Chapitre 10 suite 3

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Dès qu’elle avait aperçu le visage défait d’Aymeric, Alis avait tout de suite compris qu’il savait. Elle ne fut donc pas surprise de sa réaction brutale et se laissa entraîner à l’intérieur sans résister. Une fois la porte refermée, elle déglutit péniblement avant d’affronter son regard douloureux.

- Comment ai-je pu te faire ça ? Murmura-t-il sombrement en analysant mieux pourquoi elle avait tant changé.

- Ce n’est pas de ta faute, Aymeric. Comment aurais-tu pu prévoir que je me laisserais berner par lui ? Comment je suis assez bête et irréfléchie pour tomber dans son piège ? Je ne dois m’en prendre qu’à moi-même, tu n’y es pour rien. Si j’avais connu son vrai visage plus tôt, jamais je ne l’aurais épousé mais… Gautier a mis trop de temps à tout me raconter. Si tu savais combien je m’en suis voulue de t’avoir trahi de la sorte ! Et Catherine !

Aymeric contemplait les yeux brillants de larmes d’Alis avec effroi. Il lisait dans son regard tout ce qu’elle ne lui disait pas… tout ce qu’elle lui cachait.

- Il te maltraite, hein ? Dis-moi, que j’aille achever ce que j’aurais dû faire ce jour-là !

Dévastée par sa colère, Alis éclata soudain en sanglots. Toute la tension qu’elle avait accumulée depuis le début de son union catastrophique se déversait en un flot ininterrompu de larmes entrecoupées de hoquets incoercibles.

Le premier instant de stupeur passé, Aymeric s’avança et la prit tendrement dans ses bras. Il la berça, caressant ses cheveux, et murmura des paroles apaisantes tout en ressassant son projet de vengeance. Cette fois-ci, il ne lui laisserait pas d’échappatoire !

Lorsqu’elle commença à se calmer et à reprendre son souffle, le chevalier desserra son étreinte et lui souleva le visage :

- Tu n’as pas à t’en faire, je ne le laisserai plus te faire du mal. À partir de maintenant, considère-toi comme veuve.

Hébétée par ses paroles, Alis le regarda comme dans un mauvais rêve faire demi-tour et attraper le loquet de la porte.

- Non ! Hurla-t-elle soudain.

Arrêté dans son élan, Aymeric sursauta et se retourna en fronçant les sourcils.

- Tu ne peux pas arriver là, comme ça, et tout bouleverser sans me demander mon avis ! Si tu le tues, qu’est-ce que je vais devenir ? N’oublie pas que tu ne fais que passer ! Bientôt tu vas partir en croisade et tu ne pourras pas veiller sur moi… ni sur l’enfant que je porte. Arnaud est peut-être le pire des rustres, je ne suis pas heureuse avec lui, mais que tu le veuilles ou non, je dépends de lui. Et toi, tu n’as rien à m’offrir… Tu n’aurais jamais dû revenir, jamais dû me dire tout et surtout, tu n’aurais jamais dû savoir…

Sa voix se perdit dans un souffle alors qu’elle le fixait de ses immenses yeux noirs désespérés.

- Tu… tu attends un enfant de lui ? Bafouilla Aymeric avec une grimace de dégoût. Et moi qui me fustigeais de n’avoir pas pu me retenir dans l’église !

- Qu’est-ce que tu crois ? Heureusement pour moi, ma vie ne se limite pas à toi !

Une bouffée de colère irraisonnée s’empara alors du chevalier. Même s’il savait qu’elle était dans le vrai, il n’arrivait pas à admettre qu’elle puisse vouloir continuer de vivre sous le joug de ce moins que rien. C’était tellement inconcevable à ses yeux qu’il perdit tout entendement.

- Tu as raison, je n’aurais jamais dû revenir, cracha-t-il en lui jetant un regard dédaigneux. Je te laisse à ta petite vie sordide et te souhaite bien du bonheur.

- C’est ça, va-t-en… et surtout, ne reviens jamais !

- Il n’y a pas de risque, plus rien ne me retient désormais dans ce pays.

Et il claqua la porte sans un regard en arrière.

Anéantie par ce flot de rancune déversée mais surtout par son regard si méprisant, si dégoûté, Alis ne chercha pas à le rattraper et s’effondra lourdement sur le banc contre la table. Les larmes ruisselaient sur ses joues sans qu’elle puisse les arrêter.

- Oui, tu n’aurais jamais dû revenir, murmura-t-elle au battant de bois, fermé sur son amour perdu. Le seul réconfort que tu m’as apporté ce jour est de savoir que tu m’as aimé suffisamment pour sacrifier un peu de ta vie pour moi… et que ta semence, encore dans mon ventre, m’aidera peut-être à aimer l’enfant que je porte en pensant qu’il est de toi…

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