Conversation sur la route

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Le moteur avait quelques ratés, mais cela ne perturbait pas Sam qui conduisait.

« Je croyais que tu l'avais révisé avant de partir, demanda Harris, le nez plongé dans la carte.

- C'est ce que j'ai fait. Tout était normal, et tout l'est, j’t'assure. Il est juste un peu capricieux quelques fois.

- T'as déjà dit ça il y a une semaine, et on a faillit rester sur le bord de la route.

- Comme tu le dis, on a « faillit », alors commence pas à me gonfler.

- Je préférerais ne pas mourir pour des approximations mécaniques.

- Non, mais ça va oui ?! T'as qu'à descendre et pousser si tu trouves qu'on va trop lentement. Et puis t'es pas censé lire la carte ? On arrive bientôt à une intersection.

- T'as qu'à suivre les autres.

- Tu te fous de moi ?!

- Bah quoi ?

- T'as la tronche dans la carte ! A quoi ça sert sinon à me donner la direction ?!

- Bah pour l'instant y a pas à hésiter. Tu suis les autres c’est tout. Pas compliqué.

- Alors pourquoi tu gardes la carte ?

- Je l'apprends.

- Ben voyons. T'es sûr de t'y retrouver dans tous ces petits chemins avec ton sens de l'orientation inexistant ? Heureusement qu'on a déblayé le trajet dès le départ. C'est dur à suivre une ligne droite tout le monde le sait.

- Ouhh… Tu t'es levé du pied gauche ce matin ?

- Que… Quoi ? Mais tu te fous de ma gueule en fait ! C'est toi qui commence avec tes réflexions alors que t'es une buse en mécanique et c'est moi qui suis chiant ?

- Tu le sais depuis longtemps que le moteur galère, je ne fais que constater.

- Non mais je rêve, tout pour me faire chier et il est même pas 8h du mat' !

  Un petit tremblement se fit sentir, comme un petit choc, suivit d'un autre tremblement.

- Ah bah là…

- Ah non ! Là tu la fermes ! La route est accidentée. Même devant ça tremble. Encore un mot sur le moteur et je te gave d'huile de vidange !!

- Eh Oh ! Ça va bien le vieux couple devant ? Vous pouvez pas calmer le jeu deux secondes ?

- Désolé, Edward, répondirent ensemble Harris et Sam.

- La route est encore longue. Alors j'aimerais éviter d'avoir la tête qui vibre à l'arrivée à cause d'une autre de vos disputes. Ça dure depuis qu'on est arrivés dans ce putain de pays.

- Ah bah tiens, c'est peut-être ça, dit Harris.

- Comment ça ? demanda Sam, confus.

- L'eau.

- Comment ça l'eau ?

- L'eau a peut-être endommagé le moteur.

- Arrête de t'improviser mécano, pitié. C'est peut-être pas le meilleur matos, déjà qu'il est trop haut, mais il en faut quand même plus.

- N'empêche que ça peut être une piste, une pièce a peut-être…

- Harris ! Ça suffit ! souffla Edward. Sam a raison, évite de t'improviser mécano, c’est pas ton boulot. De tout façon ce n'est pas le moment. Reste concentré sur la carte si ça t’amuse, et toi Sam sur la route. On n’entend que vous malgré le bruit du moulin et c’est pas peu dire.

- C'est bon, ça va, on a compris.

- Mouais…

- Quelque chose à dire Sam ?

- Désolé, mais il profite de la moindre occasion, de la moindre contrariété pour me faire une réflexion. C'est lourd.

- Je m'inquiète simplement pour nous. Imagine si on tombe en panne alors qu'on est au beau milieu du merdier ?

- Bon écoute, je conçois que là, ok, ça se discute, mais tu peux attendre une meilleure occasion au moins ? Ce serait le minimum….

- Mais bordel vous allez vous arrêter, oui ou merde ?! Un vieux couple de grincheux édentés, voilà ce que vous êtes ! Calez vos culs sur vos sièges et arrêtez de faire chier ! Vous pouvez pas être calme comme Rodger et Manny ? En plus j'essaye d'écouter la radio et c'est déjà assez brouillé comme ça !

- Attends, ils sont en train de dormir, fit remarquer Harris.

- Tiens c'est vrai ça. Je les avais presque oubliés à force. Les veinards, comment ça se fait ?

- Ils ont fait des heures sup' hier soir, dit Edward. Ils ont aidé au chargement pour d'autres qui étaient en retard. Il fallait vite décoller ce matin. Alors je les ai autorisés à piquer un roupillon en attendant. Bref, Sam, regarde devant, on arrive à un croisement.

- C'est pas un peu dangereux de les laisser pioncer en ce moment ? demanda Sam.

- Merde.

- Ok, ok...

Quelques instants plus tard, un autre choc. Mais cette fois différent, et ponctué de petits craquements.

- Alors ça, c'était pas un caillou, dit Sam.

- Je confirme, ajouta Edward.

- C'est comment ? demanda Harris.

- Alors Edward ? C’est comment ? renchérit Sam.

- Il en manque la moitié

- Torse ou bassin ?

- De toute façon, ce n'était déjà pas très reconnaissable.

- Ok ! alors cette fois pas de réflexion sur le moteur.

- C'est bon, c'est passé ça…

- Je te préviens.

- Non Sam. C'est bon, on a compris, maintenant on passe à autre chose, répondit sèchement Edward.

  Des gémissements suivis de bâillements montèrent soudain derrière Sam.

« Humm… C'est bon, on est arrivé ? fit une petite voix

- Non, Roger. Tu peux encore pioncer un petit peu.

- Je rêve ne serai-ce que d'une seule nuit complète, et là je suis au taquet pour le reste de la semaine. C'est qu'à force, j'ai des crampes dans les mains.

- Ouais bah n'y compte pas trop, on a déjà pris du retard sur le planning prévu.

- Si on arrive à arriver au point convenu, ce sera déjà un miracle, dit Harris.

- Et dans sa grande bonté, Dieu créa le café. Dit Sam.

- Amen, firent Edward et Harris à l'unisson.

- Hé, Sam.

- Quoi ?

- Quand on rentrera.

- Faudrait déjà qu'on arrive et qu'on règle tout ça.

- Oui, bon, d'accord… je reconnais bien là ton optimisme.

- Un réflexe, je n'aime pas vraiment me projeter sans avoir un minimum d'infos complémentaires.

- Ok, mais franchement. Tu feras quoi en premier ?

- Comme beaucoup d'autres je crois, une douche, une passe et pioncer une semaine.

- Non mais d'accord, mais après ? Pas de projet ?

- Pas dans l'immédiat en tout cas. J'aime ce que je fais là… Bon c'est relatif, les horaires sont pas possibles et la paye pas géniale. Mais quand même, moi qui voulait voir du pays. Et toi ?

- La boutique familiale.

- Et c'est quoi déjà ?

- Magasin de pièces détachés, et aussi le garage, déjà comme associé.

- Sans déc ? Elle est bien bonne celle là ! Tu sais à peine tourner un écrou, arrête !

- Je m’entraîne avec d'autres mécanos quand j'ai du temps libre.

- Hein ?! Et bah et moi alors ?

- T'as une humeur d'abruti ! Tu te braques à la moindre réflexion !

- Ah, mais c'est pas possible ! Tu vas pas recommencer !

- Mais bouclez-là ! hurla Edward, ce qui réveilla en sursaut Roger et Manny. Ça commence à bouger devant ! Roger, Manny, en piste ! Et vous deux, les yeux sur la route ! Allez ! Gaffe !

  Roger et Manny s'activèrent et chargèrent le canon. Sam observait les autres chars se mettre en position et suivit le mouvement pendant que Harris collait ses mains sur la mitrailleuse. Très vite, les premiers tirs résonnèrent dans l'habitacle, suivit de ceux de Roger et Harris sur les ordres de Edward.

« Ah c'est sûr, ils sont pas super contents en face. Ça a quand même bien changé la Normandie, dit Sam.

- T'es déjà venu ? demanda Harris tout en tirant.

- Une fois, quand j'étais gosse, vacances d'été, dépaysement, tout ça.

- Et alors ? C'était bien ?

- Déjà y avait moins d'allemands. »

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