Un rêve qui me botte

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Enfin à la maison !

J’ai la tête qui tourne. Je suis fatiguée. Mes bras. Ils pèsent une tonne. Mes jambes ne veulent plus me porter et…

J'arrive juste à temps aux toilettes. Je me vide. Il me le fait payer ce troll. Il faut que je m’allonge.

Sur le lit, le plafond tourne. Il y a une toile d'araignée. La toile est habitée. Elle a les mêmes yeux que Marvin. Il lui sourit.

« Hum, comme c’est bon de te revoir !

— C’est à moi que tu parles ou à mes seins ?

— C’est pareil non ? Tes seins font partie de toi.

— Ce n’est pas exactement la même chose. Je ne suis pas qu’une paire de seins.

— Tu es la paire de seins la plus bandante qui soit.

— Ce n’est pas non plus la réponse que j’attendais.

— Et ça, ça te convient comme réponse ? »

L’image se brouille.

« Tu m’as tué.

— Tu n’existais pas.

— Mon cœur battait.

— Tu n’étais qu’une tache.

— Je n’étais qu’un cœur.

— Tu n’étais qu’une graine.

— Une graine d’amour. »

L’image se flétrit.

Marvin est un jeune métis. Il a hérité de sa mère guadeloupéenne le teint mat, des lèvres pulpeuses et des fesses rebondies. Son père vietnamien lui a légué son regard tendre et italique. Il s’effeuille devant Sandra, l’embrasse sur tout le corps, lentement. Il la déguste, l’effleure de son nez, presque tendrement.

Sandra ne bouge pas.

Marvin ondule avec grâce. Ses mains, ses bras, ses jambes, sa bouche, son sexe, tout en lui n’est que volupté, désir et caresse.

Sandra écarte les jambes.

L’image se distend.

« Je n’ai pas d’amour à donner.

— Je l’aurais fait germer.

— Je t’aurais laissé moisir.

— J’aurais été ta pénicilline.

— Je préfère les pénis en ligne. »

L’image se déchire.

Sur les cuisses offertes, Marvin dessine des ronds délicats avec ses doigts, des esperluettes avec sa langue. Pas d’infini, non, il veut garder la porte ouverte. Celle vers la sortie. Le petit trou comme on dit.

Le corps de Sandra reste figé.

Marvin tourne autour du bouton, il prépare sa clé, lui met sa capuche et trouve la serrure. Il s’enfonce sûrement, ajuste son sésame, s’enfonce à nouveau, se retire, tourne et la retourne.

Sandra garde les yeux fermés.

L’image se vrille.

« Tu es seule.

— Je suis libre.

— L’es-tu vraiment ?

— Je n’ai aucune obligation.

— Ni aucune joie. »

L’image s'ellipse.

Sandra ne bouge toujours pas.

Marvin la caresse. Il ne parle pas, la regarde. Des étoiles dans les yeux, il la voit. Une main sur sa joue, un pouce sous son œil, il recueille une unique larme.

L’image se voile.

« J’ai plein de petites morts.

— Mais pas la grande vie.

— C’est quoi vivre ?

— C’est aimer. »

11 h 00

C’est ce qu’affiche la pendule du salon lorsque je m’y traîne après cette nuit de rêves entrecoupés de réveils en sueur glacée.

Mes muscles sont douloureux, ma tête embrumée et mon ventre tordu de crampes violentes.

Cling ! C’est encore Treatland.

Après un bain chaud qui n’aura détendu que les pores de ma peau, je décide qu’il me faut de l’air. Frais, si possible.

Une balade dans le centre piéton et ses boutiques chic devrait me rasséréner. J’adore l’odeur du cuir et des croustillons. Des croustillons, oui ! C’est ce dont j’ai besoin. Oh et des bottines aussi, de jolies bottines en cuir tendre.

Juchée sur mes Jimmy Choo, je pars à la rencontre de mes futures chéries. Il n’y a rien de mieux pour me remonter le moral qu’une paire de chaussures faisant l’amour à mes pieds pendant que de tendres beignets sucrés fondent dans ma bouche.

« Aïe ! Mais faites attention Madame, enfin. Vous êtes dangereuse avec votre engin ! »

Une espèce de mégère vient de rouler sur mes escarpins avec sa poussette. Non mais vraiment, faudrait passer un permis avant de faire des gosses ! Je pose une main sur mon ventre qui se crispe instantanément. Je la retire aussi vite et reprends ma marche vers les bottines de mes rêves.

Cling ! Treatland, toujours. J’ai une nouvelle demande de contact.

Cling ! Merwann est à 600 mètres.

Cling ! Merwann vous propose une rencontre.

Cling ! Merwann vous a envoyé une photo.

Je me fous de Merwann. Hum, mignon quand même. Mes bottines ou un casse-croûte ? J’arrive devant la vitrine. Bottines !

« Bonjour madame Geffroi !

— Bonjour Sandy.

— Vous êtes venue pour les Tanya 100, n’est-ce pas ? J’ai vu vos yeux s’illuminer quand vous les avez chaussées la dernière fois.

— Oui, c’est ça.

— Toujours en 36 ? Rose ballerine ?

— Toujours.

— Je vais les chercher. Je reviens tout de suite, en attendant, prenez vos aises. »

C’est si bon de se faire chouchouter. J’aime ce luxe, toutes ces choses parfaitement inutiles mais pourtant si chères ! Cette vie serait impossible avec un enfant.

Sandy reparaît accompagnée d’un femme.

« Merci beaucoup Madame Vitura, passez une excellente journée. Au plaisir de vous revoir chez nous.

« Madame Geffroi, je suis désolée. Vraiment confuse. Madame Vitura vient de partir avec notre dernier exemplaire de Tanya 100 en 36.

— Comment ?

— Oui, vous comprenez, elle… enfin, euh… Je suis désolée. Nous ne les avons plus en 36. Mais… »

Je ne l’entends plus. Cette femme, cette Madame Vitura, avant de quitter la boutique m’a fait un sourire. J’ai envie de l’égorger. Est-ce parce qu’elle est partie avec mes bottines, MES bottines ? Ou est-ce parce qu’elle est magnifique ? Est-ce parce qu’elle respire la joie de vivre, le bonheur ? Ou est-ce parce qu’elle est enceinte jusqu’aux yeux ? Ou est-ce parce qu’elle est magnifique enceinte jusqu’aux yeux, qu’elle respire le bonheur et qu’ELLE EST PARTIE AVEC MES BOTTINES ?

Oui, j’ai crié. Le sourire de cette pouffiasse s’est effacé et elle est partie en trottinant, moi, en maugréant.

Cling ! Merwann a quitté la zone.

J’aurai dû choisir le casse-croûte.

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