Épisode 2 : Marilyne (2/5)

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Bande son : Rupert Gregson-Williams : Duck Shoot

Tout vacillait autour de Syndey. Elle ne le sentit pas, mais elle tomba à terre. Puis, ses yeux se fermèrent pour la transporter dans la plus grande obscurité. Pendant quelques instants, il n'y eut rien. Seulement les ténèbres et un lourd silence.

Le néant laissa rapidement place à autre chose. La jeune femme se sentait absorbée par quelque chose, comme si elle glissait sur un toboggan.

Un cri glaçant retentit soudain. Elle ne le voyait pas, mais quelqu'un souffrait horriblement. Elle pouvait le sentir dans ses cellules. L'atrocité de la souffrance lui coupait le souffle.

Puis, une lumière l'éblouit. Elle pensait revenir à elle au milieu de la boutique Les habits de Vénus, mais ce ne fut pas le cas. Elle se tenait debout au centre d'une clairière et entourée de pins. On disait que la nature possédait un pouvoir ressourçant, relaxants ; mais, à cet instant, Syndey n'était habitée que par la peur. Une chose qui ne devrait jamais se produire avait eu lieu ici. L'incarnation même du Mal semblait posséder les lieux.

La jeune femme marcha. Combien de temps ? Elle ne le savait pas. Ce fut sa vision et son cri qui l'arrêtèrent. A ses pieds, un cadavre, et pas n'importe lequel. C'était le corps sans vie de la vendeuse Marilyne, un trou béant dans sa poitrine.

  • Syd ! Syd, réveille-toi !

La voix inquiète de Laure la ramena doucement à la réalité.

Elle était toujours sur le sol, Laure et Marilyne penchées sur elle.

  • Syd ? Tu vas bien ? Tu m'as fait peur.

La jeune femme retrouva sa faculté à bouger et elle se releva lentement avec l'aide de son amie et de la vendeuse.

  • Je vais chercher de l'eau, fit Marilyne.

Elle les laissa.

  • Tu m'as vraiment fait peur, répéta Laure. Nous étions en train de parler et tu es tombée subitement... et tu as crié pendant que tu étais inconsciente.

Sydney jeta un oeil autour d'elle. Elles étaient les seules clientes du magazine. Elle en fut soulagée. L'esprit toujours embrumé, elle déclara à Laure :

  • J'ai besoin de prendre l'air.

Sans attendre la réaction de sa meilleure amie, elle sortit de la boutique. Elle essaya de mettre de l'ordre dans ses pensées. Que lui arrivait-il, bon sang ? Et Marilyne ? Se trouvait-elle vraiment en danger ?

Oui ! Cette certitude la frappa de plein fouet malgré son irrationalité.

Elle entendit le bruit de la porte d'entrée du magasin. Laure en sortit, un verre d'eau à la main. Elle le lui tendit. Sydney le but volontiers avant de regarder Laure avec gravité.

  • Qu'est ce qui ne va pas ? voulut savoir cette dernière.

Sydney hésita avant de lui répondre :

  • Ta copine, Marilyne. Je sais que ça va te paraître fou, mais elle est en danger.
  • Qu'est-ce que tu racontes ?
  • Tout à l'heure, lorsque j'étais inconsciente, j'ai fait à nouveau un rêve. Dans le même style que cette nuit sauf qu'il était plus clair. Je l'ai entendue crier, puis j'ai vu son cadavre, Laure. C'était Marilyne et elle porte le même collier qui m'est apparu cette nuit. Quelqu'un va la tuer, j'en suis sûre.
  • Tu réalises que tes paroles sont complètement barrées ? Ce que tu as vu, ce sont des rêves. Rien de plus. Tu vas me répondre "mais le pendentif ?". Oui, c'est vrai. Marilyne en a un, mais combien de filles dont le prénom commence par M en ont ? Ton cerveau te joue des tours. Tu devrais vraiment te reposer. Je vais te raccompagner chez toi.
  • Tu ne me crois pas ?

Laure sentit le ton blessé de son amie. Elle essaya de se montrer plus douce :

  • Syd ! Je sais que tu n'es pas une affabulatrice, mais tu ne réalises pas la pression que tu t'infliges. Je comprends que ceci te déstabilise, mais tes rêves ne sont rien d'autre que le fruit de ton imagination.
  • Laure, je sais que ça n'a pas de sens, mais je le sens. Ce n'est pas lié au stress. Quelque chose est sur le point d'arriver à Marilyne.
  • Tu veux aller lui dire ?

Sydney resta silencieuse. Laure la mettait au défi, mais en faisant cela, elle lui montrait bien qu'elle ne pouvait rien faire. Que pourrait-elle dire à Marilyne ? Elles ne se connaissaient pas. Elle la prendrait pour folle et elle finirait, peut-être, à l'hôpital psychiatrique. Même Laure ne la prenait pas au sérieux. Elle capitulait et Laure le comprit :

  • Je vais rendre le verre à Marilyne et je te raccompagne chez toi.

La jeune femme ne resta pas seule longtemps. Un garçon du même âge qu'elle la salua. Sydney se tourna vers lui, surprise :

  • Bonjour, Lucas ! Que fais-tu ici ?
  • Je suis venu chercher une commande pour ma mère. Tu es venue découvrir la nouvelle boutique ?

Sydney hocha la tête. Elle se sentait mal à l'aise à ses côtés. Elle n'avait pas d'avis tranché sur sa personne. C'était un camarade de lycée discret, parfois lourd mais jamais méchant. Il avait surtout la réputation de se prendre un nombre incalculable de râteau. Récemment, il avait déclaré sa flamme à Laure. La réponse ne lui avait pas été favorable

  • Laure est avec toi ? demanda-t-il.
  • Lucas, je suis désolée de te dire ça, mais Laure ne changera pas d'avis. Me demander des conseils ne servira aussi à rien. Tu devrais passer à autre chose.

La mine déconfite du jeune homme prouva à Sydney qu'il espérait encore recevoir un oui. Sans rajouter un mot, il entra dans le magasin, au moment même, où Laure en sortit. Ils se saluèrent sans enthousiasme, puis, Laure entraîna Sydney pour la ramener chez elle. Durant le trajet, aucune des deux ne reparla de Marilyne.

***

  • Est-ce que tout va bien, ma chérie ? Tu es pâle et tu as à peine dit deux mot depuis que tu es rentrée ?

Laurianne Deveaux s'inquiétait facilement pour sa fille. Elle imaginait souvent que le pire pouvait lui arriver. Sydney s'agaçait parfois, mais souvent les préoccupations de sa mère la touchèrent. Avant toute chose, elles démontraient l'amour qu'elle lui portait.

Pour la rassurer, Sydney afficha un petit sourire :

  • Je vais bien, maman. J'ai juste mal à la tête et je suis fatiguée. C'est tout. Tu n'as aucune inquiétude à avoir.
  • Tu es sûre ? C'est tout de même rare que ta bande et toi, vous ne sortez pas un samedi soir.
  • Tu sais qu'il arrive aux adolescents de se sentir fatigués ?

Laurianne sourit. Elle comprit qu'insister ne serviraient à rien.

  • Je te laisse te coucher. Bonne nuit, ma chérie.
  • Bonne nuit, maman.

Une fois seule dans sa chambre, Sydney pensa qu'elle n'espérait pas penser une nuit paisible. Elle ne mentait pas lorsqu'elle affirmait être fatiguée, mais elle restait convaincue qu'un danger menaçait Marilyne.

Elle s'allongea dans son lit, priant pour qu'un sommeil profond la prenne rapidement et, ainsi, faire un nouveau rêve lui permettant d'avoir des informations supplémentaires.

Elle s'endormit en quelques minutes, et elle ne tarda pas à plonger dans le monde des rêves. La première chose qu'elle vit fut la devanture d'un bar dansant réputé de la ville : Chez Joe. La porte s'ouvrit pour laisser Marilyne sortir de l'établissement. Sydney la jugea ravissante dans sa jupe en cuir noir et sa chemise blanche.

La jeune femme marchait sans agitation. Elle semblait fatiguée, mais pas en train de fuir un danger. Sydney la suivit pendant quelques instants, jusqu'au moment où, elle remarqua l'accélération des pas de Marilyne. Cette dernière jeta, à plusieurs reprises, des regards furtifs par-dessus son épaule. La peur se lisait désormais sur son visage.

Sydney regarda derrière elle. Personne. Pourtant, elle sentait, tout comme Marilyne, qu'une menace planait.

Elles arrivèrent dans une ruelle étroite, éclairée uniquement par un réverbère. Alors qu'elles passaient devant, l'ampoule commença à dysfonctionner jusqu'à s'éteindre complètement.

Une ombre fonça sur Marilyne. La jeune femme n'eut même pas le temps de crier.

Le réveil de Sydney fut soudain. Brutal. Elle ressentait encore toutes les émotions de son rêve. Le réalisme des scènes la saisissait, l'effrayait même.

Elle se donna un moment pour reprendre ses esprits, puis elle prit son téléphone portable pour composer le numéro de Laure.

  • Syd, tu vas bien ?
  • J'ai à nouveau rêvé de Marilyne.

Elle entendit son amie soupirer.

  • C'est en train devenir une obsession.
  • Elle se faisait enlever près de Chez Joe. Laure, j'ai besoin que tu me fasses confiance. Elle est en danger. J'en suis certaine.

Nouveau soupir.

  • Qu'attends-tu de moi ? demanda finalement Laure.
  • Peux-tu contacter Marilyne ? Pour vérifier si elle ne va pas Chez Joe ce soir.
  • Et je tourne les choses comment ? Bon, je vais trouver une parade. Tu as de la chance que c'est toi.

Laure raccrocha. Sydney fit les cent pas, rejouant en boucle son rêve dans son esprit. L'attente fut longue jusqu'au rappel de Laure, dix minutes plus tard.

  • Sois rassurée ! J'ai parlé à Marilyne sur Facebook. Elle va bien. Elle au calme chez elle, et elle ne prévoit rien d'autre que de regarder un film. Aucune sortie prévue.
  • Tu es sûre ?
  • Syd, arrête de t'inquiéter. Tout va bien. Tu peux retourner dormir.
  • Je...je ne comprends pas...

D'une voix lointaine, elle rajouta avant de stopper la conversation téléphonique :

  • Merci, Laure.

Elle se posa sur le lit, confuse. Elle ne comprenait rien. Elle sentait au fond d'elle qu'elle avait raison, mais...finalement, peut-être, que Laure avait vu juste. Elle était sans doute plus anxieuse qu'elle ne le pensait et son mental lui jouait des tours.

Quand elle se recoucha, elle crut voir l'ombre devant son lit.

***

Marilyne déprimait devant Coup de foudre à Nothing Hill. Elle voyait sur l'écran l'histoire d'amour qu'elle aimerait vivre. Elle en était loin. Une nouvelle fois, un garçon avait brisé son coeur.

Elle aurait peut-être dû regarder autre chose ou faire autre chose...

Elle soupirait lorsque son téléphone portable vibra. Elle regarda la notification : un message d'une amie à elle, Sabine.

"On est Chez Joe avec la bande. Je sais que tu voulais rester seule, mais tu devrais venir avec nous. On te fera changer les idées et tu pourras oublier l'autre débile".

Marilyne hésitait. D'un côté, elle souhaitait rester chez elle, mais de l'autre, regarder le film ne l'aidait pas à se sentir mieux. Sabine pouvait avoir raison : être avec ses amis lui remonterait mieux le moral.

Elle se décida, partit dans la salle de bain se préparer puis s'élança. Direction Chez Joe.

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