III - Choix (partie 3)

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  Les stewards, qui s’attendaient à voir de la nourriture, affichèrent leur incrédulité lorsqu’ils virent leurs camarades revenir les bras vides. En apercevant Agustina et Robin gravement atteint, cette incrédulité laissa place à la méfiance.

— Qui c’est, eux ? désigna Matthew d’un air méprisant. Attends, toi je te reconnais, c’est toi qui nous as appelé quand on était près du projecteur.

— Il s’appelle Robin, répondit Roselyne en les présentant de la main. Et voici Agustina.

— Bonjour. Nous sommes désolés de ne pas… Vous savez, de ne pas vous avoir aidés.

Matthew leva le menton, impassible. Il n’en avait pas grand-chose à faire. Beth fixait la forêt en se mordant les lèvres de manière frénétique.

— Victor, où est Jahn ? Et Raphaël ?

— J’en sais rien, dit-il en haussant nonchalamment les épaules.

— Comment ça, tu n’en sais rien ? Il était censé vous guider aux fruits !

Victor pivota sur lui-même et rentra dans l’hôtesse.

— Écoute, il nous a tous gonflés. Il est parti avec Jahn chasser un sanglier de mes deux qui a failli tuer ce mec !

— Je ne sais pas ce qui lui est passé par la tête, ajouta Roselyne. Il nous perd au milieu de nulle part, puis nous abandonne. Quel crétin.

Haytham s’était figé. Pourquoi avait-il fait cela ?

Le ciel vira au gris et les derniers rayons qui éclaircissaient la clairière du bunker disparurent. Des gouttes traversèrent le firmament et submergèrent tout ce qui se trouvait sous la voûte céleste. Le crachin précéda l’averse. Plusieurs bourrasques de vent fouettèrent les rescapés, qui, sentant l’orage arriver, fuirent en direction de leur abri de calcaire.

 Ils se blottissaient en petits groupes dans les coins du bunker. Des heures durant, des flatuosités d’estomac et l’impact de la pluie sur le sol remplacèrent les mots. Un éternuement suivi d’un juron s’échappa du cagibi.

— Haytham ? J’ai froid… languit Mariah.

Sven l’observait.

— R-Rien à faire, dit Haytham.

Victor, Isaak et Roselyne se recroquevillèrent les orbites grandes ouvertes.

— C’est quoi cette voix ? s’écria Victor.

— C’était Mariah, révéla calmement Sven.

— La petite rousse endormie ? s’exclama Isaak, incrédule.

— Avant qu’elle ne se réveille, on a trouvé dans sa poche un téléphone portable qui n’était pas le sien.

— Vous ne vous êtes pas dit qu’elle l’avait peut-être trouvé ? répliqua-t-il, à peine rassuré.

— C’est de la prévention. On ne sait rien de cet endroit. La moindre piste est à conserver. De plus, elle nous a dit qu’elle n’avait pas le moindre appareil sur elle.

Le silence reprit et la fatigue les engourdissait de plus en plus. Chacun grelottait dans l’humidité et la fraîcheur de l’averse, et ce malgré le fait qu’ils étaient protégés par le bunker. Victor prit la parole entre deux gémissements.

— On a trouvé la mer.

— La quoi ? répéta Haytham, qui buvait sa propre salive.

— Je dis qu’on a trouvé la mer. Il y a même une plage avec… geignit-il comme s’il allait sombrer dans le coma.

— C’est génial, s’exclama Sophia. On va pouvoir faire un radeau et rentrer…

— C’est d’ailleurs dans la plaine… à côté de la plage… qu’on a trouvé Robin et Agustina, ajouta Roselyne.

— Tu ne pouvais pas trouver mieux qu’un autre gars blessé et une femme ? Tu ne sers à rien, taquina de façon acerbe Matthew.

Elle lui adressa un doigt d’honneur parfaitement manucuré.

Les deux polymathes les écoutaient d’une oreille distraite, sans dire mot. Mariah apprit qu’ils n’étaient que treize car le groupe avait été scindé en deux en raison de leurs divergences sur le sort des membres d’équipage. Quand Sven demanda à Agustina pourquoi Robin était blessé, ce dernier ouvrit les paupières et redressa le buste, soutenu par les mains tendres de sa femme.

— Un taureau nous a attaqué, dit-il en s’efforçant de ne pas tousser.

La voix de Victor vrilla.

— Un taureau ?

— Qu’est-ce qu’il se passe ? demanda Sven.

— Raphaël est parti chasser une sorte de cerf, s’il se retrouve devant un taureau…

 La discussion fut interrompue par un éclair et le tonnerre, pareil au roulement de tambour d’un orchestre divin. Neelam, qui était la plus proche de l’entrée, fut interpellée par un son sourd et imbibé d’eau. Elle reconnut à travers la pluie plusieurs pas simultanés, lourds et pesants dans la boue humide. Elle passa le regard par-dessus son épaule et distingua à la lumière de la foudre une silhouette massive et opulente s’extirpant de la forêt, suivie de deux autres plus petites. Elle poussa un cri aigu et rampa vers Soraya de l’autre côté de la pièce. Elle se blottit près de cette dernière sous les rires fatigués des autres rescapés.

À travers les cliquetis de la pluie et ses gémissements, Haytham saisit le son d’une voix appelant son nom. Il crut rêver mais cette voix se fit de plus en plus forte. Matthew, qui l’avait entendue aussi, se leva en montrant sa paume comme signe d’arrêt. Haytham l’ignora ; ils se dirigèrent tous deux à tâtons vers l’entrée du bunker. Un autre éclair surgit des cieux. Durant cette courte illumination, Matthew distingua les courbures d’un visage d’homme à seulement un mètre de lui. Grâce à ses réflexes de soldat, il se rua sur la silhouette et la plaqua au sol. En la bousculant, il perçut un claquement dans la boue, comme si quelque chose venait de tomber. On entendait les grognements de lutte depuis l’intérieur du bunker.

Haytham avait eu la présence d’esprit de se saisir du téléphone portable. Il accourut près de là où venaient les sons, Sven et quelques stewards lui emboîtant le pas. Il éclaira Matthew, qui donnait de robustes coups à son adversaire boueux. Il remarqua du coin de l’œil deux autre silhouettes au comportement hésitant mais l’espace d’un instant, Haytham aperçut le visage de celui que combattait Matthew. Il jeta le téléphone dans les mains de Sophia.

— Matthew, attends ! héla-t-il en l’écartant de toutes ses forces.

— Haytham ! Qu’est-ce que tu fous !

Le polymathe releva le corps de la silhouette. Sophia éclaira son visage. Couvert de saletés, de boue et vêtu différemment, ils prirent un moment avant de le reconnaître, ne s’attendant même pas à le voir.

— C’est Raphaël.

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