I - Espoir (partie 5)

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  Haytham et Raphaël aperçurent plusieurs silhouettes affolées près de la lumière, dont ils n’étaient qu’à quelques mètres. Ils pensèrent à se cacher, mais finirent par comprendre qu’il s’agissait d’autres passagers du dirigeable qui avaient atteint la source lumineuse avant eux, dans un large espace déboisé et parsemé de longues herbes. Haytham distingua une vingtaine de personnes, dont les membres d’équipage. Lorsqu’ils rejoignirent la foule, malgré le silence pesant, la tension leur noua la gorge.

Au centre, sur un rondin de bois, près du puissant projecteur se trouvait, assis, un steward – celui qui leur avait ordonné de sauter. À ses pieds se trouvait un boîtier ressemblant à une radio et en face de lui, le vieil homme rouspéteur.

— Je ne suis pas autorisé à vous parler tant que le reste des passagers n’est pas encore là, vous comprenez ? assura le steward en se pinçant la lèvre.

— Écoute-moi bien, petit merdeux. Soit tu m’expliques ce qu’on fout tous là, soit j’t’en colle une !

— Calmez-vous, monsieur…?

— Vendernun. Maurice Vendernun. PDG de VenderUnion. Tâche de t’en souvenir, abruti.

Le nom de Vendernun éveilla chez un Haytham un souvenir vague, une image lointaine. Il ne savait pourquoi, mais cela ne lui évoquait rien d’agréable.

Le steward s’approcha de lui, comme pour lui murmurer à l’oreille.

— Monsieur Vendernun. Si vous vous excitez, vous risquez de faire paniquer les autres passagers, et donc de faire échouer le pourquoi de notre venue ici. Reculez et attendez.

Il détourna alors la tête et retourna s’asseoir, laissant apparaître une veine gonflée sur la tempe. S’ensuivit une flopée d’insultes arrosée de postillons, expression du langage fleuri du passager.

 Encore à l’écart, Raphaël s’adressa à Haytham.

— Le steward est un peu étrange, tu ne trouves pas ? Il est bien plus calme et conciliant que lorsqu’on a sauté.

 À l’instant même, le steward se leva en inspirant et remonta ses manches. Il approcha de son aîné, le menton haut et le buste relevé, sa mâchoire carrée et mal rasée ressortant davantage. Maurice l’imita, le regard hautain en prime. Alors que de plus en plus de personnes arrivaient près du projecteur et assistaient à la scène, Haytham cherchait Mariah en scrutant les alentours : aucune trace de la jeune femme. Une boule le prit au ventre. Il ne laissait rien paraître, mais il avait fait face, surmonté même, sa plus grande peur. D’ordinaire réservé, il lui avait adressé la parole seulement parce qu’elle lui rappelait sa mère, mais sa rencontre fortuite avec Mariah lui avait sauvé la vie ; elle ne l’avait pas abandonné. Oui, il était vivant, mais il ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter pour la jeune femme, qui aurait dû arriver bien avant lui.

— Pour la dernière fois, « Maurice », calmez-vous.

— J’exige des réponses. Vous allez me faire quoi, hein, « Matthew » ? nargua-t-il en lisant la plaque sur la poitrine du steward.

Maurice le poussa violemment de sa main, l’écartant pour s’approcher de la radio. Dans le même mouvement, le steward Matthew le prit par l’épaule, le retourna, puis lui décocha une puissante droite dans le menton. Maurice s’écroula sans bruit, une écume mousseuse à la bouche. Des cris et des exclamations s’élevèrent, témoins de la violence dont avait fait preuve sans la moindre hésitation le steward. Deux hôtesses tirèrent discrètement le corps à l’abri des regards, derrière de hautes herbes.

Encore apeurés, les passagers s’écartèrent. Haytham hésita, puis se retira de l’emprise de Raphaël et tituba jusqu’au steward, sous les regards tendus et interrogateurs des autres sélectionnés.

— Je vous écoute, dit Matthew sans même qu’il n’ait le temps de s’annoncer.

— Vous avez dit que nous devions attendre que tous les passagers soient là, n’est-ce pas ?

— Oui.

— Mais combien en reste-il encore ?

Après un rapide recensement de la population rescapée :

— Un, je crois.

« Mariah. » Il le remercia d’un ton timide avant de retourner auprès de Raphaël.

  Deux heures s’étaient écoulées. Deux heures que les sélectionnés attendaient et s’étaient éloignés des membres du personnel. Le projecteur était éteint, et l’équipage exténué. Les passagers formaient autour du steward et des hôtesses un cercle assis ; une ronde de regards inquiets pointés sur Matthew.

Tandis que Raphaël dormait paisiblement, comme une partie des voyageurs, Haytham observait sans cesse la forêt, dans l’espoir d’en voir sortir saine et sauve Mariah. Alors que cet espoir s’effaçait à mesure que le ciel prenait des tons orangés, Haytham aperçut une silhouette traçant de larges signes dans les airs sortir de la sylve dense. Haytham bondit malgré ses nombreuses douleurs, pour mieux distinguer ce qui était issu de l’obscurité. Ce n’était qu’un steward arrivant dans la plaine, suivi de trois autres.

Ce steward gesticulait étrangement les bras ; il mimait une sorte de croix avant d’écarter ses mains en faisant la brasse. Ces mouvements étaient vraisemblablement destinés à Matthew, qui, à peine eut-il compris leur signification, convia les membres d’équipage plus loin dans la forêt, à l’opposé des rescapés. L’un des stewards s’était emparé de la radio.

Haytham réveilla Raphaël, qui se mangeait le pouce.

— Maman, laisse-moi…

— Debout. Les stewards ont bougé. Après nous avoir fait attendre toute la nuit, ce n’est pas trop tôt.

— Hm, c’est super.

— Ça te dit de les suivre ? Je veux savoir pourquoi on est là, s’écria silencieusement Haytham en le secouant de plus en plus fort.

— T’es pas sérieux…

— On a failli mourir, dis-moi si tu connais une situation plus sérieuse, répondit le jeune polymathe en soulevant avec gémissements le meilleur ami de Morphée. Quelque chose se trame.

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