Chapitre 65 - Shany dans le colimateur

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Shany s’apprêtait à se coucher lorsque son téléphone se mit à vibrer. Elle était fatiguée et elle fut tentée de ne pas répondre. Elle jeta un œil sur l’écran et son sang ne fit qu’un tour lorsqu’elle vit le nom de Patrick. Il était impossible que son beau-frère l’appelle pour des futilités. Quelque chose de grave devait s’être passé sinon il aurait laissé Jennifer l’appeler.

« Allo, qu’est-ce qui est arrivé ? Clara va bien ? » fit-elle en décrochant.

La réponse se fit un peu attendre.

« Hello, ta question répond à la mienne avant même que je puisse la poser. »

Il y avait clairement de la déception dans la voix de Patrick.

« Je ne suis pas sûre de comprendre. » fit Shany.

« En quoi le fait que je pose une question concernant Clara répond à quoique ce soit ?

— Ecoute, je ne vais pas y aller par quatre chemins. Ta nièce a disparu. Et je pensais que tu aurais pu me dire où elle est allée.

— What ?!!! »

Shany ne put s’empêcher d’hurler dans le téléphone. Elle perdait rarement ses moyens, aussi elle se reprit aussitôt :

« Désolée, pour tes tympans. Mais tu peux m’expliquer ce qu’il s’est passé ? Elle a été enlevée ? Elle s’est enfuie ? T’as averti la police ?

— Pour l’instant, je ne saurais pas te dire. J’ai bien une idée mais rien pour le confirmer. Du coup, je préfère ne rien dire. Pour la police, l'hôpital s'en occupe.

— Je ne comprends pas. Pourquoi tu m’appelles alors ?

— Disons que dans un scénario probable et plus ou moins favorable, je me dis que Clara prendra contact avec toi.

— Mais stop… C’est quoi ce scénario… Qu’est-ce que l'hôpital a fait ou qu’est-ce que, toi, tu as fait pour que Clara ait l’idée de s’enfuir ? »

Patrick resta silencieux à l’autre bout du fil. Il semblait qu’il hésitait ou bien qu’il cherchait ses mots.

« Tu vas me dire la vérité où tu vas me laisser imaginer quelle connerie tu as pu faire pour que cela parte en sucette entre vous ? » insista Shany avec un énervement clairement perceptible.

« Ça va, ça va… » finit par lâcher Patrick.

« Avec ta sœur, vu la détérioration de l’état de ta nièce, nous avons décidé d’approuver la greffe. Et je pense que, même si je ne sais pas comment, Clara l’a appris.

— Et donc ? Tu crois que j’y suis pour quelque chose ? En fait, c’est cela ton idée tordue ? J’y crois pas ! C’est bon. Tiens-moi au courant s’il y a du nouveau à propos de Clara, sinon oublie-moi. » fit Shany en raccrochant sèchement.

Elle était hors d’elle. Déçue, inquiète et pleine de colère. Elle s’apprêtait à jeter son téléphone un peu plus loin sur son lit quand elle remarqua qu’elle avait reçu un message. Elle regarda la notification. C’était un message de Jodie. Décidément cette nuit devenait étrange. Elle lut le message.

Shany ne voulait pas paraître injuste auprès de son ancienne colocataire mais à cet instant précis, son esprit était préoccupé par Clara. Elle alla dans le salon en évitant de faire le moins de bruit possible pour éviter de réveiller Paula qui dormait profondément. Elle avait besoin de boire quelque chose.

Elle ouvrit le petit placard et trouva une bouteille de vodka pratiquement vide. Elle la jaugea du regard et bien que ce n’était pas dans ses habitudes, elle se servit un verre. Elle ouvrit ensuite la porte du réfrigérateur en espérant qu’il reste du jus de fruit pour le mélanger à l’alcool. Puis elle retourna toujours sur la pointe des pieds dans la chambre.

Elle repensa à ce que Patrick lui avait dit. Elle essayait d’évacuer l’idée que Clara ait pu être enlevée. Ce n’était pas impossible mais elle imaginait mal quelqu’un partir de l'hôpital avec Clara contre son gré. A part si elle avait été droguée ou quelque chose dans ce goût-là. Elle ne voulait pas croire à ce scénario. Que Clara se soit enfuie de l'hôpital toute seule était bien plus possible. Surtout qu’elle montrait depuis les dernières années de manière évidente qu’elle pouvait avoir un caractère impulsif. Où est-ce qu’elle aurait bien pu aller ? Shany but une bonne moitié de verre d’un seul coup et le liquide lui brûla l'œsophage. Elle prit son téléphone machinalement et retomba sur le message de Jodie. Le message de Jodie. Et si…

Cela ne pouvait pas être qu’une simple coïncidence. Elle regarda l’heure. Il était trois heures trente. Elle était fatiguée et elle savait qu’elle n’allait pratiquement pas dormir de la nuit mais il fallait qu’elle appelle Jodie pour confirmer l’intuition qu’elle avait.

« Jodie ?

— Hello ma grande… Tu vas bien ?

— Euh, oui et non… Mais c’est toi qui m’a envoyé un message, c’est plutôt à moi de te retourner la question. »

Shany entendit à l’autre bout du fil que Jodie s’enfermait dans une pièce à part ou bien qu’elle baissait le son de sa télévision.

« Qu’est-ce qu’il se passe ?

— Attends deux minutes… Faut que je m’isole.

— Pourquoi ?

— Parce qu’il y a quelqu’un avec moi et que je ne veux pas pour autant que celle-ci soit aux premières loges de ma conversation.

— C’est qui ?

— Eh bien… T’es bien assise là ?

— Oui.

— Eh bien, figure-toi que c’est Clara, ta nièce. Je n’y suis pour rien, je te le promets. Elle a débarqué ce soir. Je ne savais même pas qu’elle savait où j’habitais. Et puis je croyais qu’il fallait surtout pas qu’elle sorte de l'hôpital. Du coup, je ne savais pas trop quoi faire. Je ne voulais pas la renvoyer chez elle comme ça parce qu’elle m’a raconté qu’elle ne voulait pas qu’on l’opère mais que ses parents avaient décidé pour elle. Donc voilà, c’est délicat, je ne veux pas qu’elle me déteste mais je ne veux pas non plus qu’on vienne me reprocher quelque chose s’il arrive un truc… Je me suis dit que cela serait mieux de t’appeler pour que tu me dises quoi faire. Qui aurais-je pu appeler d’autres ? Je ne sais pas dans quel hôpital elle est hospitalisée et je me vois mal appeler ta soeur et ton beau-frère pour leur dire que leur fille est chez moi !

— Je m’en doutais.

— Tu te doutais de quoi ?

— Patrick m’a appelé, il y a dix minutes… Il cherchait à savoir si Clara m’avait contactée ou bien si je savais quelque chose.

— Et tu lui as dit quoi ?

— Bah rien… Que voulais-tu que je lui dise ? Je n’avais pas lu ton message… »

Shany laissa une trentaine de secondes de silence avant de reprendre.

« En fait, je l’ai engueulé.

— Tu as engueulé qui ?

— Patrick, évidemment. De qui veux-tu que je parle ?

— Hé ho… T’énerves pas contre moi… Désolée si je n’arrive pas à suivre… J’ai un bout de ta famille qui débarque chez moi en me mettant dans une situation plus qu’inconfortable…

— Excuse-moi. Clara est chez toi… Tu vas pouvoir l’héberger ?

— Euh…. C’est ça ton idée ? Que je garde ta nièce à la maison alors que ses parents la cherchent ? Qu’elle va peut-être avoir une crise ou je ne sais quoi ? Sérieusement ? En plus qu’est-ce qui me dit qu'ils ne vont pas appeler la police ? Il t’a dit quoi ton beau-frère ? »

Jodie avait raison. Il était clair que Shany ne voulait pas l’impliquer plus que de raison dans cette histoire. En même temps, elle n’était pas fan de jouer dans le même camp que sa sœur et son beau-frère. Elle savait que Jennifer et Patrick pensaient qu'ils agissaient au mieux mais là, c'était uniquement dans leur propre intérêt. Ca, Shany ne l’acceptait pas. Alors, bien qu’elle avait parfaitement conscience que chaque minute passée en dehors de l’hôpital était un risque pour Clara, elle estima qu’il fallait attendre. Attendre au moins sa rencontre avec Milo dans quelques heures. Il fallait cependant rassurer Jodie pour qu’elle ne prenne pas l’initiative de contacter d’une manière ou d’une autre, les parents, l'hôpital ou la police.

« Bon, Jodie, je vais te demander un service. Peux-tu héberger ma nièce pour la nuit ? Ne t’inquiète pas, je m’occupe du reste, de contacter Patrick ou Jenny et je te rappelle demain matin. D’ici là en cas de complication, tu appelles les urgences.

— Euh, t’es sérieuse là ? Tu m’avais bien dit à l’époque que l’état de santé de ta nièce était sérieux et fragile… Et là, tu me demandes de la garder chez moi ?

— Rassure-moi… Chez toi, ce n’est pas un nid à microbes ? Tu nettoies et tu sors tes poubelles…

— Oui, c’est clair que ce n’est pas un dépotoire mais bon je garantis pas que mon appartement soit au même niveau qu’un hôpital.

— Je comprends mais tu n’as pas besoin d’aller si loin. Je suis sûre que tout ira bien et je pense que Clara saura te dire ce qui est important pour sa santé. Elle a quatorze ans et c’est loin d’être une gamine ordinaire….

— Cela, je m’en suis bien rendu compte, figure-toi. Elle a de l’aplomb malgré les circonstances.

— Alors, c’est bon pour toi ?

— T’as l’air pressée… Tu veux m’expédier ?

— Non c’est pas ça. C’est juste qu’il va bientôt être trois heures du mat et que je voudrais dormir un peu pour être en forme demain.

— Ah ouais… J’avais oublié que tu n’étais pas dans le même fuseau horaire. Bon d’accord… Je vais garder ta nièce… Mais tu me rappelles demain sans faute. Je n’ai pas envie d’être accusée de complicité de kidnapping.

— Mais t’as kidnappé personne, c’est Clara qui est venue toute seule chez toi.

— Oui, bah…. Je me comprends….

— Bon allez, je t’embrasse. Tu fais un gros bisou à Clara de ma part.

— Tu veux pas lui parler ? Elle est à côté dans le salon.

— Sérieusement, je suis claquée et si je la prends tout de suite, je suis certaine d’y être encore dans une heure. J’adore Clara mais là, ce n'est pas une bonne idée.

— Ok. Vas… File te coucher. Bonne nuit.

— Bonne nuit, toi aussi. »

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