Chapitre 9 : Pour des cacahuètes

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Ned raffermit sa prise sur l’arme. Il a malgré tout ôté son doigt de la gâchette. Un geste qui fait s’élargir le rictus d’Arthur.

— Tu ne m’abat pas tout de suite ? J’aurais cru, vue l’état dans lequel on a retrouvé Edouard.

— T’es déjà au courant ?

Ned rentre dans le bureau, son canon toujours pointé sur Arthur. Ce dernier ricane avec un pointe de déception dans le regard.

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— Ned, s’il te plaît. Je te savais naïf mais quand même. Bien sûr que je sais ! Je suis le chef des gardiens de la paix maintenant. Tu croyais que je ne faisais pas surveiller ton compte en banque ? Dès la première dépense j’ai su que quelque chose clochait ! Il a pas fallu longtemps pour relier la mort d’Edouard et toi. Pourquoi tu crois être entré si facilement ici ?

La tête de Ned commence à lui tourner.

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Il replonge dans ses souvenirs. Sa douleur cuisante à la poitrine, sa chute au fond du compacteur. Leurs regard à tous. Le sourire d’Edouard, le soulagement de William, l’indifférence d’Arthur. Ses collègues qui se sont servi de lui comme d’un prétexte, un tremplin pour une vie meilleure. Une vive chaleur lui envahie le visage, une décharge électrique lui parcours l’échine jusqu’à son crâne. Le déclic que sa raison attendait pour vaciller.

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Arthur le regarde droit dans les yeux. Ned s’avance, arme prête à tirer.

— Tu vas payer enfoiré. Tu m’entends !

— Ce petit séjour dans les bas-fonds t’as bien changé Ned. Te voilà prêt à m’exécuter sans procès. Est-ce digne du serment d’un gardien de la paix ? Et tes convictions sur la toute puissante justice hein ? Où sont-elle maintenant ?

— Au diable ce foutu serment ! Tu m’en a libéré au moment où tu m’as tiré dessus ! Maintenant crève.

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Les yeux verts d’Arthur deviennent froids comme la glace, il se lève du bureau, un pulse en main. Ned sent un contact froid derrière sa nuque, une autre arme. Il est piégé.

— Merci William, lance Arthur. Maintenant Ned lâche cette pétoire ridicule et suis nous. On a un travail à finir.

Ned est obligé de s’exécuter. Une main saisit son arme et le pousse à se retourner.

— C’est que t’as encore pris du bide William.

— Ferme la Ned.

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Ils descendent les escaliers. Trois armoires à glace les attendent en bas. Ned serre les poings, il voit mal comment s’en sortir vivant cette fois. Quel idiot il a été de ne pas se douter qu’Arthur ferait surveiller son compte ! Maintenant il va mourir pour des cacahuètes.

Les malabars les entourent. William, il part serrer innocemment la main de quelques clients, mais Ned sait qu’intérieurement il jubile.

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Arthur appui le canon du pulse contre son dos, il cache l’arme sous sa veste.

— Évite d’attirer l’attention d’accord ? Je ne tiens pas à ce que les gens s’imaginent n’importe quoi sur moi. J’ai une image à respecter maintenant.

— Salaud, crache Ned. Comment t’as pu me faire ça ?

— Hey ! J’étais pas tout seul déjà et l’idée du compacter venait pas de moi.

— Pourtant c’est toi qui a tiré.

— Normal ! Il valait mieux que ça soit un ami qui s’en occupe.

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Ned ne sait pas ce qui le retient de se jeter sur Arthur pour l’étrangler de ses mains… Ça serait du suicide évidement mais… il est déjà mort. Alors que cette folle pensée traverse son esprit bouillonnant, il arrivent devant l’ascenseur.

— Je te laisse aux bons soins de ces messieurs Ned. Tu m’excuseras mais j’ai moi aussi quelques mains à serrer. Je vous rejoins juste après.

Ned lui décoche un regard chargé de haine.

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Ned est traîné dans l’ascenseur. Son cerveau fonctionne à toute vitesse, il faut qu’il s’échappe au plus vite. Comment ? Et Arthur qui s’éloigne pour faire des courbettes et sourire à tous ces nantis ! Tous coupable, pense-t-il. Coupable de fermer les yeux, de se vautrer dans leur idée du monde, de la place que chacun doit occuper quitte à jeter leur meilleur ami dans un compacteur. Tous coupable, tous des traîtres, cachés dans une tour de verre.

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Le verre, Ned s’en rend compte. Le bourdonnement omniprésent que Ned entend, à la limite de l’audible. Il vient de dehors. De l’autre côté de la paroi de verre. Il lève les yeux vers le bruit. Encore une fois il croit rêver. Il voit ce qui ressemble à une botcar, rouillée, son métal tordu pour en modifier la carlingue et lui rajouter des moteurs. Deux autres engins s’élèvent dans le ciel, une porte s’ouvre dans la première, dévoilant...

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Ned a tout juste le temps de voir ce que le passager de la botcar a dans les main pour se jeter à terre. Surpris, les hommes de mains n’ont même pas le temps de comprendre ce qui leur arrive. Une nuée de projectiles enflammés traversent les vitres, réduisent le verre en lambeau incandescent dans un boucan infernal. À cela s’ajoutent des cris terrifiés et le bruit désagréable de la chair qui se déchire. Puis vient l’odeur du sang.

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Il se relève lentement, l’un des colosses lui est tombé dessus. Il fait rouler son corps et retient un haut-le-cœur en voyant ses mains gluantes de sang. Il n’y a jamais de sang avec des armes à énergie. Là… Des corps sont étendus dans des positions grotesques, les yeux exorbités dans une expression de peur et de douleur. Certains se traînent à l’abri en geignant, d’autres sont resté debout, miraculeusement indemne et tétanisés.

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Il reconnait l’homme de l’ascenseur, assis contre une table de roulette, le regard perdu dans le vague, une rosace écarlate s’étendant sur son torse. Plus loin, Ned aperçoit William, il pousse des hoquets pathétiques en titubant, son large ventre barré d’une ligne de pointillés rouges. Finalement, ses yeux se révulsent et il s’effondre lourdement, immobile. Ned n’aperçoit Arthur nulle part. Il doit le retrouver.

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Ses oreilles sifflent, un torrent d’émotions contradictoires tambourinent au fond de son cerveau. Ses paupières s’ouvrent et se ferment frénétiquement, il n’a jamais vu ça, ce carnage. L’odeur ferreuse du sang lui donne la nausée, sa gorge le brûle. Arthur. Il doit trouver Arthur. Ses jambes se dérobent en même temps qu’on le saisit par les épaules et le tire en arrière. Des voix lui parviennent en sourdine, il est traîné jusqu’à une botcar.

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Il s’assoit machinalement, encore choqué. Il lance un dernier regard sur le charnier quand une décharge brûlante transperce la carlingue du véhicule à quelque centimètres de sa tête. Enfin il le voit. Arthur sort de derrière les débris d’un bar, son pulse à la main. Sa coiffure impeccable est un fatras de mèches noirs, ses yeux verts le foudroient d’un regard fou.

— NEEEED ! hurle-t-il.

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Ned contemple, impuissant. Avant qu’Arthur n’ai fait un pas de plus, une rafale lui déchire les entrailles, une autre l’atteint à l’épaule. Leur regards se croisent un instant avant qu’il ne tombe sur le côté, une grimace de haine gravée sur le visage. Ned détourne les yeux et fixe le planché du véhicule.

— C’est comme ça que ça se finit… souffle-t-il.

— Pas encore mon gars ! s’exclame un homme robuste assis en face de lui. Moira veut te parler.

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