Chapitre 10 suite 1

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Alors qu’elle atteignait la porte de l’église toujours à reculons, et allait par là même réussir à échapper à son emprise, Aymeric se leva à son tour et combla la distance qui les séparait en quatre enjambées : tous repères et toute raison l’avaient abandonné.

Hypnotisée par le regard brûlant qui lui faisait face, Alis s’immobilisa et retint son souffle. Il était trop près, beaucoup… beaucoup trop près.

Comme pour confirmer ses craintes, Aymeric se pencha pour lui saisir la taille et l’attirer encore plus près.

- Il… il ne faut pas, murmura-t-elle si bas que le chevalier occulta aussitôt ses paroles.

Le cœur sur le point d’éclater et les jambes paralysées, Alis le vit comme dans un rêve poser ses lèvres sur les siennes. Sans plus chercher à analyser sur quel terrain dangereux ils allaient s’engager ni tenir compte de l’endroit sacré où ils se trouvaient, la jeune serve se laissa sombrer corps et âme. Elle s’agrippa à son cou comme si sa vie en dépendait et, inassouvie par ce trop chaste échange, assaillit sa bouche gourmande sans trouver aucune résistance.

Retrouvant comme par magie les sensations qu’il savait si bien éveiller en elle, Alis sentit tout son corps et ses entrailles s’enflammer, attisés par ce baiser passionné. Sachant maintenant ce qu’il éprouvait pour elle, la jeune femme s’abandonnait sans retenue à cette étreinte et plongeait avec volupté dans son regard turquoise. Elle se sentait ballottée comme un fétu de paille dans cet océan déchaîné, sans autre port d’attache que son corps auquel elle s’accrochait de toutes ses forces.

Perdant toute notion du temps présent au fond du gouffre sans fond dans lequel elle l’entraînait, Aymeric resserra son emprise sur sa taille et la fit reculer d’un pas jusqu’à ce qu’elle se retrouve adossée à la porte de l’église. À bout de souffle, il délaissa sa bouche l’espace d’un instant pour la dévorer des yeux, cherchant son assentiment pour assouvir le désir impérieux qui le tenaillait.

Aiguillonné par le regard trouble qui lui faisait face, Aymeric s’empressa de dévorer à nouveau sa bouche entrouverte tout en s’acharnant sur ses habits pour les retrousser. Lorsque ses doigts effleurèrent enfin sa peau nue, le chevalier crut devenir fou. Sans cesser un instant de l’embrasser, il caressa la chair douce et veloutée de ses hanches avant d’empoigner ses fesses. Il glissa une main sous sa cuisse et la remonta contre sa hanche pour permettre un meilleur accès à son intimité. D’ailleurs, il délaissa la rondeur exquise de son postérieur pour s’aventurer au cœur de sa toison bouclée, séparant et fouillant ses petites lèvres d’un doigt habile.

Alis en oublia tout ce qui l’entourait jusqu’à devenir insensible au rude contact du bois contre la blessure encore à vif de son dos. Plus rien n’avait d’importance, plus rien ne comptait à part l’instant présent et cette caresse lancinante qui lui faisait perdre tous ses moyens. Elle savait ce qui allait suivre et l’appelait de tout son être.

En réponse à ses attouchements enchanteurs, Alis entreprit de libérer son sexe tendu et brûlant. Elle eut à peine le temps de le caresser, avant d’être soudain soulevée de terre par une poigne d’acier. Retombant avec une précision quasi diabolique, son sexe bien humide s’empala sans faillir sur le membre puissant qui l’attendait avec impatience. Un gémissement de plaisir s’échappa alors de sa bouche bâillonnée de baisers.

Depuis combien de temps n’avait-elle pas ressenti cette divine sensation ?

Alis s’arrima au cou d’Aymeric et l’accompagna dans son délicieux va-et-vient. Chaque coup appuyait un peu plus douloureusement sur sa blessure, mais elle n’en avait cure. Elle n’allait pas laisser cette plaie s’interposer dans le plaisir qu’elle sentait monter du plus profond de ses entrailles !

Lorsque la cadence infernale s’accéléra jusqu’au point culminant de leur jouissance, leurs bouches scellèrent fort à propos leurs gémissements en un serment étouffé. Leurs yeux chavirés sombrèrent corps et âme dans le regard de l’autre. Pendant cet instant fragile, ils oublièrent tout du monde qui les entourait et de la dure réalité qui les attendait tapie dans l’ombre.

Toujours niché au plus profond de ses entrailles et la tête enfouie dans son cou, Aymeric reprenait peu à peu son souffle et ses esprits.

- Tu me rends fou, murmura-t-il d’une voix rauque. Combien de fois ai-je rêvé de toi… de cet instant ?

- Sûrement pas aussi souvent que moi.

Aymeric releva la tête et la contempla de son sourire moqueur :

- Pourtant, ne m'avais-tu pas dit que nos chemins n’auraient jamais dû se croiser ?

Alis lui rendit son regard narquois et lui répondit avec aplomb :

- Mais, je le pense toujours.

- Arrête de dire des méchancetés que tu ne penses pas, railla-t-il avant de s’emparer à nouveau de sa bouche en un baiser impérieux auquel elle répondit sans se faire prier.

Sans cesser de l’embrasser, il la souleva doucement pour se désincarcérer à regret de cette prison de chair et la posa sur le sol de terre battue où son bliaud retomba dans un bruissement rêche autour de ses jambes.

La dure réalité les rattrapait dans leur élan. Aymeric savait qu’il devait abréger cette étreinte. Maintenant. Même s’il la sentait s’accrocher de toutes ses forces à son cou. Même s’il savait… même s’il ne savait pas s’il la reverrait un jour.

Lorsqu’il se redressa lentement, comme à regret, et abandonna sa bouche, Alis crut que son cœur allait exploser. Que n’aurait-elle donné pour se rendre maître du temps et ainsi arrêter cet instant à jamais ?

- Alis, je…

- Chut, murmura-t-elle en posant ses doigts sur ses lèvres fines et soudain graves. Ne dis rien. Gardons ce moment précieusement au fond de nos cœurs comme un baume à mettre sur nos prochaines blessures.

- Je n’y manquerai pas, souffla-t-il en lui caressant la joue d’un revers de main.

- Suis-je à nouveau présentable ? Murmura Alis en s’essuyant discrètement l’intérieur des cuisses avec sa chainse d’une main et en arrangeant ses cheveux de l’autre pour attirer son attention sur son visage.

- Plus belle que jamais avec tes joues rouges et ton regard brillant.

- Ne te moque pas, j’ai une réputation à préserver, moi !

- Je croyais que tu n’en avais cure ? Que tu n’avais rien à faire du quand dira-t-on ?

- Peut-être mais…

Alis n’acheva pas sa phrase. Elle venait juste de penser à Arnaud et au châtiment qui ne manquerait pas de lui dégringoler dessus s’il venait à apprendre ce qui s’était passé derrière son dos. Ne voulant pas alerter Aymeric ni l’emmener à penser qu’elle subissait les mauvais traitements de son époux - cela ne le regardait en aucune manière - elle adopta un ton léger pour détourner la conversation de sa personne.

- Et toi ? Que dira Gui quand il verra ta mine réjouie et satisfaite ?

Alis ne voulait pas mentionner le nom d’Ermessinde. Cela aurait été lui accorder trop d’importance que de penser à elle dans un moment pareil et n’aurait pas manqué d’assombrir le visage d’Aymeric.

- Gui est mon ami : il ne fera ni ne dira rien qui pourrait me nuire.

- Tu en es sûr ?

- Certain : c’est lui-même qui m’a proposé d’arranger cette rencontre.

- Tant mieux. Alors maintenant, il ne nous reste plus qu’à sortir affronter le regard « bienveillant » des villageois.

Aymeric la détailla avec curiosité. La raison qui lui avait fait défaut depuis le début le frappa soudain dans toute sa clarté : s’ils sortaient ainsi de l’église, complices et souriants, personne ne douterait un instant qu’il venait de la déshonorer. Elle deviendrait la risée du village, mais surtout… comment réagirait son époux ?

- Attends, l’arrêta-t-il avant qu’elle n’ouvre la porte, tu ne m’as pas parlé de toi, de ta vie. Avec qui tu t’es unie ? Je suppose que ce n’est pas avec Gautier puisqu’il a été l’un des premiers à se porter volontaire. Et puis… je devrais peut-être faire semblant de te violenter un peu pour donner le change. Je ne voudrais pas te porter préjudice.

Alis réfléchit un long moment devant ce flot de questions qu’elle redoutait depuis le début. Comment lui avouer qu’elle avait épousé Arnaud ? Elle choisit de faire l’impasse sur ce point et prit bien garde de mesurer ses mots :

- Ma vie n’a aucun intérêt particulier et ne regarde que moi. Nous n’allons probablement plus jamais nous revoir alors tu n’as pas besoin d’en savoir tous les détails. Par contre, je veux bien que tu me malmènes un peu… pour faire plus vrai.

- Comme tu voudras, rétorqua-t-il d’un air pincé devant sa réticence à lui dévoiler ses secrets, mais… si je m’en donne la peine, je n’aurai aucun mal à découvrir ce que tu me caches.

Alis haussa les épaules pour montrer le peu d’intérêt qu’elle accordait à ses menaces malgré l’angoisse qui lui tordait le ventre à cette éventualité.

Devant son mutisme obstiné, Aymeric n’eut aucun mal à trouver la colère nécessaire pour lui saisir brutalement le bras et la secouer un peu avant d’ouvrir la porte de l’église et la pousser sans ménagement devant lui.

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