Confirmation

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« Bonjour Sandra.

— Docteur.

— Comment vous sentez-vous ce matin ? Ces deux jours ne vous ont pas semblé trop difficiles ?

— J’ai l’impression d’être passée sous un rouleau compresseur, j’ai mal partout, des crampes à en mourir, la nausée et envie de pisser toutes les trois minutes. Tout va super bien !

— Je comprends, ce sera bientôt terminé. Avez-vous eu des saignements en plus des crampes ?

— Non.

— Bon, nous allons passer derrière et je vais regarder où nous en sommes. »

Je me déshabille en silence, résignée, lasse. Cela fait deux nuits que je n’ai pratiquement pas dormi si ce n’est quelques heures pour que le troll puisse pervertir mes rêves en plus de torturer mon corps avant qu'il ne s'en arrache définitivement. Je regrette aussitôt ma pensée. Puis non, je vis un enfer ! Pourquoi ça m’arrive à moi ?

Parce que t’es une traînée, une garce sans cœur, il fallait que tu paies ! Voilà qu’il me parle alors que je ne dors même pas. Il faut que tout s’arrête !

La toubib tourne et retourne son engin en moi. Ce pourrait être agréable si ce n’était si atrocement indolore. Elle scrute son moniteur que je refuse obstinément de regarder. Pour occuper mon œil aux tendances belliqueuses, j’observe le visage de cette Madame Lapaluch. Ses yeux se plissent, se rapprochent de l’écran, elle oriente encore son outil puis se fige. La bouche entrouverte, elle me regarde puis revient à son affaire.

« Il y a un problème ?

— Non. Je… Tout a l’air d’aller pour le mieux. »

Son sourire et son ton professionnel reviennent. La surprise que j’ai cru déceler s’est envolée.

« Rhabillez-vous, nous allons pouvoir passer à l’étape suivante. »

Elle contourne le paravent et se remet à son bureau.

« Vous me disiez avoir eu des nausées. Il faudra me le signaler si vous en avez de nouveau d’ici les deux heures qui vont suivre. Prenez ce comprimé. Vos douleurs vont s’accentuer jusqu’à ce que votre corps ait éliminé ce qu’il doit. Ensuite, elles s’estomperont. Le tout peut prendre plusieurs jours, ou plusieurs semaines. Nous nous reverrons dans un petit mois pour une visite de contrôle. Que dites-vous du vendredi premier avril ?

— Le jour des blagues, veille de la chasse aux œufs, quel meilleur jour pour faire le bilan du meurtre d’un troll ?

— Je ne suis pas certaine de vous suivre.

— Ce sera parfait, quelle heure ? »

Après les dernières recommandations d’usage, notamment sur le port du préservatif en l'absence de possibilité de contraception et une ordonnance pour des antispasmodiques, le docteur Lapaluch me souhaite bon courage en me raccompagnant à la porte. Son sourire est sincère, ses yeux compatissants, sa main dans mon dos aussi douce qu’une caresse.

Furtivement, je revois ma mère, si j’en avais eu une. Je sais qu’elle m’aurait regardée et touchée comme cela.

Ma nuit est ponctuée de nausées et de crampes, pires que les deux précédentes. Mon réveil sonne sept heures. Fourbue, je m’extirpe du lit et me traîne jusqu’à la salle de bain. En voyant mon visage, j’appelle Corinne, à l’agence. Je ne peux pas m’y présenter avec cette tête. Elle n’y sera pas encore, évidemment, et c'est parfait. Je pourrai laisser un message sans avoir à répondre à des questions embarrassantes.

« Survival and Co, à votre service.

(Merde !) Bonjour Corinne, c’est Sandra. Déjà au bureau, t’as dormi là ou quoi ?

— Ça te regarde pas, qu’est-ce que tu veux ?

— Écoute, je ne me sens pas bien. J’ai dû choper un truc, je veux pas le refiler à tout le monde. Je vais bosser de la maison aujourd’hui si ça te va.

— T’as encore pris une cuite ou t’as un trop bon coup pour le laisser partir ?

— Je suis vraiment pas bien, Co.

— Ouais, c’est ça. On va dire que je te crois. Mais je veux tes rapports ce soir avant dix-sept heures trente. Je vois le représentant du groupe asiatique à huit heures demain.

— Tu les aur... »

Elle a déjà raccroché. Douce Corinne, tendre copine. Une vraie tarée, au bureau à sept heures, sérieux ?

L’urgence d’une visite aux toilettes me coupe l’envie de maugréer sur ma patronne. J’y découvre ma culotte tachée. Nettoyage et protection mise en place, je suis soulagée. Je sens que je vais pouvoir reprendre ma vie en main. C’est sûr.

Cling !

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