Introduction: Space Dating

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Shaun avait toujours apprécié ces longs moments précédents une rencontre, il se souvenait des paroles d’un de ses Professeur de Philosophie. L’attente est souvent plus délicieuse que l’objet en lui même, imaginer tout ce que l’on fera avec l’objet désiré est parfois plus excitant que de le posséder. Shaun avait apprécié ce professeur aux tendances cependant sexistes, cela lui semblait ridicule qu’une personne cultivée et ayant ingéré de nombreux ouvrages de philosophie, puisse avoir une telle attitude. Mais de son statut de lycéen il ne pouvait s’empêcher d’admirer ce personnage, au caractère désinvolte et plein de contradictions. Il se remémorrait souvent des souvenirs fugaces, ou plutôt ces souvenirs surgissaient des méandres de sa pensée et s’imposaient à lui. Il s’estimait chanceux car aujourd’hui, il s’agissait de pensées heureuses, ou de phrases l’ayant marqué dans son adolescence. Mais il arrivait parfois dans ses mauvais jours qu’il se surprenne à se remémorer des paroles blessantes, des piques acerbes, qu’il avait subis parfois même dans ses années de primaires, et cela l’exaspérait au plus haut point, pourquoi son cerveau avait utilisé une précieuse parcelle de sa mémoire, et y avait soigneusement rangé ces parcelles de vies douloureuses, alors qu’ils peinait parfois à apprendre ne serait-ce que deux pages de cours. Mais la mémoire est comme ça, est pour une raison qui lui sont propres elle décide ou non de stocker des éléments, aussi inutile ou douloureux soient-ils.

Shaun soupira d’aise perdu dans ses pensées, et fût surpris de voir un diabolo à sa table de terrasse, le serveur avait dû lui apporter, et le déposer sans le déranger, peut-être avait-il respectueusement jugé qu’il n’était pas nécessaire de le sortir de sa rêverie, ou peut-être n’était-il tout simplement pas bavard, peu lui importait la raison Shaun était satisfait d’avoir pu ainsi prolonger son songe, et plus particulièrement il n’avait pas eu à subir de taquineries douteuses, du fait qu’il était seul à sa table de bar. Il était mal vue en société de se perdre ainsi dans les méandres de son imagination, au pire on pouvait lui reprocher d’être dans les nuages, d’être tête en l’air, son interlocuteur se vexait parfois de son écoute peu attentive, comme si ses pensées étaient plus importantes que la conversation présente. Shaun avait l’habitude de ce genre de scène et s’excusait platement avec un sourire, les personnes qu’il côtoyait régulièrement ne s’alarmaient même plus de ce genre d’incidents, et reprenaient la conversation là où Shaun avait décroché. Malgré sa manie à s'isoler régulièrement de la réalité Shaun été une oreille attentive, et savait se montrer agréable. La plupart des gens pensait-t-il n’attendent pas d’une conversation un échange, mais plutôt de la monopoliser, cela lui convenait car il prenait un plaisir certain à écouter tout type de personnes. Son expérience de confident lui avait appris à ne pas conseiller, mais seulement écouter et surtout commenter au bon moment. Quand une personne lui confiait ses déboires, qu’ils soient sentimentaux, professionnels ou même parfois risibles, il se contentait de tendre l’oreille et de prendre une mine sérieuse, concernée. Il ne conseillait presque jamais, car ce n’était pas là ce qu’on attendait de lui, et pour cause, on ne lui avait jamais formulé de demande explicite, que ferais-tu, que dois-je faire ?.

Une fois satisfait, et après avoir vidé leur sac, les interlocuteurs de Shaun éprouvaient un soulagement certain, et comme saisit de remords, ils orientaient soudain la conversation vers lui. C’est là que Shaun se contentait d’être vague et de reprendre son sourire courtois, il appelait ce moment la post-épopée, pour lui chaque être vit une épopée. Chacun est le personnage principal de cette grande planète, bien que personne ne l’assume, et ne le formule ainsi, car il est mal vu de l’assumer publiquement. Les valeurs de l’épopée ne sont pas compatibles avec celle de la bonne société où l’on se doit d’être courtois et poli avec les autres, il est mal vu de ne s’intéresser qu’à sa propre personne. Au risque d’être qualifié de nombriliste, ou d’égoïste.

C’est pour cela que le blues post-épopée arrivait inlassablement dans les longues conversations, mais il se dissipait rapidement. Être une écoute agréable vous relègue instantanément au rôle de personnage secondaire dans les vies des personnes vous entourant, et une fois le malaise dissipé vous reprenez votre rôle de figurant, sollicité en moment de crises, vaillant compagnon des héros de ce monde.

Shaun sirota une gorgée de son dbk et sortit une cigarette de la poche de sa veste, il prenait toujours la même marque, des Wiston mentholées, la sensation de fraîcheur l’aidait à apaiser sa conscience de fumeur, cela lui rappelait un dentifrice à la menthe et un dentifrice à la menthe n’est pas nuisible à la santé.

Il l’alluma à l’aide de son zippo fétiche, et aspira goulûment la fumée veillant bien à la cracher dans la rue, attendant qu’aucun passant ne subisse son effluve de cigarette. Il aimait bien se fixer des petites règles comme cela, il les nommait “les défis courtois”, et n’en avait jamais parlé à personne. Il prit le temps de fumer une autre taff, elle aussi vigoureuse et regarda l’heure sur son téléphone, 14 heure 30, déjà une demi-heure de retard, il sourit cela ne le dérangeait nullement d’attendre. Une petite parcelle de son être espérait se faire poser un lapin, le lapin c’est la facilité. Elle n’est pas venu, pas de possibilités, pas de rejet de fautes sur soi, on n’a pas à se remémorer les phrases maladroites ou autres bourdes une fois seul rentré chez soi, on ne se flagelle pas l’égo à coup de “mince quel con”.

Mais cette petite parcelle de son être luttait avec une autre plus gourmande, elle ne désirait qu’une chose : rencontrer l’inconnue, après tout, il avait investi beaucoup de temps et d’efforts dans sa recherche. Oh ça oui, il avait écumé les sites et les petites annonces, avait réecrit je ne sais combien de fois son profil, jamais satisfait, toujours à la recherche de la petite bête, de la phrase d’accroche parfaite.

Il avait contacté des dizaines de Femmes, et c’était même donné la peine de personnaliser chaque message, bien qu’il lui était fort tentant de copier-coller le même, et de ne changer que d'infimes détails.

Mais son instinct ou son toc, il ne savait pas comment le nommer, l’avait pousser à ne pas le faire, et surprise au bout d’un moment ses efforts avait été récompensés.

“SpaceD”, chaque utilisateur utilisait un pseudo, lui avait envoyé un message, alors qu’il avait, depuis quelques jours arrêté de rafraîchir quotidiennement sa boîte mail. Le message était concis est clair “Rdv au wood Café, samedi 14 heure, confirme ou non, et donne une façon de te reconnaître”.

Shaun connaissait bien le café bien qu’il n’y était jamais allé, et visualisa facilement l’endroit, il fût tenté de demander plus de précisions, de creuser plus la conversation, mais la flemme l’emporta, il avait récemment investis plusieurs semaines de son temps dans des conversations qui avaient aboutis à des fakes et autres bassesses, on lui avait demandé de l’argent, on avait tenté de le convaincre de rencontrer des personnes ne correspondant pas au sexe de son critère de recherche, et frustré il avait fermé l’application et l’avait délaissé depuis lors.

Le message était net et précis, et cela lui plaisait, le café de sa ville montrait que la personne avait prit le temps de lire son profil, alors il avait répondu de façon concise, pour une fois sans réécrire son message ou le soupeser.

Sun: Rdv confirmé, je serai habillé de rouge et à l’heure, mes respects SpaceD.

Après l’avoir envoyé il avait regretté le “mes respects” de la fin, mais les codes voulaient un vouvoiement clair et précis et une fois intériorisé cela le perturbait de ne pas le mettre dans la conversation. Pour éviter cette dissonance cognitive, il avait donc opté pour cette formule de politesse d’un autre temps.

Ensuite il avait râlé contre lui-même et avait tenté d’accéder au profil de SpaceD, une fenêtre avait freiné ses ardeurs, “SpaceD ne partage ses informations qu’avec ses ami(e)s”, elle n’avait aucun ami(e)s sur son profil cependant. Il dû se contenter de son annonce automatique générée par le site “Femme D recherche Homme S”. L’absence de photo avait alors alimenté encore plus sa frustration.

Et il était là attendant l’inconnue, sa cigarette approchant de sa fin, il se dit qu’il recommanderait un verre, et fumerait encore une ou deux cigarettes avant de bouger si elle n’était pas arrivée. Il écrasa sa cigarette consciencieusement et ouvrit son paquet pour en fumer une autre, il s’apprêtait à l’allumer et s’arrêta net après avoir dégoupillé son zipo. Une jeune femme la vingtaine tout comme lui était assise en face de lui, brune d’une taille classique, et au visage froid le fixait.

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