Prologue

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  D’imperceptibles respirations, calmes mais profondément gutturales, tirèrent Lucio de son sommeil. Un mal de crâne violent lui secoua les neurones tandis que son propre souffle était plus irréglier, saccadé et souffrant.

  Dans son esprit brumeux flottait le souvenir de sa femme, s'allongeant auprès de lui après avoir couché leurs deux enfants et s’être mise en tenue légère. Il se rappelait s’être senti comme un adolescent ce soir-là, pris d’un pic de vigueur puis plein d’une satisfaisante candeur. Rien d’autre. Pourquoi sa tête pesait si lourd, comme tirée vers le bas ? Lucio ouvrit les paupières ; elles papillonnèrent quelques secondes. Soit il était devenu aveugle, soit il était plongé dans une obscurité totale. Peut-être avait-il gardé son masque de sommeil fétiche, avec lequel il dormait avant toute grosse réunion ? Il voulut tendre la main vers son visage. Impossible. Quelque chose de solide et froid l’en empêchait. Plus il essayait, plus cela semblait se resserrer. Le cœur de Lucio se mit à battre frénétiquement à mesure qu’il s’agitait sur… une chaise ? Il était poignets et chevilles liés à un siège métallique inconfortable.

  Il crut d’abord à une paralysie du sommeil, à un cauchemar, mais ses yeux avaient commencé à s’habituer à l’obscurité. Il distingua trois silhouettes, sombres, à deux mètres de lui et plongées dans le noir ; un sursaut le raidit et un cri aigu s'échappa de sa gorge. Pendant la longue minute où il s’excitait sur la chaise, Lucio ressemblait à un animal piégé. Ce qu’il était probablement.

  Le flot de larmes coulant le long de ses joues roses et joufflues cessa quand une pensée lui revint. Cela faisait quelques mois, un an déjà, que l’on cherchait celui qui éliminait les membres de son organisation. La colère l’envahit.

— Fumier ! Meurtrier ! C’est toi qui les as descendus, hein ! Tu veux faire pareil avec moi ! Montre ton visage, espèce de lâche !

Aucune réponse autre que ces respirations, toujours aussi tranquilles et apaisées. Sauf une, qui s’accélérait progressivement. Une voix, masculine et grave, brisa sans manière ce silence pesant :

— Monsieur ?

— Non, répondit laconiquement une autre voix, inhumaine et modifiée. Je ne veux pas de séquelles physiques. Rien qui pourrait nous trahir.

  Lucio grimaça d’horreur. Il se surprit à être soulagé lorsqu’il comprit qu’il n’allait pas être torturé. « Ne pas se trahir » ? Cette chaise… Il allait être électrocuté. La panique, les gémissements, la tristesse, reprirent le dessus. Sa carrière politique ne l’avait pas habitué à un tel sentiment d’impuissance. Il supplia, implora qu’on lui laisse la vie sauve ; des talons claquèrent contre le sol à sa gauche. Plus ces sons s’éloignaient, plus Lucio gesticulait sur une chaise qui se faisait de plus en plus contraignante. Il lui était impossible de bouger.

  Lucio en était persuadé. Il allait être le prochain sur la liste « d’accidents » qui avaient coûté la vie à plusieurs de ses camarades. Le quatrième malheureux incident d’un politique depuis un an. Un mensonge qui sera cru par la population.

  Une dernière image tapissa l’intérieur de son esprit. Sa famille, sa femme, ses enfants, ce qu’ils avaient bâti ; il serra les poings comme pour s’y accrocher.

La voix robotique le tira de ses pensées alors qu’il se noyait dans ses larmes et mucus :

— Lucio Benjamin, tu as failli à ton devoir. L’Humanité te condamne pour cela à mort. Je serai son bourreau.

  Un bruit de levier puis un choc électrique. Tous les membres de son corps se crispèrent atrocement. La salive qui dégoulinait de sa bouche moussa et ses yeux se mirent à convulser. La souffrance qui agitait son corps fut la seule sensation à le traverser avant que quelques étincelles viennent éclairer le visage de son meurtrier. Lucio reconnaissait cet air impassible et déterminé. Un sentiment de trahison, qu’il emmènerait dans sa tombe, le submergea ultimement. Son assassin était l’un des leurs, un Lunaire.

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