Épisode 3 : Marilyne (3/5)

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Bande son : "Dear God" de Lawless featuring Sydney Wayser

  • Sydney, nous partons, héla Laurianne.
  • J'arrive.

La jeune femme terminait de se préparer dans la salle de bain pendant que ses parents s’impatientaient au rez-de-chaussée. Ils étaient en retard pour rendre visite à son parrain, Joseph. Laurianne et Kevin attendaient leur fille rarement. Sydney possédait la réputation d'être une jeune fille ponctuelle, mais ce matin-là le réveil avait été difficile.

Elle s'était endormi tardivement, vers cinq heures du matin. Après l'appel de Laure, les images de ses différents rêves défilaient sans arrêt devant ses yeux. Elle n'avait pas pu s'empêcher d'y penser et d'y repenser.

La culpabilité, aussi, avait commencé à sécréter doucement son venin. Elle avait honte du service qu'elle avait demandé à Laure, de ses réactions, d'avoir mélangé rêve et réalité.

Elle sortit enfin de la salle de bain et suivit ses parents jusqu'à la voiture familiale. Le trajet ne durerait pas longtemps, une vingtaine de minutes. Le plus long serait de sortir d'Isle et de traverser le pont qui permettait de rejoindre le continent.

Joseph habitait non loin d'Isle, dans un mas provençal , perdu sur une route de campagne.

Sur la route, Sydney ne prêta pas attention au paysage qui défilait sous ses yeux. Ses pensées s'éparpillaient un peu partout. Elle revint au moment présent, que lorsqu'elle vit son parrain les attendre sur sa terrasse, le visage meurtri par la tristesse.

Son père n'avait pas encore arrêté la voiture, qu'elle en sortit pour se jeter dans les bras de Joseph. Le vieil homme l'accueillit avec la plus grande tendresse.

Aujourd'hui était un jour particulier. Il marquait le dixième anniversaire de la mort de sa fille, Barbara. Sydney avait peu de souvenirs d'elle. Elle était âgée de sept ans lorsque sa vie avait été enlevée, d'une manière atroce. Chaque année, depuis, les Deveaux accompagnaient Joseph dans une marche qui retraçait les derniers pas de la disparue.

Des aboiements attirèrent leur attention. Tako, la femelle labrador de Joseph, manifestait sa volonté d'être caressée par la jeune femme. Avec sourire, Sydney se retira de l'étreinte de Joseph pour saluer la chienne :

  • Mais je ne t'avais pas oublié, ma petite Tako.
  • Bonjour, Joseph, firent gravement Laurianne et Kevin.
  • Bonjour, mes amis. Je vous suis très reconaissant d'être là aujourd'hui.

Laurianne lui tendit la main, en soutien. Joseph la prit volontiers quelques instants.

Le vieil homme se retenait de pleurer. Sydney le remarqua. Une décennie plus tard, la blessure demeurait toujours aussi grande.

Les Deveaux posèrent leurs affaires à l'intérieur du mas, puis avec Joseph et Tako, ils prirent le petit chemin à l'arrière du bâtiment. Celui que Barbara empruntait pour courir, plusieurs fois par semaine, à l'aube de sa vingtaine. Jusqu'à ce funeste jour où elle croisa sur sa route un détraqué. Un voisin avait découvert son corps. Son cœur avait été arraché et n'avait jamais été retrouvé. Tout comme le tueur.

Personne ne parla durant la marche. Ils s'arrêtèrent à l'endroit où Barbara avait rendu son dernier souffle. Une stèle, installée à la demande de Joseph et son ex-femmes des années plus tôt, se présentait devant eux.

"A la mémoire de Barbara, un ange partie trop tôt".

Devant ces mots, ils se recueillirent . Ce fut Joseph qui donna le signal pour entamer le chemin retour vers le mas.

Le déjeuner se déroula dans une ambiance plus détendue. Joseph rit même de bon cœur aux blagues de Kevin. La conversation tourna autour de la politique, des dernières nouvelles de l'entreprise d'équipements sportifs de Kevin et de la future orientation de Sydney. La jeune femme ne savait toujours pas ce qu'elle ferait après le bac. Elle avait encore quelques mois pour y réfléchir, avant de faire ses vœux pour l'année prochaine.

  • Je pense vendre le mas et m'installer à Isle.

Joseph lâcha cette information au moment où il servait le dessert, une tarte aux myrtilles. Les Deveayux le regardèrent avec incrédulité.

  • Tu ne vas pas faire ça, intervint Laurianne. Ce mas est dans ta famille depuis plusieurs générations.
  • Et à qui il ira, quand je ne serai plus là ? A part vous, je n'ai plus personne. Il y a trop de mauvais souvenirs ici, trop de morts... J'ai besoin de revenir à la vie, de voir plus de monde, d'être encore plus proche de vous.
  • Nous serons contents de t'avoir à Isle, parrain.
  • Oui, confirma Kevin. Nous pouvons même t'aider à trouver une maison avec un jardin. Le père de Laure est agent immobilier, non ?
  • Oui, répondit Sydney. Il pourra certainement nous donner des pistes. J'en parle à Laure dès qu'on rentre.

Joseph sourit, reconnaissant de leur présence dans sa vie.

Les Deveaux partirent en début de soirée, et Joseph fut à nouveau seul avec Tako. Dès que la voiture avait disparu de son champ de vision, son cœur s'était serré.

Vers dix-huit heures, il se promena avec Tako sur un autre chemin que le matin. Il apprécia l'air frais sur son visage comme Tako profita de courir dans tous les sens. Elle essayait parfois de débusquer un lapin. Sans succès. A chaque échec, son maître se moquait gentiment d'elle.

Une heure plus tard, ils marchaient pour rentrer. A l'approche du mas, Tako changea de comportement. Elle se précipita vers le mas en aboyant avec agressivité.

Joseph se raidit. Si Tako agissait ainsi, un danger se présentait. Quelqu'un qui essayait de cambrioler sa maison ?

Joseph augmenta son allure pour rejoindre la chienne. Elle s'était arrêtée devant le mur de l'entrée et continuait ses aboiements.

  • Alors, qu'est-ce qu'il y a, ma belle ?

Il leva les yeux sur le haut du mur. Il crut alors que les tentacules de l'Enfer se jetaient sur lui. Au-dessus de la porte principale, ces terribles mots étaient écrits en rouge sang :

"Bon anniversaire, Barbara. Que ta dixième année au pays des morts te soit favorable".

Tako s'arrêta d'aboyer. Toujours aussi horrifié, Joseph jeta un œil à sa porte d'entrée. Aucune dégradation à constater. Sur ses gardes, il entra à l'intérieur. Personne et Tako ne semblait plus inquiète, signe que l'intrus s'était volatilisé.

Le bruit du téléphone fixe provoqua chez lui un sursaut. Il hésitait. Il tremblait. Il ne pouvait pas l'expliquer, mais il savait qui serait à l'autre bout du fil. Il répondit malgré tout.

  • Allô ?
  • Bonjour, Monsieur Imbert. J'espère que ma pensée pour Barbara vous a plus.

La voix était trafiquée. Impossible de la reconnaître.

  • Espèce de salaud. Montrez-vous au lieu de vous cacher derrière un téléphone !

L'homme avait déjà raccroché, sans entendre les paroles de Joseph. Meurtri, le vieil homme posa le téléphone. Il souhaitait que sa vie s'arrête ici et maintenant.

***

Arrivés chez eux, les Deveaux n'avait aucune idée des malheureux événements survenus chez Joseph. Dès qu'elle franchit la porte de leur demeure, Sydney monta dans sa chambre et appela Laure.

  • J'allais t'appeler justement, fit Laure en guise de bonjour.

La gravité de la voix de Laure la surprenait.

  • Il s'est passé quelque chose ? C'est ton père ?
  • Non, non. Il est plutôt calme en ce moment. J'ai eu un appel de la mère de Marilyne. Il est sans nouvelles d'elle depuis hier soir. Elle a laissé un mot disant qu'elle était sortie rejoindre des amis Chez Joe dans la soirée.

La tête de Sydney s'alourdit. Donc, ce n'était pas un cauchemar ou une invention de son esprit ? Laure continua :

  • Sa mère a fait le tour de ses copains, jusqu'à moi, pour savoir si quelqu'un avait une indication à lui donner sur l'endroit où elle se trouvait. Personne. A la fin de notre conversation, elle partait signaler sa disparition à la police... Je n'en reviens pas de dire ça, mais Syd, ce que tu as vu était vrai. Elle a dû se décider après notre chat de hier. Elle est morte, n'est-ce pas ?

Sydney, confuse, ne savait pas quoi répondre. Toute la journée, elle avait essayé de se convaincre que ses rêves n'étaient que des rêves, rien de plus. Et voilà que Marilyne disparaissait. Que lui arrivait-il ? Pourquoi cette prémonition ?

  • Je l'ai vue perdre la vie, oui. Mais nous ne savons rien, Laure. Elle sera peut-être retrouvée à temps.
  • Je sens dans ta voix que tu n'y crois pas. Pourquoi je ne t'ai pas prise au sérieux ? J'aurais pu insister, lui dire : "Surtout, si l'envie de prendre d'aller Chez Joe, n'y va pas. Un danger t'attend".
  • Tu n'as rien à te reprocher. Il est difficile d'appréhender ce que j'ai vu.
  • Tu penses que cette nuit tu vas avoir des informations supplémentaires ?
  • Je ne sais pas. Je n'ai aucune idée du fonctionnement de ces rêves. Pourquoi moi ? Pourquoi ces visions ? Est-ce que cela va continuer ? Je ne comprends plus rien.
  • Si ça continue, nous tenterons de comprendre ensemble. Tu ne seras pas seule.
  • Merci.

Sydney resta encore quelques minutes au téléphone avec Laure. Elles parlèrent d'autres sujets plus légers pour se changer les idées. Puis, Sydney raccrocha et descendit rejoindre ses parents dans la salle à manger. Sa mère téléphonait. Elle était tendue et inquiète.

  • Nous t'attendons, Joseph. Sois prudent sur la route.

Laurianne arrêta la conversation.

  • Qu'est-ce qui se passe avec tonton Jo ? demanda Sydney.

Troublée, Laurianne répondit :

  • Il semblerait que le tueur de Barbara ait fait une apparition. Quand Joseph est revenu de sa promenade avec Tako, il a vu une inscription au-dessus de sa porte d'entrée : "Bon anniversaire, Barbara. Que ta dixième année au pays des morts te soit favorable". Il a reçu aussi un appel de la personne qui a fait ça.
  • Quoi ?! Mais, c'est horrible.
  • Nous avons proposé à Jo de venir vivre chez nous, le temps qu'il puisse vendre le mas et trouver quelque chose, ici à Isle, parla Kevin.
  • D'accord. C'est bien. Il ne faut pas que tonton soit seul.
  • Quelque chose d'autre semble te préoccuper, ma fille, remarqua son père.

Elle préféra ne pas mentir. Ce n'était pas dans ses habitudes avec ses parents.

  • Une copine de Laure, Marilyne, que j'ai rencontrée hier a disparu. Ses parents la cherchent partout, mais personne ne sait où elle est.
  • Eh bien, les mauvaises nouvelles s'accumulent, lâcha Laurianne. J'espère qu'ils la retrouveront rapidement.

Alors que sa mère finissait de parler, il lui sembla, pendant un instant, de sentir le fantôme de Marilyne derrière elle.

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