Après un trajet interminable pour Ned, le ronronnement de la botcar s’éteint. Les portes s’ouvrent sur le paysage de fournaise du bloc usine. Mais les fours sont arrêtés, les machines restent muettes. Seul la clameur lointaine d’une foule compacte s’élève dans la chaleur huileuse. Ned est soulevé de son siège et poussé dehors. Ses vêtements et ses cheveux sont encore pleins de sang coagulé, l’écho des coups de feu est toujours présent.

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Ses yeux cherchent un encrage, quelque chose qui lui ferait oublier ce cauchemar. Ils en trouvent un, la silhouette massive de Moira. La géante l’accueille avec un large sourire. Sa tenue a changé, au lieu d’habits d’ouvrier elle porte maintenant un épais blouson renforcé de plaques de métal, il en va de même pour son pantalon serré dans de hautes bottes de sécurité. Une arme de poing pend à son flanc dans un holster.

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— Voilà notre sauveur ! s’exclame-t-elle.

L’un des hommes en armes derrière Ned lui envoie une grand claque sur l’épaule qui le fait presque tomber.

— Il est un peu dans le coaltar, dit l’homme. ‘Faut dire qu’on a fait un sacré carton là-haut ! T’aurais vu la tronche des aristos. On a fait comme t’as dit, pas de victimes superflues. Le patron du casino, le représentent du CLE, le préfet et notre bien aimé chef de la police sont morts.

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Ned écoute Moira échanger quelques instructions, des ordres de déploiement, des cibles, des contacts…

— Qu’est-ce qu’il se passe à la fin, souffle-t-il.

Moira congédie ses hommes et se tourne vers Ned.

— C’est vrai, tu mérites quelques explications. Après tout tu as un grand rôle à jouer ici mon gars.

Elle le prend par l’épaule et l’emmène à l’écart dans une petit cabane de tôle. Une fois installés et Ned un peu nettoyé Moira expose son plan.

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— Tu sais Ned, au début quand tu m’as raconté ton histoire, j’y croyais pas. C’était trop beau !

— Quoi ? Qu’est-ce que vous… tu veux dire ?

Une étincelle passe dans les prunelles de Moira.

— Tu comprends pas ? Le bloc usine se révolte. Ça fait des mois qu’on se prépare ! Mais les armes, les armures, les espions ça ne fait pas une révolution. Non ce qui nous manquait, c’était un prétexte, une affaire assez énorme pour justifier notre action. Toi.

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Ned s’avachit sur sa chaise. Un prétexte ? Sans voix, il laisse Moira continuer :

— Tu es la preuve vivante, le témoin parfait. Toi un ancien gardien de la paix, tu es la victime d’un système corrompu, la petite étincelle qui mettra le feu aux poudres. Grâce à toi, nos partisans de chaque côtés de la station ne feront qu’augmenter !

— Un prétexte.

Ned se sent désespérément vide, comme si sa conscience venait de le quitter. Il n’éprouve plus rien.

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— Je dois bien avouer que tu m’as prise de court avec ta vengeance, ricane Moira. Mais il me fallait du temps pour dévoiler mes cartes. Malgré tout ton petit carton dans l’entrepôt nous a pas mal aidé. Ça a foutu un sacré bordel !

— Et maintenant ? demande-t-il simplement.

Le sourire de Moira s’élargit.

— Maintenant tu vas me préparer un discours.

— Pardon ?

Quelqu’un pousse alors violement la porte de la cabane et Benji entre en trombe.

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— Ned t’es revenu ! Moira m’avait dit que tu nous laisserais pas tomber. Grâce à toi tout le monde pourra vivre comme sur la face caché !

Ned adresse un faible sourire au gamin. Un bref regard à Moira lui confirme que Benji ne sait pas pour la tuerie. Tant mieux. Il s’efforce à prendre l’air le plus sûr de lui possible.

— Bien sûr Benji. Maintenant que mes… affaires sont enterrées, Moira et moi on va s’occuper de tout.

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Tout sourire, le gosse repart en trottinant. De nouveau seuls, il continuent leur conversation.

— Tu lui a vraiment fait de l’impression tu sais, dit Moira. Il t’aime beaucoup ce gamin. Il compte beaucoup sur la réussite du plan. Il ne comprend pas tout, heureusement pour lui, et je le garde le plus loin possible des interventions… trop musclées. J’aimerai qu’au moins la jeune génération garde un peu d’innocence.

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Ned hésite entre la colère et la résignation. Il finit par choisir la deuxième, après tout…

— Ce discours, j’imagine que je n’ai pas vraiment le choix.

— Non.

Le ton de Moira est de suite moins amical. C’est un ordre qu’on lui donne.

— D’accord. T’as de quoi écrire ?

Nouveau gloussement de la part de la géante.

— Pas besoin. On a une tribune toute prête rien que pour toi. À l’heure qu’il est mes gars ont déjà pris le contrôle des relais de com.

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Ned est conduit à l’extérieur. À pieds ils rejoignent la foule des habitant du bloc usine, attroupée autour d’une large estrade gardée par des hommes de Moira. L’estrade est munie d’un pupitre bricolé à la hâte sur lequel est collé un micro raccordé à divers hauts parleurs. Tous les voient arriver, les vivats fusent de toute part. Son cœur bat à tout rompre. Ces gens qu’il n’a jamais vu l’acclament comme leur héros.

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Un technicien finit de régler le micro. Devant le regard insistant de Moira, Ned prend place derrière le pupitre, il prend une grande inspiration et détail le public devant lui. À sa grande surprise il reconnaît la vieille femme du marché noir. Celle-ci lui lance un sourire de connivence. Il se souvient de ses paroles, avant qu’il ne tue Edouard : « Ce que vous avez à faire là-bas… vous pourriez le regretter. ». Il ne sait trop quoi en penser.

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La foule se tait, petit à petit. Il va devoir parler. Pour leur dire quoi ? La chaleur et la fatigue l’empêchent de penser correctement. Dans l’assistance, certain murmurent. Puis ses yeux tombent sur le petit Benji. Pressé au premier range, le garçon le fixe avec insistance. Le regard plein d’espoir et d’admiration d’un gamin seul sur une station usine perdue aux confins de l’espace. Ce regard lui donne une idée.