Chapitre 5 : Le marché noir

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Ned pose le pied sur le métal glissant du conduit. Son diamètre est assez grand pour qu’il s’y déplace debout. Moira, en revanche, doit baisser la tête pour ne pas se cogner. La géante est déjà en chemin et se dirige vers une intersection.

— Vous venez ? lui crit-elle. Les enchères ont déjà commencées.

Elle prend l’embranchement sur sa gauche et Ned la perd de vue quelques instant avant de la rattraper.

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Du conduit devant eux monte une rumeur. Une foule importante se rassemble à grand renfort de cris et de discussions étouffées. Ned cherche un détail sur les parois du conduit qui pourrait l’informer sur l’endroit où ils se rendent. Tout ce qu’il arrive à relever, c’est un sigle gravé au laser à chaque nouvel embranchement : une poignée de main.

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— On dirait le logo du Consortium du Libre Échange… il manque le signe de l’infinie.

Moira ricane :

— La station appartient au CLE. Vous croyiez vraiment qu’il n’avait pas non plus la main sur le plus grand marché officieux d’Antares 3 ?

Ned ne répond pas. Il préfère repenser aux différents réseaux de contrebandiers qu’il avait démantelé… avec Arthur. Il pense à cette face cachée de la station dont il n’avait même pas idée.

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Une grille de filtrage se dresse devant eux. Un homme aux allures de coffre-fort, un peu moins grand que Moira, leur barre le chemin. Sans mots dire, il s’écarte et soulève la grille pour les laisser passer. La cacophonie vient de l’autre côté. Au bruit s’ajoute la chaleur moite de centaines de personnes entassées au même endroit.

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La grille passée, ils se frayent un chemin dans la foule compacte. L’estomac de Ned le rappel vite à la raison quand la douce odeur des cacahuètes grillées lui remplit les narines.

— Attendez ! Je vais me prendre quelque chose à manger.

— Vous pouvez vous débrouiller, lui crie Moira. On se retrouve là-bas !

Elle lui montre un carré de diodes rouges pendant du plafond un peu plus loin.

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En levant les yeux, Ned s’aperçoit qu’ils sont au fond d’une immense cuve divisée en plusieurs niveaux. Chacun semble être dédié à un type de produit. À la vue des différents dispositifs électroniques et des pièces de récupération allant de la soupape usagée au moteur à impulsion, il en déduit qu’il se trouve au niveau “technologie“.

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Depuis combien de temps les forces de maintien de la paix sont laissées dans l’ignorance ? Ou peut-être était-ce juste lui ? Lui le flic intègre. Lui que son meilleure ami n’a pas hésité à littéralement jeter aux ordure. Il a besoin de manger quelque chose. De boire aussi. Il se dirige vers le vendeur de cacahuètes le plus proche et prend un grand sachet, avec un verre de jus bleu à l’odeur chimique.

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Ned est soulagé en voyant que le payement fonctionne. Il jette un coup d’œil au bracelet inamovible sur son poignet droit :

« Une chance qu’ils aient eu la décence de ne pas vider mon compte. » pense-t-il.

Il prend le temps de savourer ses cacahuètes avant de se rendre jusqu’au carré de diodes en jouant des coudes. Il y retrouve Moira, facile à repérer avec sa carrure, en train de marchander le prix de son arme de service.

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— Cinq cent crédits pour un pulse en parfait état de marche ? Tu te fous de ma gueule ?

Moira semble se prendre la tête avec un petit homme au crâne chauve. Il porte un implant oculaire dont l’objectif ne cesse de bouger d’avant en arrière pendant qu’il inspecte l’arme.

— Cela me semble pourtant un bon prix. Et puis vous voyez bien qu’il ne fonctionne pas !

Aucun des deux n’a encore eu de pulse dans les mains visiblement. Ça lui donne une idée.

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Il s’avance vers l’étal, l’air de rien, et pose une main sur l’épaule de Moira avec un clin d’œil.

— J’ferais pas confiance à ce gars si j’étais vous ! Il a sans doute jamais touché un vrai flingue de sa vie.

Le chauve devient tout rouge et se met à pester. Quelques badauds s’arrêtent pour observer la scène, amusés.

— Parce que tu penses t’y connaître mieux que moi ?

— T’as besoin de faire calibrer tes lentilles ! La sécurité est toujours mise.

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Ned prend l’arme des mains du revendeur et actionne un petit interrupteur à côté de la gâchette. Une LED verte s’allume et un grésillement électrique parcours le canon chromé.

— Voilà. Il marche si on sait s’en servir.

Le chauve passe de rouge à blanc comme un linge tandis que son implants s’agite n’importe comment. L’attroupement qui s’est formé autour d’eux applaudi ou éclate de rire. Peu à peu, l’étal se retrouve vidé de ses clients.

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Après quelques minutes de recherches, ils trouvent un autre vendeur un peu plus expérimenté.

— Et voilà vos 1200 crédits ! J’ai rajouté un p’tit bonus parce que c’est pas tous les jours que mes clients éliminent tout seuls la concurrence.

Moira empoche l’argent avec le sourire.

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Ned trouve finalement son bonheur dans une boutique plus excentrée que les autres. À sa grande surprise, le vendeur est un synthétique. Son cou trop maigre se penche dans leur direction alors que ces bras recouverts de latex désassemble une sorte de fusil pièce par pièce.

— Bienvenue dans mon humble boutique, leur lance-t-il avec sa voix monocorde.

— Bonjour… Combien pour ce… cet article ?

Ned lui montre une étrange arme de poing.

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La machine se penche sur l’objet. Ses lentilles monochrome papillonnent.

— Bon choix. Modèle à impulsion n°12. Un peu moins puissant qu’un pulse standard mais tout aussi meurtrier. S’il ne vous explose pas au visage.

—…

—…

— Je plaisante.

Ned pousse un long soupir. Ce synthétique doit avoir grillé son interface comportementale.

— Cela vous coûtera six cent crédits. L’utilisation est la même qu’un pulse standard.

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Ned inspecte l’arme avec une mine plutôt satisfaite. Ça fera l’affaire.

— Pour l’entretien, reprend le robot. Je vous conseille un nettoyage régulier à l’aide d’une bombe aérosol pour les produit électronique. Il se trouve que j’en vend, pour deux crédit seulement. Testé sur ma personne et approuvé.

Il n’arrive pas à savoir ce qu’il doit penser de cette dernière phrase. Ned déglutit mais décide quand même de prendre une bombe en plus.

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Ils remercient le synthétique. Ned range sa nouvelle arme dans son pantalon et tous deux repartent vers la sortie.

— Et maintenant ? Vous allez faire quoi ? questionne Moira.

— Je n’en sais trop rien pour l’instant. Je vais me trouver des habits plus… saillants et en savoir plus sur…

Ned s’arrête comme frapper par un éclair, les yeux rivés sur une estrade un peu plus loin.

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Moira lève un sourcil intrigué et regarde en direction de l’estrade sans comprendre. Ned en revanche… Son cerveau bouillonne. Il le voit. Debout derrière un homme en costume blanc. Cette même moustache toujours trop fine sous son long nez. Edouard Céside. L’un des enfoirés qui l’ont laissé pour mort.

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