Chapitre I : Un sarcophage de ferraille

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Il étouffe. Une épaisse plaque de titane rouillé lui comprime l’estomac, ses jambes sont empêtrées dans un entrelacs de fils électriques à moitié dénudés et il s’est déboité l’épaule droite en tombant. Mais le plus inquiétant dans l’immédiat, c’est la douleur électrique qui lui parcourt les boyaux.

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Un compacteur ! Ils l’ont balancé dans un putain de compacteur d’ordure ! Il ose à peine bouger. Allongé sur cet entassement instable de détritus, le moindre faux mouvement pourrait lui valoir bien pire qu’une épaule en compote… Il plisse les yeux pour mieux s’y retrouver dans l’obscurité crasse. Sa respiration est étouffée par l’odeur rance de la rouille mêlée au lubrifiant pour moteur.

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Il essaie d’appeler à l’aide mais il n’obtient qu’une quinte de toux suivie d’un goût de fer qui lui emplit la bouche. Sa blessure au ventre est pire que ce qu’il pensait. Il ne sait pas combien de temps il est resté inconscient dans cet état. Il se souvient des rires mesquins de ses collègues, de la voix amicale de son coéquipier… et de la décharge cuisante d’un coup de pulse en plein ventre.

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« C’est pas de gaieté de cœur Ned tu sais. Mais tu nous laisses pas le choix. »

L’enfoiré. Que les autres aient été des ripoux, il s’en doutait depuis longtemps. Mais Arthur… Son coéquipier qui lui avait déjà sauvé la mise plus d’une fois. Son ami avec qui il fêtait chaque dossier classé avec une pinte dans chaque main. Arthur lui avait tiré dessus à bout portant.

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À peine cette réalité le frappe-t-elle avec violence qu’un grincement inquiétant le rappelle à sa situation. Un fagot de barres de fer s’effondre à quelques mètres dans un vacarme assourdissant. Son cœur se met à battre à toute vitesse et la douleur dans son ventre se fait plus vive. Un autre grondement achève de la persuader. Le compacteur se met en marche.

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Un grincement parcourt les épais murs d’acier noirci qui l’entourent. D’autres tas de ferraille s’écroulent et s’entrechoquent dans un concert de tôle froissée. Le goût écœurant du sang empli de nouveau sa bouche alors que son pouls devient de plus en plus irrégulier, la panique a fait son chemin jusqu’à son cerveau engourdi, ses tempes battent à lui en faire perdre la raison. Un morceau de métal heurte son front, il s’évanouit.

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Il entrouvre les paupières. Des flashs de lumière blanche passent devant son regard embué, il entend des voix. D’abord sourdes, lointaines, puis de plus en plus proches. Les flashs aussi semblent se rapprocher. Est-ce qu’il est mort ? Il ne sent plus rien à part cette éternelle douleur à la poitrine. Sa gorge le brûle, il se met à tousser.

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— Hey ! Vous avez entendu ça ?

— Un bout de ferraille qui s’est cassé la gueule pas la peine de stresser. On est tranquille ici, personne vient jamais.

— Nan c’est autre chose. Ça v’nait de par-là sous cette grosse plaque.

Les voix sont toutes proches maintenant. Une vive lumière l’aveugle totalement, ses paupières se contractent.

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— Tu vois qu’j’avais raison Moira ! Y a un type ici !... Bah merde j’crois bien qu’c’est une tête de sceau !

— Pas possible, si c’en est vraiment un il serait clamsé depuis un bail.

— Nan j’te jure ! Il est salement amoché on dirait. Mais y respire !

Encore une lumière, plus intense. Cette fois il convulse et sent un liquide poisseux couler sur son menton.

— Merde alors. Le gamin a raison.

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— Qu’est-ce qu’on fait ? On l’achève ?

— Pas con.

— Mais c’est horrible ! On peut pas le laisser là !

— Écoute Benji. On peut pas retenir le compacteur éternellement et on a besoin de pièces pour avoir de quoi bouffer avant la prochaine rotation. Donc c’est dommage, mais c’est pas not’problème.

— Mais si on le sauve, il pourra sûrement nous donner un tas d’crédits !

— Pas con c’que dit l’petit… T’en penses quoi Moira ?

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Au milieu du brouillard rouge vif de son regard, une silhouette imposante se détache.

— On l’embarque avec nous, profitez-en pour récupérer le cuivre qu’il a autour des jambes et on emporte ce bloc moteur là-bas.

— Trop bien !

— J’espère qu’on le regrettera pas… enfin.

Un tintamarre métallique s’ensuit. Il se sent soudainement beaucoup plus léger. Alors que son corps est soulevé du tas de déchets, il sombre de nouveau dans l’inconscience.

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