II - Diviser (partie 2)

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  Les exclus prenaient place dans le bunker au fond de la forêt. De leur côté, les autres survivants prévoyaient de rechercher des vivres avec Alexander comme nouveau guide.

— Merde ! jura Haytham, assis sur la seule chaise.

Il tourna le buste et les talons pour faire face au personnel de bord. Avant qu’il ne puisse prononcer un mot, Sophia claironna.

— Merci, merci beaucoup d’avoir essayé de nous protéger, Matthew et nous.

— J’ai mes raisons de vous couvrir, rétorqua Haytham d’un regard faussement froid. Souvenez-vous simplement que l’on ne vous fait pas plus confiance qu’eux, mais qu’on connaît l’importance d’une vie humaine.

 Assis au sol de l’autre côté de la pièce, Sven tentait de bloquer l’écoulement de sang de son nez avec sa chemise blanche.

— Vous avez intérêt à vous montrer utiles. Raphaël, héla-t-il en se tournant vers ce dernier, tu es le seul à pouvoir trouver de la nourriture.

— Il faudrait quand-même que l’on m’accompagne, non ?

— Je voudrais garder les stewards et les hôtesses sous surveillance, rétorqua Haytham. Ils savent peut-être quelque chose.

— Je sais, mais j’ai besoin d’aide. D’ailleurs, Matthew n’était pas au courant du rema…

— Il n’était peut-être pas le plus apte à garder de telles informations pour lui, dit Sven.

Matthew, qui était près de la porte où l’on avait trouvé Mariah, se dressa brusquement en arborant une grimace de colère.

— Qui n’est pas apte ? Qui n’est pas putain d’apte ? pesta-t-il en les arrosant de postillons.

Personne ne lui adressa quelconque parole ou attention. Exténué et haletant, il s’éloigna davantage et se rassit aussi vite qu’il s’était levé. Ses collègues l’avaient ignoré comme s’ils l’avaient toujours fait. La conversation continua innocemment.

— Qui veut m’accompagner ? reprit joyeusement Raphaël.

 Les membres d’équipage détournèrent les yeux. Haytham, que sa confrontation avec la femme aux cheveux pourpres et son isolement avaient fortement énervé, désigna du doigt l’un des stewards.

— Toi ! Ton prénom.

— V-Victor Maf-

— C’est bon. Toi !

— Roselyne.

À peine eut-il lancé un regard à deux autres membres d’équipage qu’ils lui répondirent.

— Isaak Iakovlev.

— Jahn Markgraff.

— Ok, vous tous, vous suivez Raphaël.

— Mais…

— Fais ce qu’il dit, Victor, interrompit Garry de sa voix chevrotante.

— Mais pourquoi je dois écouter ce gosse, hein ? Il a quoi ? Vingt ans ?

— Quand on ne sait même pas assurer sa propre survie, on évite de la ramener. Si on ne vous avait pas défendu, croyez-moi que le reste des passagers se serait fait une joie de vous étriper.

Victor n’en démordit pas. Haytham faisait une tête de plus que lui, mais il soutint son regard de ses yeux exorbités. Victor était un homme relativement petit, de faible musculature et légèrement plus maigre que la normale, d’un teint des Antilles et une barbe mal rasée au menton. Juste à ses côtés se tenait nonchalamment Roselyne, qui s’était auparavant opposée à Matthew. Il s’agissait d’une femme de bonne taille et de corpulence ordinaire, très maquillée et dont le fort caractère se retranscrivait sur son visage, qui supposait un âge d’une trentaine à une quarantaine d’années. Isaak, lui, avait de longs cheveux bruns délavés et blonds par reflets, une pilosité faciale absente et des tatouages nordiques de vouivres sur ses bras fins et blancs. Il arborait un air calme, posé et sincère. On lui donnait facilement la vingtaine et était assurément plus jeune que Jahn. Celui-ci avait des cheveux châtains coupés très courts épousant la forme parfaitement rectangulaire de son visage, et une corpulence de catcheur. Ses muscles saillants se dessinaient sous son uniforme trop petit. Il n’était cependant pas aussi grand qu’on aurait pu l’imaginer, faisant à quelques centimètres près la taille d’Haytham.

Cherchant à calmer le jeu, Raphaël saisit Victor par le bras avant de quitter le bunker avec son équipe.

#

  Restaient dans le bunker les six membres d’équipage, Sven, Mariah et Haytham. Ce dernier se leva et se dirigea, sa jambe lui faisant de moins en moins souffrir, vers la porte en enjambant Matthew qui retrouvait peu à peu ses esprits. Il fouilla dans la remise mais il n’y vit que de la ferraille presque inutile, de la poussière et des sacs troués. Il aperçut également une fissure ouverte dans le mur droit, près du niveau du sol. Remarquant sa peine, Matthew s’approcha de lui.

— Tu as besoin d’aide ?

Haytham le regarda premièrement avec étonnement, avant d’esquisser un sourire de pitié et de gêne.

— Non, ça va, merci. Essaie de brancher le boîtier, on n’a pas eu le temps de le faire tout à l’heure.

— Ok, pas de problème.

Le troisième mondial demeura troublé par ce changement de comportement. Lui qui tout à l’heure frappait puis paniquait, se retrouvait à être altruiste.

— Il a beaucoup souffert plus jeune, lui chuchota une hôtesse. Il a été manipulé toute sa vie pour commettre des crimes… Ses parents, ses frères et même l’armée qui l’a « sauvé ». Depuis il…

— Ça va, Beth, interrompit calmement Matthew. Je n’ai pas besoin de biographe.

Haytham fixa Matthew et regretta les pensées méprisantes qu’il avait cultivées en son for. Quelle était leur place dans cette machination ?

Sven le tira de ses pensées.

— Ces dispositifs ont l’air vieux et peu avancés, déplora-t-il en voyant que les appareils sur l’étagère métallique fonctionnaient avec des piles usées.

— Oui, c’est pour ça que je redoute que Matthew ait abîmé le boîtier qui les connecte et que je cherche des outils. Mais ‘y en a nulle part.

— Merde, jura le steward qui manipulait le système de communication branché à un des autres appareils. Il ne s’allume pas.

— À quoi servent les autres mécanismes ? demanda Sven.

— Je ne sais pas, la prise mâle de ce fil ne fonctionne qu’avec celui-ci.

 Haytham se releva en se débarrassant de la poussière du cagibi collée à ses vêtements et se rapprocha de Sven. Subitement son cœur, comme celui de chacune des personnes présentes dans le bunker, se raidit.

  À travers ce silence soudain, se faisait entendre une faible vibration. Suivie d’une mélodie. La pupille d’Haytham s’était contractée et son corps s’était interrompu dans son mouvement de marche. Les membres de Sven tremblèrent subtilement et le reste du personnel navigant se figea. Ils reconnurent tous cette tonalité. Celle, typique, d’un téléphone qui sonnait. Ils se regardèrent et niaient de la tête comme pour dire que ce son ne venait pas d’eux. Haytham parcourut la salle des yeux et réalisa que personne ne comprenait ce qu’il se passait. Ayant éliminé toutes les pistes, ils dirigèrent à l’unisson anxieusement leur regard vers le corps allongé de Mariah. Sophia, qui étaient la plus proche, retira la couverture. Elle glissa sa main délicatement dans la poche droite de l’endormie et en retira un téléphone, sous les mines ébahies des autres membres du groupe.

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