02 - Baiser

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 Je poursuivais ma promenade, pourchassé par ces bourrasques glacées qui m'entravaient. Seule ma paume irradiait, crispée autour de ce cornet de châtaignes qui me donnait la nausée. Au moins, il avait le mérite de me réchauffer. Je m'assis sur un banc, seul face à un troupeau de pigeons.

 Recherchant la chaleur de mon âtre de poche, je grelottais en les observant picorer chaque miette égarée. Même s'ils se bataillaient leur ripaille, ils formaient un groupe soudé, une vraie communauté aviaire. Ils commençaient à s’attrouper à mes pieds. Je n’aime pas ces piafs. J’admire leur comportement, mais je ne les aime pas. Je m’apprêtais à me lever précipitamment, quand on vint s’assoir à côté de moi, faisant s’envoler la nuée de pigeons.

 Je regardais du coin de l’oeil la demoiselle qui venait de s’installer à mes côtés. Cachée derrière une épaisse paire de lunettes, le visage à moitié camouflé derrière une toison brune, elle feuilletait un roman. Je la lorgnais discrètement, curieux de découvrir quelle créature osait s’assoir à mes côtés.

 Elle avait une allure tout à fait banale, comme si elle cherchait à être invisible aux yeux du monde. Sa chevelure, son manteau gris, ses bottes noires, tout en elle lui donnait une allure monochrome. La pauvre respirait la tristesse et la mélancolie. Je me sentais tout à coup moins seul. Le cornet entre mes mains avait soudain une toute autre allure. Je le tendais à ma voisine :

  • Vous en voulez ?
  • Pardon ?, me répondit-elle en sursaut.
  • Vous voulez quelques châtaignes grillées ?
  • Non, merci, je n’aime pas, dit-elle en retournant vers son livre.
  • Oui, je vous comprends. Moi non plus, boudai-je.

 Elle éclata de rire. Un rire cristallin, léger, presque divin. Elle m’adressa un sourire généreux et un regard rieur derrière ses épaisses focales. “Pourquoi en avez-vous, alors ?” Je lui racontais ma tentative désespérée d’aborder la vendeuse de châtaigne, mi-gêné, mi-amusé. Elle riait comme une enfant dans une cour de récréation, et moi, je prenais plaisir à être sa source d’amusement.

 Nous continuions de discuter quelques minutes. Elle s’appelait Claire. Elle aimait se prélasser sur les bancs publics pour se plonger dans ses romans. J’avais l’impression de l’avoir dérangée dans son rituel et m’excusais. Je m’apprêtais à partir quand elle me saisit par la manche. Je me retournais vers elle. Elle tenait ses lunettes de son autre main, dévoilant un regard noisette scintillant de pépites dorées, qui exprimait l’espoir et le réconfort. Elle approcha son visage du mien et déposa un tendre baiser sur mes lèvres.

 “ Merci d’avoir égayé ma journée.”

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