Chapitre 7 : En tête à tête avec un vieux pote

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Perdu. C’est le premier mot qui lui vient à l’esprit.

« Le raccordement C34 » …certes mais ensuite ? Ned n’avait même pas conscience de l’existence de cette partie de la station il y a encore quelques heures. Et il est agent de la paix bordel !... Enfin, était.

— Vous semblez perdu jeune homme.

Une voix grêle presque chuchotée, lui fait tourner la tête en tous sens mais personne à l’horizon hormis la foule indistincte.

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— Plus bas petit.

Il identifie enfin la source de la voix. Une vieille dame… enfin il ne saurait pas trop dire. Râblée à l’extrême comme le sont ces personnes ayant consacré leur vie à un travail pénible, le visage gravé de rides au point que l’on n’en distingue plus les traits. Seule une petite étincelle de vie brille au fond de deux yeux sombres. Après avoir attiré l’attention de Ned, elle reprend :

— Vous êtes perdu ?

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Il bredouille, ne sachant trop quoi dire. En fait c’est la première fois qu’il demande son chemin sur la station, il n’en a jamais eu besoin.

— Oui je, euh, oui ! Je cherche le raccordement C34.

Un sourire sans dents accueille sa réponse.

— Quelle chance vous avez ! C’est par là que je vais. Suivez-moi mon petit.

La silhouette ramassée s’éloigne en clopinant, faisant signe à Ned. Sans trop savoir pourquoi, il décide de lui faire confiance.

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Pendant qu’il échange des banalités avec la vieille, Ned reste attentif à leur route. Il doit trouver ce fameux entrepôt. Une fois installé, il n’aura qu’à attendre Edouard et lui tirer les vers du nez. En attendant, une personne âgée lui sert de guide dans un dédale de tuyaux d’évacuation désaffectés. Cette réflexion lui traverse l’esprit quand il aperçoit un embranchement marqué d’un sigle représentant une caisse. L’entrepôt.

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Ned remercie la vieille dame pour son aide et s’apprête à courir dans l’embranchement quand une poigne solide lui retient le bras. Surpris, il se retourne. Deux yeux cernés de ride le scrute avec insistance.

— Faites attention là-dedans mon petit. Ce que vous avez à faire là-bas… vous pourriez le regretter.

Sur ces paroles, elle le lâche et poursuis son chemin comme si de rien n’était. Ned hésite, puis s’élance dans l’intersection.

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Le tuyau tourne à gauche. Ned ralentit sa course et se colle à la paroi humide en tendant l’oreille. Un vrombissement entêtant, un moteur électrique. Un bruit malheureusement familier. Ned serre les dents. Un drone de sécurité. Autant dire un mur d’acier inoxydable probablement équipé d’un taser assez puissant pour le griller sur place…

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Cependant, heureusement pour Ned, ces machines sont toujours pourvues d’un programme de présomption d’innocence. Cela devrait lui fournir suffisamment de temps. Il sort de sa cachette et passe nonchalamment le virage, l’air perdu. Comme prévu, une série de chuintements électroniques retentissent.

— Cette zone est interdite citoyen. Veuillez rebrousser chemin.

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Ned déteste la voix monocorde de ces trucs, plus un grondement menaçant qu’une voix. Il est face au dernier modèle de drone humanoïde, enfin si le modèle humain avait été un empilage de cubes de tailles variées montés sur deux pattes disproportionnées. Ned prend un ton inquiet.

— Tu m’as fait peur ! Écoute je suis perdu. C’est la première fois que je viens et… merde.

— Vous pouvez vous perdre où vous voulez citoyen. Mais pas ici.

Charmant.

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— Je veux bien moi mais pourrais m’aider. Je cherche… attends j’ai l’adresse notée quelque part.

Ned doit être le plus proche possible, ou son arme sera inefficace contre le blindage du drone.

— Très bien citoyen. Mais après, déguerpissez !

Il va vraiment falloir qu’il la joue fine… Il s’approche encore, porte la main à son pantalon, ensuite il sait qu’il dispose de moins d’une seconde pour agir…

— POSEZ IMMÉDIATEMENT VOTRE ARME !

Ned tire.

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Le bras engourdit par la décharge d’énergie, il enjambe le drone hors service et pénètre dans une grande salle, partiellement éclairée par une série de LED jaunes sur les murs et le plafond.

Personne.

Il identifie les différents points d’accès. Là d’où il vient et deux larges portes, assez hautes pour laisser passer un petit vaisseau cargo. Ned choisit un coin en retrait, bien caché entre deux conteneurs. Plus qu’à attendre.

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Au bout d’une heure peut-être, l’une des grandes portes s’ouvre lentement. Quatre hommes entrent. Ned reconnait le type en costume blanc de l’estrade suivit de près par Edouard et deux autres gars tout aussi patibulaires. Ned étouffe un juron, un autre drone les accompagne. C’est modèle garde du corps, plus mobile, plus intelligent, plus dangereux aussi.

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Il fait son possible pour se calmer. Il faut prier pour que ce robot ne possède pas de capteurs thermiques, sinon il est cuit. Pour l’instant le tas de ferraille est occupé à traîner une énorme caisse. Ned tend l’oreille.

— On a eu raison de faire confiance à ton pote Edouard ! Avec les nouvelles règlementations sur la marchandise importée et l’aide aveugle des gardiens de la paix, nos affaires vont littéralement décoller.

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La rage commence à se refaire sentir, Ned risque un coup d’œil. Le drone décharge quantité de produits technologique. Des platine de projection holographique, des armes militaires et même d’autre robots. S’il avait toujours son insigne, cela aurait été la prise de sa carrière. Manque de pot, ce coup-ci se sont ses collègues qu’il va devoir arrêter. Et pas avec la manière douce, il prépare son arme.

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— Bon et bien je te laisse finir de décharger Ed, j’ai tous ces jolis crédit à verser sur pas mal de comptes, dont le tien mon salaud ! On se voit ce soir pour fêter ça ? On boira en l’honneur de ton collègue là… Sans sa mort tragique t’en serais pas là après tout.

— Franchement ça serait bien la première fois que je lèverai volontiers mon verre à cet abrutit. Mais c’est vrai qu’il a bien rempli son rôle.

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Ned n’y tient plus. Il jaillit de sa cachette et abat le drone en premier. Un tir en pleine tête, le robot vacille et tombe dans un concert de grésillement. Les autres n’ont pas le temps de réagir à temps, l’un des gardes du corps tombe à son tour, un trou grésillant dans la poitrine. Le deuxième sort son arme, un vrai pulse, mais rate sa cible, une seconde plus tard, il mord la poussière accompagné ensuite par l’homme en blanc en train de fuir.

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Edouard fixe Ned, blanc comme un linge.

— Salut “Ed“ ! Devine qui est là ! Le fantôme des Noël passés.

Edouard tremble de tous ses membres, il recule à mesure que Ned avance vers lui, menaçant.

— C’est pas possible. Putain ! Oh putain c’est pas vrai ! Tu peux pas avoir survécu !

— C’est con hein ?

Un premier rayon transperce le genou d’Edouard qui s’affale en hurlant.

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— Où sont les autres Edouard ! vocifère Ned.

— J’en sais rien ! Putain de merde ma jambe ! Merde !

Ned pointe son canon sur le front de son ancien collègue.

— Dernière chance.

— Le grand casino ! Sur la face caché ! William est le nouveau tôlier ! Bordel j’t’en prie fais pas l’con. En souvenir du bon vieux temps hein ?

— Je vois pas de quoi tu parles.

Le coup part et Edouard cesse de geindre.

—… Bah tu vois que t’es mieux sans moustache.

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