint de tout nouveau coup d’éclat.

*

« Vous allez devoir enlever votre manteau et mettre cette blouse, ces gants, ce masque et ces sur-chaussures, fit l’infirmière devant la porte qui faisait office de sas. Ce n’est pas une salle d’opération mais ici le protocole est tout de même relativement strict. »

Son cerveau se préparait à enregistrer la moindre parole que le médecin allait lui dire pour l’enregistrer, la traiter et ensuite faire ce qu’il fallait pour décider.

Le docteur Marlowe était un type d’une cinquantaine d'années, l’air suffisant associé à son métier de chirurgien gravé sur son visage. Il n’y avait pas grand monde pour l’apprécier en tant qu’être humain parmi le personnel hospitalier hormis les huiles et les administrateurs de l’établissement parce qu’il le mettait en avant de par ses résultats en termes de chirurgie hospitalière d’urgence. Autant pouvait-il maîtriser ce qui composait un être humain en termes d’organes, de veines et autres fluides, autant celui du registre relationnel n’était pas son fort. Il décryptait assez mal les mimiques, les gestes de ces congénères et son discours était souvent de fait totalement inadéquat.

L’infirmière vérifia la tenue de Patrick et fit signe au travers de la vitre à l’un de ses collègues qu’il pouvait venir ouvrir. La pièce dans laquelle ils pénétrèrent était plutôt grande, une cinquantaine de mètres-carré avec quatre lits alignés et tout un tas d’appareils médicaux installés en face. Deux infirmières surveillaient les lieux en permanence. Patrick reconnut sa fille intubée et inconsciente mais qui semblait respirer paisiblement.

« Bonjour Docteur, vous m’avez demandé ? Clara a l’air d’aller mieux comme cela, à vue d'œil. »

Le médecin se pinça les lèvres mais hocha tout de même la tête.

« Elle va mieux, oui, mieux qu’à son arrivée sur place.

— Que s’est-il passé ?

— Difficile à dire, mais elle était en train de se noyer dans ses propres fluides pulmonaires. C’est incompréhensible que sa maladie provoque cela. Là, on s’est évertué à aspirer le maximum pour qu’elle puisse respirer normalement mais il n’est pas dit que cela ne recommence d’ici une heure, un jour, une semaine. Il semble qu’il n’y a aucun signe avant-coureur.

— Ma question va vous sembler complètement bête mais vous conseillez quoi pour la guérir ? »

Le médecin sourit mais en signe de compassion.

« J’aimerais pouvoir vous dire autre chose mais je pense que votre fille ne coupera à la greffe. Nous ne savons pas ce qui ne va pas dans l’organisme de votre fille mais je me dis qu’en lui greffant de nouveaux poumons, on augmente les chances d'éliminer la cause.

— Mais cela n’a jamais été fait dans le cadre de cette maladie, non ?

— Cela n’a jamais été fait mais il faut dire que cette maladie est assez mal diagnostiquée et il n'est pas impossible qu'on l'ait déjà soignée au travers d'une greffe sans le savoir, fit le médecin.

— Mais vous savez que nous avons donné notre accord ?

— Quand ça ?

— C'est récent, c'était ce matin.

— Heureux de l’entendre mais il doit y avoir un souci car j’ai encore regardé tout à l’heure, le dossier de votre fille et aucun accord n’y figurait. Il faudrait que vous voyiez ceci avec le service administratif. Votre accord a dû se perdre.

— Je vais aller voir cela. »

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