Sur l'écriture - 1

2 minutes de lecture

jeudi 19 janvier 2023

 L'écriture a de frustrant qu'elle ne m'est pas naturelle. Cela peut sembler étonnant, venant de quelqu'un qui revendique « aimer écrire », qui « écrit » ou plutôt qui « voudrait écrire ». À peine formés dans mon esprit, encore loin de toucher la page, déjà les mots m'écœurent et se dérobent les uns aux autres. L'embarras se fait sentir. Je me trouve plate, impertinente, superficielle... Pire que tout, je me trouve fausse. Voilà, tout cela sonne faux, ce n'est pas ma voix, c'est toujours celle d'un autre, des mots empruntés, que j'arrange maladroitement, dont je ne sais pas quoi faire car ils m'encombrent, ils me tombent des bras, voilà, j'ai encore dix ans et je fanfaronne en trébuchant, je me prends pour une grande personne, pour quelqu'un qui a quelque chose à dire, mais tout le monde voit bien que je joue la comédie.

 Cela saute aux yeux. Les maladresses, les platitudes, les fautes. Mon inexpérience transparaît. Mon jeune âge doit les faire rire. Pire, il doit les attendrir. Le choix des mots me trahit. Ça transpire le mal-être, l'hésitation, l'adolescence et ses idées brouillonnes. Pour cause, les mots, je les connais mal. Ils sont loin de moi. Parfois hors de portée.


 Pourtant, écrire s'impose comme une nécessité. Écrire, c'est toujours dans l'urgence. Je me tiens là, juste là, au bord du lit comme au bord du monde, sur le fil, aux portes d'un ennui terrible, je me tiens là et tout à coup le tonnerre gronde, le ciel se déchire. Il faut écrire.

 J'ai dix-sept ans, il faut écrire, vite, j'ai dix-sept ans, la vie est courte et les belles années me filent entre les doigts. Il faut écrire, ce n'est pas rationnel, juste pour dire quelque chose, il faut dire quelque chose, il faut raconter, pour que tout prenne dans l'encre et se cristallise, pour tout conserver, tout immortaliser. Il faut écrire pour me lire, plus tard, pour me rappeler. Parce que l'avenir est un ciel noir et bas, qui ne laisse rien passer, l'avenir est une toile tendue par-dessus nos têtes, c'est le temps suspendu, c'est l'après, c'est le temps des remords, de l'angoisse et de la mort. Il sera bon, alors, de se relire. Mais pour l'instant, pour l'instant le soleil m'inonde, pour l'instant j'ai dix-sept ans, et il faut écrire, il faut écrire vite avant de mourir, avant de n'avoir plus rien à dire, même plus les mots des autres, il faut écrire et puis mourir, avant de se relire.

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