Le test

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Je faisais les cent pas dans et devant l'église pour tuer le temps. Joséphine était repartie depuis longtemps avec sa camionnette. Je me demandais pour quelles raisons on ne l'avait jamais questionnée, alors qu'elle était présente avant moi dans toutes les rencontres avec les divers Jésus.

J'avais été surpris de la rapidité avec laquelle elle m'avait retrouvé, au travail, chez moi, et chaque fois pour me présenter un nouveau phénomène.

Je l'avais été aussi quand, quelques minutes après avoir pris la décision de transférer la petite troupe chez le curé, elle nous présentait la camionnette que nous allions utiliser et que je n'avais jamais vue auparavant.

J'oubliais dans cette liste l'épisode de la boite de nuit, dans lequel elle me parla pour la première fois d'un Jésus. Pourquoi m'avait-elle dit à ce moment, et je me souvenais des mots exacts utilisés, comme si elle voulait nier toute relation:

Et il ne vous a pas demandé à vous de croire en lui ?

Si, mais je ne me crois pas obligée de vous en dire plus, juste comme ça.

Et, si le papier tue-mouches, c'était elle ?

Quelles raisons aurait-elle de me repasser systématiquement la patate chaude ?

Pourquoi à moi ?

Pour quelles raisons, alors qu'elle avait été citée précisément, pour toutes ses interventions dans cette affaire, elle semblait installée dans la tache aveugle de l'histoire, me propulsant au centre de l'attention générale?



J'attendais toujours sur la place devant l'église, quand j'ai vu arriver en file indienne plusieurs corbillards qui allèrent se garer dans une rue adjacente.

Des hommes en sortirent et ils entrèrent dans l'église.

Je les avais suivis et j'avais vu qu'ils se dirigeaient droit vers la sacristie. On leur avait ouvert, et la porte s'était refermée.

J'étais consterné et effrayé à la fois.

La religion ne rigole pas, souvenez-vous de l'histoire de Noé.

Je me demandais s'ils étaient capables de zigouiller les Jésus pour effacer toutes traces, pour éviter un scandale. Ces Jésus étaient inconnus, sans papiers, donc, faciles à faire disparaître pour des personnes disposant de corbillards.

Après, un petit coup de confessionnal, et on effaçait tout.

Et je ne devais pas non plus oublier que le seul témoin, dans cette affaire, qui avait marqué les esprits, c'était moi. Je me sentais menacé.

J'étais partagé entre la certitude qu'ils ne pouvaient pas me faire ça, et la certitude opposée, que s'ils décidaient de se débarrasser des prophètes, je ne représenterais pas pour eux un problème moral insurmontable.

À ce moment-là, j'aurais souhaité avoir ma moto à côté de moi pour pouvoir fuir en cas de menaces.

J'étais resté stoïquement sur la place, et j'avais attendu.

Longtemps.

Au petit matin, le curé était venu me chercher. Au moment ou j'entrais dans l'église, les hommes des corbillards en sortaient, et, quand on s'était croisé, la terreur me tenait. Bon, si c'est fini, c'est fini.

Contre six mecs et un curé, je n'avais aucune chance de m'en sortir.

Mais ils poursuivirent leur chemin sans même m'adresser un regard.

Quand nous sommes entrés dans la sacristie, je constatais que l’évêque avait disparu. Il avait dû sortir par une autre porte.

Le curé me sourit.

- Voilà, c'est fini.

- Comment ça, c'est fini ?

- Nous avons résolu notre problème.

- Ils sont morts ?

Il se mit à rire.

- Non, les hommes que vous avez vus ne sont pas des tueurs, mais des spécialistes dans la détection des faux prophètes.

- Et alors ?

- Et alors, il semble que ce soient de vrais prophètes, mais pas finis du tout. Une erreur lors de la duplication probablement.

Ils disposent d'une énorme connaissance livresque de la bible et de la religion en général, ils sont capables de petits trucs que l'on pourrait assimiler à des miracles, ils ont quelques possibilités de connaître certains détails sur la vie des gens qu'ils rencontrent, mais ils sont incapables de se débrouiller seuls dans leur vie. Ils sont comme des enfants, il leur faut un adulte à côté d'eux à chaque instant.

Ils ont totalement collaboré aux tests, sans tenter de tricher. Ils sont tous bien conscients d'être dans une impasse. Ils sont perdus, et ne semblent pas capables de contacter le là-haut qui les a laissé tomber.

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