III - Choix (partie 1)

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  Les rescapés pénétrèrent le bunker et entourèrent Mariah, qui se levait difficilement, la main sur le crâne. Encore déboussolée, elle titubait en poussant des grognements sous les regards paniqués et fascinés des autres passagers. Sven parcourut rapidement la salle des yeux, poussant un juron à demi-étouffé car craignant qu’elle ne fuie. Dans un mouvement étonnamment rapide, il ouvrit la porte du cagibi du bunker de la main droite, avant de saisir de la gauche l’avant-bras de Mariah. Il la tira d’un coup sec et la jeta à l’intérieur dans un mouvement circulaire avant de claquer la porte. Dans la même seconde Haytham, qui venait de reprendre ses esprits, glissa près de la porte pour en caler la poignée avec la chaise. Il s’effondra au sol, exténué.

Durant quelques instants qui semblaient durer des heures, il y eut un silence. Subitement, la poignée vibra violemment et de l’intérieur du cagibi, une faible voix se fit entendre.

— Putain… Il y a quelqu’un ?

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  Après avoir suivi ses traces, Raphaël, tapis dans la mousse, réalisait l’étendue de son erreur. Cette bête avait une taille anormale, presque monstrueuse : un mètre quatre-vingts sur ses quatre pattes pour sûrement plusieurs centaines de kilos, que supportaient aisément ses muscles atrophiés. Sa puissante respiration écumeuse provoquait une épaisse buée qui venait se perdre parmi les hautes herbes. Ses cornes blanches semblaient aussi aiguisées que des lames et aussi robustes que des rondins.

 En pistant la cible, il s’attendait certes à trouver une proie plus grosse qu’il ne l’avait imaginée, mais à ce point-là ? Comment un taureau alpha si disproportionné pouvait-il arpenter une forêt aussi dense ? « Cela explique les branchages cassés qu’on a trouvé… »

 Jahn l’observait lui aussi, cachant sa peur derrière un tronc d’arbre à l’écart, - bien que ses énormes bras le rendissent facilement repérable. À l’inverse, la nature aventureuse de Raphaël ne le fit pas douter un instant.

  Le soleil déclinait, il n’avait d’autre choix que tuer cette bête, autrement, ils risquaient de mourir de faim. Le chasseur rampa jusqu’à sa proie, retenant son souffle. Heureusement pour lui, la veste épaisse de Jahn le protégeait des cailloux mesquins cachés dans la terre. Dans sa main droite, le solide canif improvisé réalisé à partir de pierre taillée ; ses longs cheveux noirs étaient attachés à l’arrière de sa nuque avec l’une des attaches qu’il gardait toujours à son poignet : il était prêt.

Raphaël était si habile qu’il n’entendait même pas ses propres mouvements. Jahn frémissait : il ne comprenait pas pourquoi le jeune traqueur persistait à chasser une proie aussi immense.

  La bête balança violemment la tête en tous sens ; elle posa fixement ses yeux luisants sur Raphaël. Il eut un soubresaut. Il déglutit et se leva doucement. Dans un fracas grave, la bête se rua sur lui, laissant voler sa visqueuse salive dans les airs. Grâce à ses réflexes surhumains, Raphaël l’esquiva in extremis mais ne réussit pas à la blesser de son arme. Il se retourna tel un torero se remettant en place après avoir essuyé une attaque. Il grimaça d’effroi. Le monstre ne s’était pas arrêté pour charger une nouvelle fois : il avait continué vers Jahn qui était figé par la peur. Raphaël courut aussi vite qu’il put. L’allemand n’était pas aussi rapide.

En l’espace de quelques dixièmes de secondes, le taureau le faucha au ventre d’une de ses deux cornes. Le monstre le traîna sur plusieurs mètres, faisant pleuvoir son sang et dressant une toile pourpre à travers la sylve.

  La culpabilité d’avoir accepté l’aide d’un novice lui noua férocement l’estomac ; cette sensation s’évanouit quand il aperçut la pointe de la corne ressortir dans le dos de Jahn. Le chasseur reprit sa course aussi vite et aussi loin que sa rage pouvait le lui permettre.

  Le taureau s’enfonçait dans la forêt en brisant tous les branchages qui lui barraient le chemin avec le corps déchiré de Jahn. Ce dernier, que sa musculature tenait partiellement conscient, frappa le monstre à la tête aussi fort qu’il put ; chaque coup lui faisait cracher des torrents de sang valant chacune mille tortures, mais il fit légèrement flancher et ralentir le taureau. L’espace d’un instant, Raphaël put les rattraper. À mesure qu’il avançait, les arbres se faisait moins nombreux : il devait agir maintenant ou la proie lui échapperait avec Jahn ainsi gravement blessé. Une brutale bouffée d’adrénaline lui permit de voir son environnement au ralenti. Les débris de bois flottaient plus lentement dans l’air, l’émanation nauséabonde du taureau sortait de ses orifices presque avec calme. Raphaël sentait chacune de ses gouttes de sueur couler le long de son corps : le monde devint pour lui une vaste peinture immersive.

 Sans perdre son allure, il grimpa sur un rocher puis, utilisant cet appui, s'élança dans les airs. Au moment du contact, il plongea son couteau avec force et poigne dans la nuque du taureau et, avec l’inertie de sa chute, l’égorgea presque entièrement, se couvrant de litres de sang. Dans un mouvement fruit de colère et de douleur, le taureau gigota violemment la tête et jeta les deux hommes au sol, qui roulèrent dans la poussière et les pierres pointues. La bête alpha tourna en rond plusieurs mètres en mugissant et en répandant son sang ; elle finit par s’effondrer, abattue.

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