Vrai...

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Barbara Keane.

La jeune femme est assise à une table dans une pièce à la décoration plus qu’épurée. Finalement, à part cette table, cette chaise et sa jumelle, rien n’habille le lieu. Elle attend, levant les yeux au ciel d’un air agacé, retouchant parfois son carré blond coiffé sur le côté, soupirant en croisant les bras le reste du temps.

La porte s’ouvre, deux hommes entrent. L’un porte un trench-coat brun, l’autre n’a sur lui aucun vêtement remarquable. Il se poste près de la porte, dans l’ombre, tandis que l’homme à l’imper’ s’installe face à Barbara, ôtant son manteau. Il porte en dessous un costume de bonne facture, bien boutonné, élégant mais non trop habillé. Il dépose sur la table un dossier jaune, plutôt épais, et esquisse un petit sourire, sincère. Son visage est amical, il a un air doux mais un peu triste, parfois même de chien battu tant son regard est expressif. Il donnerait même envie de se confier à lui. La femme penche la tête sur le côté, muette, mais attendant visiblement des explications d’un air désapprobateur.

- Mademoiselle Keane. Vous vous souvenez de moi ? Lance l’arrivant avec un petit sourire avenant.

Elle semble réfléchir, plissant les yeux un instant avant de les rouvrir nettement, souriant à son tour, sûre d’elle et désormais chaleureuse, une pointe de malice dans le regard.

- Vous êtes un collègue de Jim.

- Un collègue de Jim. Du lieutenant James Gordon, c’est exact, répond-il après une brève hésitation. Chuck Aule. Vous savez pourquoi vous êtes là ?

- Aucune idée, dit-elle, déjà ennuyée, s’affalant sur le dossier de sa chaise en croisant les bras et baladant son regard partout sauf sur son interlocuteur. Jim a réintégré le GCPD ?

- Euh... Je vous demande pardon ? demande l'homme à l'imper, ne saississant visiblement pas la question.

- Jim. Après le meurtre de ce type, il avait été suspendu, mais vous avez dit être son collègue et pas son "ex" collègue, donc... Ca veut dire qu'il a repris ses fonctions, pas vrai ?

- Oh, euh, oui oui, rétorque-t-il, sans conviction. On peut y aller, miss Keane ?

Elle hoche une fois la tête, calme, royale. Barbara joue les grandes dames, du fait de son éducation issue d'un milieu plutôt aisé, et de ses "responsabilités". Pourtant elle ne peut masquer des éclairs de folie, qui font sursauter voire effraient certains. Rien de dangereux, seulement quelques réactions parfois violentes et démesurées... Chuck s’éclaircit la voix, toussotant deux fois tandis qu’il ouvre le dossier posé devant lui. Il se lance dans une énumération, comme s'il découvrait le contenu de la pochette qu'il a lui même apportée.

- Barbara Keane… Vous avez vu un assassin tuer vos deux parents sous vos yeux et depuis vous avez été internée… Dans un établissement du nom de… Arkham, vous confirmez ? Énonce-t-il d’un ton calme en fronçant les sourcils, le regard tantôt sur les lignes du dossier, tantôt sur Barbara.

- Ouaip… soupire-t-elle.

- Vous pouvez me dire ce que vous avez vécu après ?

- Les plus belles années de ma vie, rit Barbara, amusée, mais toujours avec cette air moqueur et condescendant.

Chuck se redresse un peu, perplexe. Il garde les yeux rivés sur les pages de son dossier.

- Barbara… Vous pouvez me dire combien de fois vous avez séjourné à Arkham ?

- Une. Seule. Fois.

Après avoir laissé un lourd silence planer, elle s’est rapprochée et à jeté ces paroles au visage de Chuck comme s’il l’avait insultée, la mâchoire serrée et l’oeil menaçant. Son regard félin, fixé sur Chuck, est traversé de mille émotions, mille aspects de sa personnalité, de la tristesse, de la noirceur, de la folie, du regret peut-être, à tel point qu’il brille, qu’il pétille même : On devine que tout dans sa tête va à une vitesse folle et qu’elle pense à tout à la fois.

Chuck prend le temps d’affronter ce regard, de le lire, de l’observer. Une joute silencieuse semble se livrer. Lorsqu’il estime avoir assez fait durer cet échange, qui ne durera finalement qu'une poignée de secondes, il baisse les yeux vers son dossier et poursuit.

- Parlez moi de ces belles années que vous évoquiez.

Radoucie, elle répond, le plus simplement du monde.

- J’ai fait partie d’un groupe… De gangsters, je crois qu’on peut dire que c’est le mot. Nous avions été choisis, nous étions l'élite des hors-la-loi. Et puis petit à petit j’ai travaillé avec le Pingouin, et puis je suis devenue la reine, la reine de Gotham…

- Vous êtes sûre que ces événements se sont bel et bien déroulés ?

- Vous me traitez de menteuse ? Demandez à Jim… se défend-elle alors qu’elle hausse un sourcil condescendant.

- Je veux m’assurer que vous n’avez pas… Perdu la mémoire. Qui est ce... Pingouin ?

- Oswald. Un éclopé avec un cerveau en très bon état qui a doublé tout le monde dans le milieu de la pègre. Mais il a trouvé un adversaire à sa mesure… dit la jeune femme, souriant fièrement.

- Hm hm, qui ça ? Demande Chuck en levant les yeux vers elle, feignant n’avoir pas compris où elle voulait en venir.

- Moi ! Crache-t-elle, la mine déconfite, le regard sévère, déçue de n’avoir pas été une évidence pour son interlocuteur.

- Ah.

Barbara hausse un sourcil en secouant légèrement la tête, à nouveau agacée. Elle ne quitte pas Chuck des yeux, essayant de lui montrer son incompréhension qu’il n’ait pas trouvé évident qu’elle Barbara Keane, puisse doubler le Pingouin, mais surtout de le faire se raviser.

- Oui, bien sûr, ajoute alors l’homme en hochant la tête, n’y mettant pas tellement de conviction. Et maintenant vous en êtes où ?

- Il a repris sa place et joue au petit chef. Moi je suis son « associée » depuis qu'il n'a plus son toutou habituel, lance-telle, décontenancée. C'est pas plus mal, avec tout ce qui traîne en ville. Même son meilleur conseiller a tenté de le doubler. Vous savez comment il se fait appeler ? L'homme-Mystère. L'homme-Mystère ! C'est tellement ridicule.

- Barbara ce que je vais vous dire va vous paraître étrange mais… Toute cette vie que vous avez eu après Arkham… Est-ce que vous ne vous demandez pas parfois si vous n’avez pas tout inventé ?

- Je vous demande pardon ? Comment voulez vous que j’aie inventé tout ça ?

- Eh bien… Et si vous n’aviez jamais quitté Arkham… Et que vous aviez… Rêvé cette vie ?

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